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Président du Nigéria: les armes fournies par l’Occident à l’Ukraine apparaissent en Afrique

06.12.2022

Le président nigérian s’inquiète de l’arrivée d’armes en provenance du conflit ukrainien dans la région, impactant ainsi la sécurité aussi bien d’une des principales puissances africaines, que des autres pays voisins. Comme prédit – l’Occident semble perdre complètement le contrôle sur ses livraisons massives d’armes en faveur du régime kiévien.

Muhammadu Buhari, président du Nigéria – la première puissance économique africaine en termes de PIB nominal et la deuxième en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat – a déclaré récemment que des armes en provenance du conflit ukrainien se glissent désormais dans la région du bassin du lac Tchad.

Le chef d’Etat nigérian a lancé cet appel dans son discours d’ouverture du 16ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui s’est déroulé dans la ville d’Abuja, la capitale du Nigéria.

«Il faut cependant préciser que malgré les succès enregistrés par les vaillantes troupes de la MNJTF (Force multinationale mixte, composée des Forces armées du Nigéria, du Cameroun, du Bénin, du Niger et du Tchad, ndlr) et les différentes opérations nationales en cours dans la région, des menaces terroristes rôdent toujours dans la région, et malheureusement, la situation au Sahel et la guerre qui fait rage en Ukraine sont des sources majeures d’armes et de combattants qui renforcent les rangs des terroristes dans la région du lac Tchad», a déclaré le président nigérian.

«Ce mouvement illégal d’armes dans la région a intensifié la prolifération des armes légères et de petit calibre qui continue de menacer notre paix et notre sécurité collectives dans la région», a ajouté Muhammadu Buhari dans son discours.

Les déclarations du président nigérian ne font que confirmer les nombreuses prévisions et mises en garde sur les livraisons massives et incontrôlées d’armes en faveur du régime kiévien de la part de l’axe otanesque et de l’Occident. Et cela depuis de longs mois.

Au point que même certains représentants de régimes occidentaux avaient fini récemment par admettre timidement cette réalité. Il est donc parfaitement compréhensible pourquoi le président nigérian tire aujourd’hui la sonnette d’alarme, compte tenu des risques sécuritaires non pas seulement pour le Nigéria, mais également pour de nombreux autres pays de la région. Sans oublier évidemment les défis face au terrorisme dans le Sahel.

Mais au-delà du fait que l’Occident ne contrôle effectivement pas les processus post-livraisons de ses armements à destination du régime kiévien dans le but de combattre la Russie, la situation actuelle devrait nous interpeller sur un autre aspect. Et si ce flux d’armes à destination des réseaux terroristes opérant en Afrique en provenance de l’Ukraine était voulu par l’establishment occidental?

Surtout lorsqu’on sait que les nombreux problèmes sécuritaires sur le continent africain, y compris dans la région du Sahel, sont justement le «fruit» des actions occidentales. A commencer par la destruction de la Jamahiriya libyenne de Mouammar Kadhafi par l’Otan et en poursuivant par le manque total d’efficacité dans la lutte antiterroriste annoncée par des Etats comme la France et d’autres régimes otanesques.

Last but not least, il n’est pas à exclure que l’Occident nostalgique de l’unipolarité soit d’autant plus intéressé par une nouvelle vague de propagation terroriste en Afrique, dans l’objectif de punir les pays africains – qui pour de nombreux d’entre eux ont refusé de se joindre à la coalition anti-russe promue par l’establishment occidental. Provoquant l’hystérie collective du côté des régimes atlantistes.

A ce titre, le Nigéria peut également faire partie des cibles privilégiées, car au-delà d’être l’une des principales puissances du continent africain et ayant dû faire face aux défis sécuritaires, notamment contre la secte terroriste de Boko Haram – avait fait partie des pays n’ayant pas soutenu la dernière résolution occidentale anti-russe votée à l’Assemblée générale de l’ONU, le mois dernier.

Dans tous les cas, il devient aujourd’hui évident que les nations africaines doivent plus que jamais s’unir dans un cadre panafricain et accroitre l’interaction avec les puissances non-occidentales dans l’objectif de faire efficacement face au chaos promu et propagé par l’Occident, qui refuse obstinément à reconnaitre l’ère multipolaire mondiale. Des mesures fortes, ciblées et si nécessaire radicales devront fort certainement être engagées dans les plus brefs délais.

Après tout, si l’effet boomerang de la politique otanesque se retourne contre ses instigateurs – cela est une chose, même si c’est encore une fois les populations concernées qui en paieront le prix fort. Mais ce n’est certainement pas au monde non-occidental de payer un quelconque prix pour les folies d’un Occident complètement malade et en chute libre.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4473

Présidentielle au Bénin: coup porté au système néocolonial?

