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Le grand rendez-vous du Sommet de l’OCS

13.09.2022

Au moment des bouleversements internationaux et d’un affrontement de plus en plus visible entre les partisans de l’ordre multipolaire et les nostalgiques de l’ère unipolaire, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai arrive à point pour poursuivre la coordination dans grand nombre d’orientations stratégiques.

Le Premier ministre indien Narendra Modi participera à un sommet régional qui, selon Moscou, donnera lieu à des discussions en tête-à-tête entre les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, comme l’a annoncé dimanche 11 septembre le gouvernement indien, écrit Le Figaro.

Fait tout de même toujours marquant dans la rhétorique occidentale: «sommet régional». S’il est vrai que les pays membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) – en l’occurrence la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Inde, le Pakistan et bientôt l’Iran, appartiennent tous au grand espace eurasiatique, il serait tout de même bon de rappeler que la population totale représentée est de pratiquement la moitié de la population mondiale. Cela évidemment sans compter les pays-observateurs: la Biélorussie, la Mongolie et l’Afghanistan. Ainsi que les partenaires de dialogue: Arménie, Azerbaïdjan, Cambodge, Népal, Turquie, Sri Lanka. Et ceux qui sont en cours d’obtention de ce dernier statut, en l’occurrence l’Egypte, l’Arabie saoudite ou encore le Qatar.

En d’autres termes – l’OCS représente une large partie de l’humanité. Et de simples calculs mathématiques permettent strictement à démontrer qui est beaucoup plus apte à faire référence à la communauté internationale. Evidemment, du côté occidental, la prétendue «communauté internationale» reste dans le cadre des 10-15% de la population terrestre, et qui prétendument dépasserait un cadre strictement «régional».

Passons. Il y a tout de même effectivement des points importants à soulever dans ce sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai en Ouzbékistan et qui aura lieu fort symboliquement dans la grande ville historique de Samarkand, l’une des plus anciennes villes habitées d’Asie centrale et ayant été l’une des principales cités de la Route de la soie.

La rencontre attendue entre les chefs d’Etat chinois et russe représente également un grand moment de ce sommet, sachant que ce sera de-facto l’un des deux premiers voyages du leader chinois à l’étranger depuis le début de la pandémie – il se rendra dans un premier temps au Kazakhstan, puis en Ouzbékistan pour le Sommet de l’OCS.

Il apparait aujourd’hui clairement que le rôle de la grande organisation eurasiatique et internationale sera appelé à monter, et ce dans plusieurs dossiers. Parmi lesquels : le renforcement de l’interaction politique, économique et sécuritaire des Etats membres, la poursuite de la défense et de la promotion de l’ordre multipolaire international dont l’OCS est l’un des principaux fers de lance, l’opposition à l’unilatéralisme d’une minorité mondiale extrême, et sans oublier les efforts conjoints dans l’objectif notamment de modifier le travail des différents secrétariats onusiens.

En effet, il est aujourd’hui révoltant qu’une structure comme l’ONU – censée être la base de l’entière communauté internationale – reste dominée, du moins dans les différents groupes de travail et d’analyse, soit par des représentants occidentaux, soit par des représentants assez ouvertement affiliés à l’Occident collectif. Peut-être que ce modèle avait sa «place» dans les années 1990 et le début des années 2000, lorsque les affaires internationales étaient de-facto dominées par l’establishment occidental, malgré l’infime minorité qu’il représentait. Aujourd’hui, cette page est largement dépassée, même si la bête à l’agonie s’accroche jusqu’au bout, il faut bien le reconnaitre.

Car à défaut de réformer en profondeur les diverses structures onusiennes, des organisations comme l’OCS seront appelées dans un avenir assez proche – à prendre leurs propres responsabilités, et si nécessaire devenir des alternatives aux bureaux onusiens existants. Il faut bien le reconnaitre aussi – les divers salariés onusiens issus du petit monde occidental et leurs proxys ne souhaiteront évidemment pas perdre lesdites places, pas plus que les élites atlantistes qui comptent sur eux.

