Archives mensuelles : janvier 2017

Quand les relations russo-turques déjouent les pronostics

Quand les relations russo-turques déjouent les pronostics

Certains avaient annoncé que les relations russo-turques auraient du mal à se remettre de la crise de novembre-décembre 2015, prédisant même, un gel des relations entre les deux pays de plusieurs années. Pourtant, six mois plus tard, leurs relations économiques et diplomatiques sont à nouveau excellentes.

Déception pour certains, joie pour d’autres, les relations turco-russes reviennent au beau fixe après une crise de près de six mois. La normalisation annoncée par les présidents Poutine et Erdogan lors de leur rencontre à Saint-Pétersbourg en août dernier, après que la Turquie a présenté officiellement ses excuses pour avoir abattu un chasseur russe Su-24, semble désormais repasser au stade supérieur, celui du partenariat stratégique.

La Russie n’a pas encore levé toutes les mesures d’embargo vis-à-vis de la Turquie, mais la plupart des responsables et experts, russes comme turcs, s’accordent à dire que ce n’est qu’une question de temps. Pour rappel, la Russie a déjà levé depuis plusieurs mois les restrictions sur les vols charters touristiques à destination de la Turquie, ce qui a immédiatement redonné le sourire aux hôteliers turcs, qui faisaient face à une grave crise depuis la détérioration des relations entre les deux pays. Désormais, la Turquie refait partie des destinations favorites des touristes russes et les Turcs viennent d’annoncer qu’ils étaient prêts à recevoir près de 5 millions de touristes en provenance de Russie en 2017, tout en leur proposant des conditions très attractives.

Pour rappel, ils étaient plus de quatre millions de Russes à avoir visité la Turquie, aussi bien en 2014 qu’en 2015, plaçant les russes à la deuxième place en termes de nombre de touristes juste derrière les Allemands, mais à la première place pour les dépenses: les Russes sont en effet trois fois plus prodigues que les touristes allemands. Aux dernières nouvelles, le taux de réservation actuel de voyages à destination de la Turquie par les touristes russes est 4 à 5 fois supérieur qu’à la même période de l’année dernière (au pic de la crise des relations bilatérales). La Turquie, sixième destination touristique mondiale, redeviendra donc vraisemblablement la destination étrangère principale pour les vacanciers russes, avec en prime le meilleur rapport qualité/prix.

L’autre secteur fort important pour les turcs est celui du BTP. Les entreprises turques, dont plusieurs font partie des meilleures au niveau mondial, attendent la levée totale des restrictions pour relancer de nouveaux projets sur le sol russe. Il faut se souvenir que la Russie était de loin le principal débouché des entreprises turques, qui en étaient de plus les leaders absolus avec près de 20 % de parts de marché. Les principaux acteurs du secteur avaient conservé leurs contrats signés avant la crise, mais ne pouvaient prétendre à obtenir de nouveaux marchés à cause des sanctions prises par le gouvernement russe. Des restrictions qui vraisemblablement ne devraient plus durer très longtemps.

L’agroalimentaire, autre source importante de revenus pour la balance commerciale turque, attend lui aussi une envolée. Depuis quelques mois, la Russie a levé l’embargo sur un certain nombre de fruits et légumes turcs, mais plusieurs autres, dont les tomates, restent toujours interdits d’entrée. Là aussi, on s’attend à une amélioration, tout en sachant que le gouvernement russe a annoncé devoir tenir compte des intérêts des producteurs nationaux, qui ont profité de la crise pour accroître leur présence sur ce marché. Néanmoins, tout porte à croire que l’embellie entre les deux pays permettra à la Turquie de reprendre des parts de marché dans des secteurs où elle était précédemment bien placée. Une situation qui contraste avec celle des exportateurs de l’UE qui, vraisemblablement, ont perdu leurs positions pour longtemps.

D’un autre côté, la Russie prévoit également de renforcer ses positions sur le marché turc, qui est majeur pour elle dans plusieurs domaines. En effet, la Turquie est le second marché étranger pour le gaz russe. Lukoil, le géant pétrolier russe, y possède aussi d’importants intérêts, notamment plusieurs centaines de stations essence. En outre, Sberbank, la principale banque russe, détient DenizBank, qui fait partie du Top 5 des principales institutions bancaires turques.

Enfin, les deux pays ont relancé deux autres projets stratégiques: il s’agit bien évidemment du projet de gazoduc TurkStream, qui va acheminer le gaz russe en Turquie à travers la mer Noire, ainsi que de la centrale nucléaire d’Akkuyu, sur les bords de la mer Méditerranée, dans la province de Mersin. Dans le cas du gazoduc TurkStream, les travaux devraient débuter cette année, avec entre autres pour objectif de cesser le transit gazier via l’Ukraine d’ici 2019. Quant à la centrale nucléaire d’Akkuyu, le premier bloc devrait être opérationnel d’ici 2020, pour une centrale pleinement opérationnelle en 2023. Le projet sera réalisé par l’Agence fédérale russe de l’énergie atomique (Rosatom).