Un fonctionnaire de la Commission électorale nationale (CENA)

L’élection présidentielle au Bénin vient de s’achever. Le second tour a été remporté par Patrice Talon, important homme d’affaires, avec 65,39% des voix. En seconde position arrive son principal concurrent, Lionel Zinsou, avec 34,61% des suffrages exprimés.

Patrice Talon, le nouveau président du Bénin est en outre le « roi du coton », importante filière du pays qu’il contrôle. Il est également l’homme le plus riche du Bénin et 15ème plus riche personnalité d’Afrique francophone subsaharienne (données de 2015 du magazine Forbes Afrique). Sa fortune est estimée à 400 millions de dollars.

Son adversaire Lionel Zinsou, actuel Premier ministre (nommé en juin 2015 par l’actuel président sortant Boni Yayi), est quant à lui un économiste de père béninois et de mère française, ayant passé la plus grande partie de sa vie en France et fait carrière comme banquier d’affaires. Il était en outre un proche de Laurent Fabius, dont il était rédacteur des discours. Il est également animateur du club Fraternité, cercle de réflexion du même Fabius. Lionel Zinsou a aussi travaillé au sein de la banque d’affaires Rothschild & Cie en qualité d’associé-gérant. 

Un homme d’affaires donc formé au Sénégal et ayant fait fortune au pays natal contre un économiste franco-béninois, né à Paris et considéré par beaucoup plus Français que Béninois. Mais la question principale n’est même pas là. Ce qui a en effet choqué nombre de citoyens du Bénin et plus généralement d’Africains, c’est la découverte d’une vidéo d’un discours de Lionel Zinsou en marge d’un séminaire en France de l’Union pour un mouvement populaire (« Les valeurs et la mondialisation », daté du 21 mai 2011):

Discours où il affirme clairement que « l’Afrique appartient à l’Europe » et pas d’une voix critique comme on pourrait le penser mais au contraire présentant cela comme un « atout énorme » pour l’Europe.

Plus que cela il rajoute que « les présidents français ont un don: celui de donner à penser aux Africains » et à son avis il faut continuer « que la France est toujours le porte-parole et le défenseur de l’Afrique »… Fin de la citation. Evidemment il est à penser que ce genre d’interventions est inacceptable, surtout pour quelqu’un qui ne prétendrai pas être un agent du néocolonialisme occidental mais bien un candidat à la présidentielle d’un Etat africain (indépendant et souverain, ne serait-ce qu’officiellement).

Pour dire vrai je n’ai véritablement découvert ce personnage qu’après avoir entendu les commentaires de révoltes de nombre d’amis Béninois et plus généralement Africains, à Moscou comme ailleurs. Et d’après ce que j’ai pu entendre, je dirai ceci (bien que je le savais déjà): non l’Afrique n’est pas raciste. La grande majorité des Africains sont ouverts et tolérants. Et ne se seraient jamais opposé à ce qu’un candidat de mère blanche puisse devenir président de leur pays. Mais lorsque ce candidat défend clairement et ouvertement les intérêts non pas du pays dont il vise la présidence, mais bien de l’ex-puissance coloniale, et des intérêts néocolonialistes occidentaux en général, il ne peut évidemment pas prétendre à en être le chef d’Etat (encore faut-il le rappeler qu’il est l’actuel Premier ministre).

De toute façon l’avenir de l’Afrique appartient aux Africains. Oui, il y a des partenaires. Certains opteront pour l’option des anciens et nouveaux colons (les mêmes) ou s’orienteront vers les BRICS, comme c’est déjà en train d’être le cas dans nombreux pays africains. Mais là encore la question n’est pas là. La véritable question c’est est-ce que les Africains, notamment de certains pays d’Afrique francophone, vont accepter qu’ils soient dirigés par des émissaires de procuration extra-africaine? Il est à penser que non. L’avenir nous le dira.

Pour revenir au cas concret du Bénin et pour nous en tant qu’observateurs, le choix du second tour est probablement à saluer. Les Béninois ont dit non à celui qui symbolise le néocolonialisme non-voilé. L’Afrique doit tourner la page des agents néocoloniaux, les mêmes ayant assassiné Patrice Lumumba au Congo, Thomas Sankara au Burkina Faso ou qui ont activement collaboré avec le régime raciste d’apartheid en Afrique du Sud, en tuant (toujours par procuration) leurs propres frères pour le compte des occupants. Il ne faut pas pour autant croire que le Bénin soit désormais à l’abri de ce néocolonialisme, notamment du système de la Françafrique. Malheureusement loin de là.En tout cas, le pire a été probablement évité et la Françafrique a peut-être pris un coup dans ce qu’elle continue de considérer comme son « pré-carré ». Mais la bataille contre le néocolonialisme est encore loin d’être gagnée. Pour le Bénin comme pour beaucoup de pays encore de ce beau continent qu’est l’Afrique.