Dans tous les cas, le monde multipolaire et quoiqu’on en dise fort vraisemblablement post-occidental, continuera à monter en puissance dans les mois et années à venir. Les tentatives, y compris radicales, de l’Occident à tenter de stopper ce processus ne mèneront finalement à rien. Et ne feront qu’impacter sérieusement la vie des citoyens ordinaires des pays dirigés par cette extrême minorité planétaire. Et en ce sens, l’Organisation de coopération de Shanghai sera bel et bien la structure clé du nouveau monde qui émerge.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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L’Iran compte adhérer à l’Union économique eurasiatique

Le président du Parlement iranien Mohammad Baqer Qalibaf avait récemment annoncé que son pays prévoit de rejoindre l’Union économique eurasiatique (UEEA). Si cette annonce suscite un évident enthousiasme pour les partisans de l’intégration eurasienne, du côté des puissances occidentales et d’Israël – l’heure est résolument à l’inquiétude.

L’éventualité d’une adhésion de la République islamique d’Iran à l’Union économique eurasiatique conforte l’idée du plein renforcement de la coopération eurasienne – aussi bien dans le sens d’une région plus que stratégique pour le renforcement du concept multipolaire du monde, ainsi que dans l’idée que c’est bel et bien en Eurasie que se forme la véritable notion de communauté internationale. Et ce aussi bien du point de vue géopolitique, géoéconomique, sécuritaire et démographique.

Pour rappel, l’Iran fait partie d’une autre grande organisation internationale eurasienne, à savoir l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en qualité de membre-observateur, avec de très bonnes perspectives de devenir prochainement membre à part entière. Mais que représente concrètement du point de vue stratégique une adhésion de Téhéran au sein de l’UEEA? Il faut pour cela faire mention de plusieurs orientations.

Tout d’abord, il faut noter que désormais l’Union économique eurasiatique dépasse le cadre «promu» dans la vision des élites atlantistes, comme une simple renaissance de l’URSS. Sachant que l’Iran, à la différence des membres actuels de l’UEEA, n’a jamais fait partie de l’Union soviétique. Cela conforte donc l’idée que la notion même de l’intégration dans l’espace eurasiatique est un concept résolument tourné vers l’avenir et surtout qui attire les nations du grand espace eurasien.

D’autre part, et puisqu’on parle d’économie, il faut noter que pour l’Iran – la 21ème puissance économique mondiale en termes de PIB nominal, la 25ème en qualité de PIB à parité de pouvoir d’achat et l’une des principales économies parmi les pays du monde musulman, la perspective d’entrée dans l’UEEA ouvrira des perspectives économiques fortement intéressantes. Puissance énergétique de premier plan (avec une part de marché au niveau mondial des produits pétroliers de 5,5%), l’économie iranienne a connu une vive diversification au cours des dernières années. Cela sans oublier le potentiel scientifico-intellectuel de la nation perse qui n’est pas à démontrer. Y compris en comparaison avec certains de ses voisins régionaux. Ainsi qu’une capacité ferme à résister aux sanctions et pressions extérieures.

Quant à l’Union économique eurasiatique, il faut rappeler que l’organisation représente en soi une population de près de 200 millions de personnes, un PIB nominal de plus de 1700 milliards d’équivalent de dollars et un PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA) de près de 4800 milliards d’équivalent de dollars.

Cette intégration de l’Iran dans l’espace eurasien se déroule  au moment d’un renforcement stratégique avec des pays comme la Chine et la Russie. Ceci étant dit, Pékin et Moscou ne sont pas les seuls soutiens de cette alliance avec l’Iran, aussi bien sur le plan géoéconomique que géopolitique. Des pays comme l’Arménie voient d’excellentes perspectives pour leurs projets économiques dans le cas d’une entrée de l’Iran dans l’Union économique eurasiatique.

Parmi les projets qui peuvent prendre forme ou être ravivés, on peut faire mention du projet ferroviaire reliant l’Iran et l’Arménie. Le coût de ce projet avait été estimé à 3,2 milliards d’équivalent de dollars. La longueur de cette route devrait être autour de 300 kilomètres, avec une infrastructure comprenant 64 ponts d’une longueur totale de 19,4 kilomètres, ainsi que 60 tunnels de 102,3 kilomètres et 27 stations.