Il convient aussi de souligner qu’en plus de la réactivation du partenariat stratégique dans la sphère économico-commerciale, avec pour objectif annoncé des deux côtés d’arriver à 100 milliards de dollars d’échanges annuels à l’horizon 2020-2023, on assiste en ce moment même à un dialogue politique sans précédent. En effet, jamais la Russie et la Turquie n’ont autant coordonné leurs positions pour tenter de résoudre les problèmes régionaux, comme c’est actuellement le cas dans le dossier syrien. Peu de gens auraient cru que la Russie et la Turquie, qui ont depuis plusieurs années adopté des approches très différentes vis-à-vis du conflit syrien, auraient pu mettre ensemble en place une trêve, qui est globalement respectée dans le pays. Une trêve qui ne concerne pas les groupes terroristes de Daech, d’Al-Qaida et tous ceux qui ont refusé de se joindre audit cessez-le-feu.

Mieux encore, un mécanisme tripartite de contrôle du cessez-le-feu doit désormais être mis en place sous la houlette des trois pays garants de cet accord: la Russie, la Turquie et l’Iran. Enfin, qui aurait aussi pu imaginer que la Russie et la Turquie (qui est encore membre de l’Otan) iraient jusqu’à mener des opérations militaires conjointes? C’est pourtant le cas des aviations russes et turques qui mènent actuellement des raids contre les positions de Daech dans le nord de la Syrie. Le meilleur est probablement à venir, et ce malgré l’opposition d’acteurs extérieurs hostiles au rapprochement russo-turc.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201701311029870203-russie-turquie-relations/

Mikhail Gamandiy-Egorov

L’Iran et la Russie célèbrent les cinq siècles des relations bilatérales.

« L’Iran et la Russie envisagent de lutter contre le terrorisme international, l’extrémisme et de trouver une issue diplomatique à la crise sévissant en Syrie ». « L’Iran est notre voisin et partenaire de longue date. La caractéristique constructive des relations irano-russes cristallise des principes d’égalité, du respect des droits réciproques, d’amitié et de la confiance mutuelle et nous le saluons » (Serguei Lavrov, chef de la diplomatie russe).

http://www.presstv.ir/DetailFr/2017/01/30/508372/Iran-russie-relations-cinq-ans

Partenariat irano-russe renforcé. (Photo d'illustration)

Que ce soit clair une bonne fois pour toute. Notre patriotisme, le vrai patriotisme russe, est fermement opposé aux idées du nationalisme ethnique, du racisme et de la xénophobie. Nous sommes fiers de ce qu’on est. Un point c’est tout. Et nous n’oublierons jamais nos héros ayant anéanti la peste brune nazie. Nous nous devons être dignes de leur héritage. #MondeRusse #РусскийМир

Les Emirats arabes unis libéralisent de façon unilatérale le régime de visa en direction de la Russie. Désormais les citoyens russes n’auront plus besoin d’obtenir le visa émirati à l’avance mais l’obtiendront directement à l’arrivée au pays des cheikhs pour une durée de 30 jours avec possibilité de prolongation pour 30 jours supplémentaires. Objectif annoncé par le leadership émirati : augmenter encore plus le volume des touristes russes et renforcer les relations bilatérales « stratégiques » avec la Russie.

Astana, nouveau centre mondial de résolution des crises?

Moscou, Téhéran, Ankara s’engagent à faire un distinguo entre opposition et terroristes

Fin septembre 2015, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, le président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev prend la parole.

Il y mentionne trois points importants: 1) Les sanctions contre des pays n’ont pas lieu d’être à notre époque. 2) Le monde a énormément changé depuis la création de l’Onu et surtout depuis les dernières années et enfin 3) Compte tenu de tous ces changements, il a proposé de transférer le siège de l’Onu depuis New York en Asie.

Certains analystes avaient pris ces paroles avec ironie, pourtant en janvier 2017 l’attention internationale était bel et bien axée sur Astana, la capitale kazakhe. Pour la première fois depuis bien longtemps, dans la même salle et non pas à différents étages s’étaient réunis les représentants du gouvernement syrien avec les représentants des groupes armés, dits de l’opposition. Avec eux dans cette salle les représentants des pays-garants de la trêve entrée en vigueur le 30 décembre dernier, à savoir le trio Russie-Turquie-Iran. Le Kazakhstan, en tant que pays hôte des discussions, était bien évidemment aussi représenté de par son ministère des Affaires étrangères. L’envoyé spécial de l’Onu pour la Syrie Staffan de Mistura a lui aussi fait le déplacement. Enfin l’ambassadeur américain en poste au Kazakhstan était présent en tant qu’observateur.