Mais ce n’est pas tout. Si ce projet venait à être réalisé, l’Arménie n’aurait pas seulement une importante voie d’accès à l’Iran, mais également vers la Caspienne – en renforçant ainsi les liens par voie maritime avec les autres membres de l’UEEA – comme la Russie et le Kazakhstan. Ce qui est certain, c’est que l’adhésion de l’Iran à l’Union économique eurasiatique ouvre des opportunités pour Erevan de booster son économie, surtout pour la période post-covid et post-conflit avec l’Azerbaïdjan. D’autant plus lorsqu’on connait l’importante et influente diaspora arménienne d’Iran et qui maintient des contacts étroits avec la nation d’origine. Tout cela ne peut être donc que fort positif pour les deux pays, et plus généralement pour le front eurasien.

Evidemment, l’intégration de l’Iran dans l’UEEA ne trouve pas que des partisans. Et suscite une inquiétude peu voilée du côté étasunien, ou encore israélien. Justement, le quotidien israélien Israel Hayom note que les Etats occidentaux craignent que l’adhésion de l’Iran à l’Union économique eurasiatique permette à Téhéran de contourner les sanctions étasuniennes et de faire progresser son programme nucléaire.

Le souci pour les opposants à ces processus de larges intégration et interaction en Eurasie, c’est qu’ils oublient que des pays-civilisations que sont la Chine, la Russie, l’Iran et d’autres n’ont pas l’habitude de demander d’autorisation à qui que ce soit, en ce qui concerne leurs intérêts respectifs et ceux de leurs alliés. Et que si l’adhésion de l’Iran dans l’Union économique eurasiatique se concrétisera – ce n’est certainement pas Washington, Bruxelles ou Tel-Aviv qui pourront la faire stopper.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Haut-Karabakh: y-a-t-il de la place pour une implication politique turque?

Les tensions dans le Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont mis en avant plusieurs aspects importants – qui concernent aussi bien le côté militaire que politique du dossier. A ce titre, l’implication turque reste un sujet de vaste discussion.

Si dans le dossier du Haut-Karabakh, la Turquie s’est ouvertement placée comme soutien infaillible de Bakou, et ce aussi bien sur le plan du soutien militaire, que politico-diplomatique, le rôle d’Ankara reste à bien de titres mitigé.

Il est vrai que d’un côté la Turquie d’Erdogan continue d’élargir sa présence dans plusieurs zones conflictuelles du monde, renforçant par la même occasion son poids sur l’arène régionale et internationale. Pour autant, la participation turque dans les campagnes militaires en Syrie, Libye et désormais en Transcaucasie n’a pu être décisive pour le camp auquel elle apportait son soutien. En Syrie, le président Bachar Al-Assad – que la Turquie souhaitait absolument faire tomber au début du conflit, est non seulement toujours au pouvoir, mais plus que cela – contrôle la grande majorité du pays. Et Ankara sait parfaitement aujourd’hui qu’elle doit accepter cette réalité.

Sur le théâtre libyen, bien que l’intervention turque aux côtés du gouvernement tripolitain ait permis de stopper l’offensive sur la capitale du pays de l’Armée nationale libyenne dirigée par Khalifa Haftar et même de reprendre certains territoires, le constat reste également clair: l’allié libyen d’Ankara contrôle toujours moins de la moitié du territoire de la Libye. Avec peu d’espoir que cela puisse changer prochainement.

Dans le Haut-Karabakh, où la Turquie s’est fermement engagée du côté de son allié azerbaïdjanais, la situation à bien d’égards est semblable. En effet et bien que l’Azerbaïdjan possède une économie et une armée plus puissantes que son voisin arménien, notamment grâce à la rente pétrolière et gazière, la victoire sur le terrain n’a pas été enregistrée. Et ce malgré l’appui turc. Bakou – tout en ayant le soutien militaro-politique turc, avec la participation de conseillers militaires envoyés par Ankara, de nombreux équipements – notamment les drones d’attaque comme le Bayraktar TB2, et des mercenaires syriens et libyens parrainés par la Turquie – n’a effectivement pas pu venir à bout de la résistance arménienne dans la région du Haut-Karabakh, que l’Azerbaïdjan continue de considérer comme lui appartenant.

Et fait notable, cela sans même l’implication de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) – à laquelle l’Arménie appartient – dans le conflit. Au final, l’art diplomatique russe a été bien plus décisif que les émotions turques. A savoir mettre à la table des négociations les représentants des belligérants – avec l’obtention d’un cessez-le-feu et un espoir d’une normalisation progressive de la situation. 

Confirmant par la même occasion non seulement le poids que possède toujours Moscou aussi bien sur Erevan, que Bakou, mais également et justement le fait que parfois la finesse diplomatique est bien plus puissante que les coups de feu des armes.

Un succès diplomatique, bien qu’il reste encore du travail à faire, qui a laissé Ankara bouche bée, surtout à en suivre la presse locale suite à l’annonce dudit cessez-le-feu. Mais une question importante persiste tout de même: la Turquie a-t-elle un rôle politique à jouer dans de quelconques négociations à venir, comme le souhaite le duo Ankara-Bakou?

Pour répondre à cette question, il faut mentionner plusieurs points. Tout d’abord, si Ankara souhaite réellement jouer un rôle positif dans la région, il lui faut oublier sa tactique de mettre en premier lieu de l’huile sur le feu, pour ensuite parler d’une voix plus raisonnable. En ce sens, la raison devrait prévaloir dès le départ, et non pas au milieu ou en fin de processus. D’autre part, si la Turquie prétend pouvoir jouer un rôle constructif dans la région, y compris à la place des puissances n’appartenant pas à la région, il lui faudra compter avec les intérêts de la Russie et de l’Iran, dont l’appartenance à ladite région n’est pas à présenter. Ce schéma de travail a déjà fait ses preuves, notamment lors du processus d’Astana sur la Syrie. Reste à savoir si Ankara en sera prête. Enfin, il serait peut-être grand temps à la Turquie de comprendre que seul un espace eurasien pacifique permettra à l’ensemble de l’Eurasie – à laquelle la Turquie appartient – de consolider les intérêts de tous, dans un cadre multipolaire. C’est la seule approche sérieuse qui prévaudra.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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La Chine prend part aux exercices militaires Caucase 2020

L’espace eurasiatique devient plus que jamais le terrain d’une interaction majeure entre les Etats appartenant audit espace, notamment sur le plan sécuritaire. Les exercices militaires Caucase 2020 auxquels prennent part les représentants de plusieurs pays, dont la Chine, ne font que le confirmer.

Les exercices en question, qui se dérouleront dans le sud du territoire russe, verront la participation de militaires de Russie, Chine, Biélorussie, Arménie, du Myanmar et du Pakistan. Les représentants des forces armées de l’Iran, du Kazakhstan, d’Indonésie, d’Azerbaïdjan, du Tadjikistan et du Sri Lanka, prendront part à l’événement en qualité d’observateurs.

Selon le communiqué du ministère russe de la Défense, près de 80 000 militaires participeront aux exercices Caucase 2020. Au sein des participants, il y aura des formations et des unités de combat, de soutien logistique et technique, de défense aérienne et des formations de forces navales. Par ailleurs, il est prévu que lors des manœuvres soient impliqués jusqu’à 250 chars, environ 450 véhicules de combat d’infanterie et de véhicules blindés de transport de troupes, ainsi que jusqu’à 200 systèmes d’artillerie et de lance-roquettes, le tout dans des actions pratiques sur le terrain.

En ce qui concerne la République populaire de Chine, il est à noter que le leadership militaire de l’une des principales puissances mondiales, participe pratiquement à tous les exercices en coordination avec ses alliés et partenaires stratégiques. Et ce aussi bien dans l’espace eurasiatique, qu’au-delà. Les nombreuses manœuvres militaires conjointes bilatérales, comme multilatérales, ne font que le confirmer.

En effet, les nombreux exercices conjoints des forces armées chinoises et russes ont été observés au cours des dernières années, confirmant par la même occasion le très haut niveau d’interaction entre Pékin et Moscou sur la scène mondiale. Plus que cela, d’autres pays se joignent à la coordination sécuritaire sino-russe. En novembre dernier, aux larges des côtes atlantiques d’Afrique du Sud, les forces navales chinoises, russes et sud-africaines avaient organisé des manœuvres conjointes. 

Un mois plus tard, en décembre 2019, des exercices navals ont eu lieu entre l’Iran, la Chine et la Russie dans l’océan Indien et golfe d’Oman, entre le Détroit d’Ormuz, Bab-el-Mandeb et le Détroit de Malacca. 