Ce fut loin d’être facile et il fallait s’y attendre. Pas évident de s’asseoir à la même table (même très large) après plus de six années d’affrontements. Néanmoins, le chef de la délégation gouvernementale syrienne, l’ambassadeur permanent de la Syrie à l’OnuBachar Jaafari a réussi à garder son sang-froid jusqu’au bout. Difficile d’en dire autant des représentants des groupes armés qui ont bien moins l’habitude des rencontres diplomatiques, et qui n’ont pas manqué d’envoyer des accusations, notamment en direction de l’Iran. Quoiqu’il en soit, la diplomatie a prévalu sur les tensions. Un grand rôle à ce niveau fut joué par la délégation russe, de l’aveu même du représentant de l’Onu.

Que faut-il donc retenir de ces discussions de deux jours dans la capitale kazakhe? Tout d’abord que la trêve est prolongée. Et c’est l’essentiel. Au moment où la priorité est de lutter contre les groupes terroristes Daech et Front Fatah al-Cham (ex al-Nosra), ce résultat ne peut être qu’à saluer. En même temps, il confirme la compréhension des chefs de plusieurs groupes armés anti-Assad qu’il est aujourd’hui temps de négocier avec le gouvernement syrien. Bien que les groupes armés présents à Astana représentent encore plusieurs dizaines de milliers de combattants (près de 60 000 selon les données du ministère russe de la Défense), leur contrôle sur le territoire syrien est désormais fort réduit, surtout après la libération d’Alep. Autre point clé: l’influence de plus en plus positive de la Turquie. Qu’on le veuille ou non, les faits parlent d’eux-mêmes: toutes les précédentes trêves négociées avec la participation américaine n’ont pas pu durer plus de quelques jours, les États-Unis de l’administration Obama ne souhaitant pas remplir leurs engagements. Mais depuis celle du 30 décembre, négociée sous la coordination russo-irano-turque, elle reste globalement respectée. Et c’est positif.

Par ailleurs et c’est tout aussi important, le communiqué final d’Astana insiste sur le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’unité de la République arabe syrienne. De même que sur le fait qu’elle est un État multiethnique, démocratique et non confessionnel. Ce dernier point posait problème aux représentants des groupes armés, dont nombreux sont islamistes, mais vraisemblablement ils vont devoir se faire à la chose.

En outre, un mécanisme tripartite de contrôle du cessez-le-feu sera mis en place par les pays-garants, la même troïka: Russie, Turquie, Iran. Le communiqué souligne également la nécessité urgente de multiplier les efforts pour relancer les pourparlers conformément à la résolution 2254 du CS de l’Onu. Enfin, les trois pays déjà cités se sont mis d’accord pour combattre ensemble (!) les réseaux terroristes de Daech et d’Al-Qaïda. Si dans le cas russo-iranien, c’est déjà le cas, le fait de voir la Turquie se joindre à ces efforts est tout aussi positif. Preuve à l’appui: durant les derniers jours, les forces aérospatiales russes et aériennes turques ont bombardé ensemble les positions de Daech, près de la ville d’Al-Bab, non loin de la frontière turco-syrienne.

Les participants n’ont pas manqué de remercier la présidence du Kazakhstan pour avoir assuré toutes les conditions nécessaires au bon déroulement des discussions.

Bref, le résultat d’Astana est assez impressionnant et facilite sérieusement la voie à de nouvelles plateformes, dont celle de Genève, censée se tenir le 8 février prochain. Avant cela, il est prévu que des représentants de l’opposition syrienne se rendent à Moscou.
Beaucoup de défis encore à surmonter, notamment dans la lutte antiterroriste, mais l’heure est effectivement à l’optimisme. Quant à Astana, elle aura prouvé que la multipolarité est bien une réalité qu’il est aujourd’hui simplement ridicule de nier. Elle aura prouvé aussi que nous pouvons faire beaucoup dans le cadre eurasiatique, sans faire appel aux élites occidentales, tout en ne fermant pas la porte aux autres intéressés potentiels. Au-delà des questions régionales, l’Eurasie deviendra-t-elle une plateforme efficace pour résoudre d’autres conflits dans divers endroits du monde? Rien n’est à exclure.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201701251029780478-astana-centre-mondial-resolution-crises/

Mikhail Gamandiy-Egorov