Désormais, et avec la participation chinoise aux exercices Caucase 2020, Pékin ne fait que confirmer l’importance accordée à cette interaction stratégique. Et ce malgré les peurs et inquiétudes suscitées en Occident face à la montée en puissance indéniable de l’espace eurasiatique. Un espace qui ne cesse de renforcer le concept multipolaire de la géopolitique mondiale, sa capacité à gérer les défis liés à la lutte antiterroriste, à défendre la souveraineté et à interagir dans nombre d’autres domaines, allant de l’économie à la recherche et l’enseignement.

Evidemment, le leadership chinois observe avec attention les nombreuses tentatives de déstabilisation visant aussi bien ses intérêts directs, que ceux de ses alliés et partenaires stratégiques, à divers endroits du monde. C’est également en ce sens qu’il faut entrevoir la régularité et le sérieux avec lesquels la Chine participe à ces manœuvres. Plus que jamais les nations partisanes de la multipolarité comprennent la nécessité d’être non seulement capables d’interagir au plus haut niveau sur les plans diplomatique, politique et économique, mais également d’accroitre la capacité défensive conjointe, pouvant faire face à tout défi les visant. C’est probablement le point à retenir.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Les faux projets US dans l’ex-URSS

12-12

Alors que l’intégration eurasiatique se renforce de jour en jour, y compris parmi les Etats ex-soviétiques, Washington semble vouloir réactiver des projets n’ayant aucun intérêt stratégique pour les pays concernés, mais qui rentrent parfaitement dans les projets atlantistes de bloquer l’effervescence eurasienne.

Le 12 décembre prochain, l’Ukraine accueillera une réunion des chefs de gouvernement des Etats-membres de l’Organisation pour la démocratie et le développement, dite GUAM – regroupant quatre Etats d’ex-URSS, à savoir la Géorgie, l’Ukraine, l’Azerbaïdjan et la Moldavie. L’Ouzbékistan faisait également précédemment partie de ladite organisation, avant de prendre la décision de la quitter en 2005. L’organisme dispose d’un soutien politique et financier des Etats-Unis, dont l’establishment (notamment en son temps Hillary Clinton) souhaite faire tout le possible en vue de stopper toute «renaissance de l’URSS», notamment sous la forme actuelle de l’Union économique eurasiatique qui ne cesse de monter en puissance.

Pour rappel, l’Union économique eurasiatique est composée de la Russie, de l’Arménie, du Kazakhstan, de la Biélorussie et du Kirghizistan. Le Tadjikistan devant devenir membre de l’union prochainement. Et ayant en outre des zones de libre-échange avec le Vietnam (depuis 2015), plus récemment avec la Serbie et le Singapour (octobre 2019), tout en menant des négociations avec la Chine, l’Iran, Cuba, la Mongolie, l’Egypte, l’Inde et la Thaïlande pour l’établissement de tels accords.

Pour revenir maintenant au GUAM, dès la création de l’organisation, dont le siège se trouve dans la capitale ukrainienne Kiev, les orientations pro-occidentales étaient bien visibles: renforcement des relations avec les USA, l’UE et l’Otan, diminution de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. La présence régulière d’envoyés étasuniens aux réunions de cette structure le confirmait d’ailleurs pleinement. Mais depuis le retrait ouzbek, il était devenu clair que l’enthousiasme de départ des instigateurs de sa création partait clairement à la baisse.

La prochaine réunion de ce mois sera-t-elle donc une simple réunion dans le but de maintenir à flot le cadre bureaucratique de l’organisation? Notamment à travers la discussion annoncée de plusieurs thèmes «d’intérêt commun», comme les questions douanières, logistiques, opportunités d’affaires, ainsi que l’élargissement de la coopération dans les domaines économique, scientifique, énergétique, des télécommunications et autres. Ou serait-ce une tentative de raviver une structure dans laquelle l’Ukraine souhaite prendre un rôle de leader, en coordination avec Washington, et dans une moindre mesure Bruxelles?

Il est évident qu’à travers ce genre de rencontre, parrainée par la diplomatie US, l’Ukraine de Zelensky cherche à montrer que sa voix compte et qu’elle ne prévoit pas de reculer. Surtout à un moment où des divergences nettes apparaissent entre Kiev et plusieurs pays de l’UE, en premier lieu l’Allemagne, qui en observant les attaques ukraino-étasuniennes qui visent les intérêts énergétiques (et économiques) allemands, notamment dans le cadre du gazoduc North Stream 2, n’a pas manqué de rappeler à l’ordre le pouvoir ukrainien, en allant même jusqu’à le menacer de réduction du soutien économique. Un soutien économique dont l’Ukraine a énormément, oui énormément, besoin. Un message que Kiev ne peut ignorer – surtout lorsque c’est la première économie de l’UE qui le dit. Evidemment Berlin ne fait pas cela par amour pour la Russie, mais bel et bien strictement dans le cadre de la défense de ses intérêts stratégiques, car faut-il le rappeler les Allemands savent bien compter les coûts et profits.

Quant à Washington, l’intérêt pour le GUAM n’est principalement autre que de tenter à montrer qu’il existe une alternative à l’intégration eurasienne promue par la Russie et ses alliés. Et de rappeler que leurs pions dans l’ex-URSS sont toujours actifs, des pions qu’ils comptent bien utiliser pour mettre un maximum de bâtons dans les roues aux projets qui n’arrangent guère les intérêts washingtoniens, que ce soit l’Union économique eurasiatique (UEEA), l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ou encore l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC).

Mais concrètement parlant, l’Ukraine dans sa version actuelle peut-elle prétendre à un quelconque «leadership», même étant adoubée par Washington? Rien n’est moins sûr. A commencer par le fait qu’au sein même du GUAM, on est loin, très loin de l’unité. Si en effet avec la Géorgie, l’Ukraine peut prétendre à une sorte d’axe anti-russe, et ce depuis les fameuses révolutions de couleur dans ces deux pays orchestrées, soutenues et suivies par les USA, dans le cas de la Moldavie et de l’Azerbaïdjan, on est assez loin de la rhétorique russophobe.

Dans le cas moldave, il faudrait rappeler qu’un président ouvertement pro-russe et surtout partisan de l’intégration avec l’Union économique eurasiatique, est au pouvoir depuis 2016. Il est vrai que les éléments pro-occidentaux de son pays lui mettent à chaque bonne et moins bonne occasion des bâtons dans les roues, mais Igor Dodon ne compte pas lui aussi reculer. Surtout profitant d’un soutien important de la population moldave et des cercles d’affaires – pour nombreux déçus par les années pro-occidentales à Chisinau. Quant au cas de l’Azerbaïdjan, il est à noter que ce pays a su, et ce depuis l’éclatement de l’URSS, à maintenir des relations fortes avec Moscou sur le plan politique, économique, culturel et sécuritaire, tout en développant ses relations aussi bien avec les pays occidentaux, mais surtout la Turquie, ou encore l’Iran. Plus que cela, nombre d’experts azéris ne cessent d’émettre des doutes sur la viabilité du GUAM et surtout sur la nécessité pour leur pays d’y maintenir sa participation…

Kiev peut donc tenter à prétendre au leadership, avec la «bénédiction» des USA, dans une structure que ces derniers souhaiteraient certainement voir comme une alternative fiable aux projets eurasiens en cours et qui déplaisent fortement à Washington. Encore faut-il, même en ayant un parrain puissant, avoir les moyens de ses ambitions. Et en ce sens, l’Ukraine version actuelle, est tout sauf une mise sérieuse.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Quand l’Iran et la Russie mènent la danse du monde multipolaire

Vladimir Poutine et Ali Khamenei

Énergie, commerce, mais aussi diplomatie internationale, autant de thèmes abordés au Sommet Iran-Russie-Azerbaïdjan qui vient de se clore. Un sommet qui a renforcé sur tous ces sujets le basculement vers un monde multipolaire, et dans lequel les rapports russo-iraniens jouent un rôle clé.

«Nous sommes en mesure de parer les sanctions américaines et d’isoler l’Amérique en renonçant au dollar pour le remplacer par nos devises nationales aussi bien lors de transactions bilatérales que multilatérales». Par ces mots prononcés après sa rencontre avec Vladimir Poutine l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran, donne la mesure des ambitions du Sommet Iran-Russie-Azerbaïdjan. La promotion d’un monde multipolaire —multilatéral, dit Ali Khamenei-, qui ne ferait plus des États-Unis et du dollar le pivot du monde et de son économie, était en effet le fil conducteur de ce sommet qui s’est clos à Téhéran le premier novembre.

Un défi qui requiert de solides qualités, selon Ali Khamenei: «Poutine est une personnalité forte, c’est justement pour cela qu’il est possible de coopérer avec la Russie sur les questions d’envergure qui demandent de la détermination et de la persévérance en tant que superpuissance. Et on peut coopérer avec elle d’une manière logique».

Cette plateforme, qui s’est tenue pour la première fois en 2016 à Bakou, capitale azérie, a abordé de nombreux thèmes d’intérêt pour L’Iran, La Russie et l’Azerbaïdjan. Citons notamment le projet de corridor de transport international «Nord-Sud», qui est parmi les canaux de transport les plus importants au monde du point de vue économique. Énergie, électricité, coopération pétrolière et gazière étaient eux aussi à la une des discussions.

En effet, ces trois nations sont des puissances déclarées en ressources pétrolières et gazières. Mais ce n’est pas leur seul point commun. Ainsi, l’Azerbaïdjan est un pays musulman laïque, ayant fait partie de l’Empire russe et de l’URSS (liens étroits avec Moscou), turcophone (liens étroits avec Ankara) et dont les 85% des plus de 94% de musulmans du pays sont chiites (similitude évidente avec l’Iran voisin). Ajoutez à cela des liens économico-commerciaux étroits aussi bien avec la Russie, l’Iran et la Turquie et vous commencerez à comprendre le puzzle qui se forme.

Pour en revenir aux relations entre la Russie et l’Iran, soulignons que Moscou et Téhéran ont signé un mémorandum portant sur les livraisons de gaz iranien à destination de l’Inde, projet dans lequel le géant gazier russe Gazprom compte s’engager. À ce titre, Aleksandr Novak, ministre russe de l’Énergie, a affirmé que Gazprom prévoyait de participer à l’extraction du gaz iranien et de construire un gazoduc en Inde d’une longueur de 1.200 kilomètres. Les gisements spécifiques sur le territoire iranien seront déterminés dans le cadre d’étude de faisabilité du projet. L’autre géant russe, le pétrolier Rosneft, prévoit lui aussi d’élargir considérablement sa participation dans des projets en territoire iranien.

L’énergie n’a toutefois pas été le seul point de convergence entre Moscou et Téhéran. Le président iranien Hassan Rohani, qui a discuté en détail avec Vladimir Poutine de la Syrie, a déclaré que «la coopération entre l’Iran et la Russie se poursuivra jusqu’à la victoire complète sur le terrorisme». Il a ajouté «qu’il est très agréable qu’outre leurs relations bilatérales, nos deux pays jouent un rôle important dans la garantie de la paix et de la stabilité dans la région». Hassan Rohani soulignait ainsi que la Russie et l’Iran sont les acteurs clés dans la lutte contre le terrorisme salafiste et dans la résolution du conflit syrien.

Cela s’est traduit par les victoires sur le terrain, où la secte de Daech vit ses dernières heures. Un groupe qui contrôlait plus de 70% du territoire national syrien il y a deux ans de cela, avant que les Forces aérospatiales russes n’interviennent. Le rôle positif de la Russie et de l’Iran dans la région se traduit aussi au niveau diplomatique avec les pourparlers d’Astan, bien plus efficaces, y compris en ce qui concerne l’aspect humanitaire, que ceux de Genève. Des pourparlers auxquels s’est également jointe la Turquie, l’autre puissance eurasienne qui s’éloigne progressivement de son «entourage» atlantiste.

Une situation sur laquelle peu de monde aurait parié en 1992 et même au début des années 2000, tant l’Occident politico-économico-médiatico-militaire paraissait invincible. Tout a changé aujourd’hui. Et les gesticulations des élites atlantistes ne changeront pas grand-chose au processus déjà lancé, dans lequel des pays comme la Russie, la Chine, l’Iran, la Syrie, la Turquie, l’Inde, plusieurs pays ex-soviétiques d’Asie centrale et tous ceux qui souhaiteront se joindre à eux décideront de la marche à suivre, sans pour autant l’imposer aux autres, y compris à ceux qui préféreront encore jouer les suiveurs de Washington.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201711031033731410-iran-russie-azerbaidjan/

Mikhail Gamandiy-Egorov