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La Françafrique jugée par les panafricanistes

Ouagadougou

Attaque en règle contre la Françafrique. Au Burkina Faso, l’activiste Kemi Seba et son ONG Urgences Panafricanistes ont tenu lors d’un meeting public le «procès» de l’ingérence française sur le continent et de ses soutiens locaux. Une initiative que le militant souhaite décliner dans d’autres pays, victimes selon lui du «néocolonialisme français».

«Lancer le procès du peuple contre la Françafrique»: telle était l’initiative annoncée par le célèbre activiste panafricaniste Kemi Seba et son organisation, Urgences Panafricanistes. Cette mobilisation, qui a réuni près de 3.000 personnes à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, compte s’étendre à toute l’Afrique francophone.Plusieurs sujets ont été soulevés lors de cet événement, comme l’exploitation des ressources naturelles africaines, les crimes politiques, la question du franc CFA, sans oublier les médias de la Françafrique.

Selon plusieurs sources, des pressions auraient été exercées pour faire annuler cet événement en question. C’est ce qu’a indiqué Kemi Seba, arguant que c’était la meilleure preuve que ses partisans et lui «tapaient juste» et faisaient peur aux représentants du néocolonialisme et à leurs soutiens: «Avec cette immense foule qui a envahi la salle de la Maison du peuple, les ennemis devront savoir dorénavant qu’ils feront désormais face à des milliers de sankaristes.»

Le fait que la manifestation ait bien eu lieu a donc été vu comme une victoire par Kemi Seba, qui n’a pas manqué de faire un parallèle historique: «l’assassinat du capitaine Thomas Sankara n’a pas réussi à anéantir son combat». Il a rappelé l’appartenance burkinabè et panafricaine de Thomas Sankara, qui s’est toujours radicalement opposé au néocolonialisme occidental.

«Nous, notre démarche est claire. Nous sommes diabolisés par l’impérialisme français, nous sommes persécutés par l’impérialisme français parce que nous dérangeons véritablement le système et que nous réunissons les masses africaines, ce qui les dérange profondément», a-t-il en outre expliqué.

Fait intéressant, la plupart des personnes venues assister à la mobilisation panafricaine de Ouagadougou faisaient partie de la jeunesse. Une jeunesse africaine aujourd’hui attirée par les idées du panafricanisme, mais également de dignité nationale et de souverainisme.

Après donc Ouagadougou, d’autres capitales d’Afrique francophone sont appelées à accueillir au cours des prochains mois des «procès populaires de la Françafrique». «À la fin de toutes ces audiences, une sanction commune et collective sera établie par le peuple, pour le peuple, contre l’impérialisme français et les traîtres africains qui collaborent au quotidien avec ce néocolonialisme. Je fais le serment, au nom des ancêtres, que le néocolonialisme va vivre ses dernières heures d’ici quelque temps», telle fut la virulente conclusion de Kemi Seba à l’issue de cette mobilisation au pays de Thomas Sankara.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201811211038988372-francafrique-burkina-faso-panafricaniste/

Mikhail Gamandiy-Egorov

De nouvelles révolutions de couleur en Afrique et ailleurs à l’horizon. Entretien avec Luc Michel (Partie 2)

De nouvelles révolutions de couleur en Afrique et ailleurs à l’horizon

LVdlR : Vous avez affirmé aussi dans l’une de vos interventions que « l’ombre de la marionnette française cache la réalité du marionnettiste étasunien ». Expliquez-nous.

Luc Michel : Je suis aussi, comme vous le savez, au terme d‘un parcours commencé en Jamahiriya libyenne il y a 20 ans, devenu un leader panafricaniste écouté. Mon jugement n’est donc pas ici celui d’un observateur externe. Beaucoup de panafricanistes ont une vision du passé, un logiciel bloqué il y a 10, 20 ou 50 ans. La haine justifiée de la Françafrique leur occulte la réalité de la recolonisation de l’Afrique par les USA. Le retour de la France dans l’OTAN organisé par Sarkozy en 2007, la création de l’Africom, le commandement unifié de l’US Army pour l’Afrique par Bush en 2007-2008, sont les marques de naissance d’une nouvelle donne géopolitique en Afrique. Lors du « sommet USA-African Leaders » de Washington début août 2014, Obama a annoncé une vague de changements de régime sur le continent. Les cibles principales annoncées sont toutes, à part Mugabe et Kagame, des présidents des pays de l’ex « pré carré français » : Obiang Nguema Mbasogo, Kabila, Biya, Idriss Déby Itno … Le Gabon est la première tentative d’imposer ce changement de régime par les méthodes habituelles des USA : révolution de couleur ou soi-disant « printemps arabe ». Et le livre de Péan est le détonateur, volontaire ou involontaire il est encore trop tôt pour le dire, d’une opération de déstabilisation politique

LVdlR : On a suivi les événements du Burkina-Faso. Après les cris de joie qui ont suivi la chute du dictateur Blaise Compaoré, marionnette néocoloniale, responsable par ailleurs de l’assassinat de l’un des plus grands leaders du pays et d’Afrique, Thomas Sankara, le père de la révolution burkinabè. Responsable aussi de déstabilisation et d’organisation de rébellion en Côte d’Ivoire voisine. Pourtant aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les tentatives de voler cette révolution. Un commentaire là-dessus ?

Luc Michel : Dans les prémisses de la révolution burkinabè on retrouve incontestablement les réseaux Soros, notamment l’ICG (au conseil duquel le financier siège).

Dès les premières heures de la Révolution Burkinabé, j’avais exprimé sur les plateaux d’AFRIQUE MEDIA TV mes inquiétudes sur la récupération du soulèvement par les hommes des Occidentaux, l’armée en tête. J’affirmais que ce seraient les agendas de Washington et Paris – qui ne sont pas identiques – qui domineraient in fine. La suite des événements a confirmé mes craintes. La transition civile, imposée par Washington sous peine de sanctions, et contre le plan français initial (intervention des troupes françaises), à peine entamée au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir fin octobre à la chute de Blaise Compaoré, a été nommé Premier ministre, signe que l’armée va conserver toute son influence dans le jeu politique.

Le colonel Zida, devenu général, est surtout l’homme des Occidentaux, aussi bien de Paris que de Washington : « Dans les heures qui avaient suivi la chute de Compaoré, les hauts gradés de l’armée avaient préféré Zida au chef d’état-major des armées, le général Nabéré Honoré Traoré, qui s’était déclaré mais que beaucoup considéraient comme trop proche de l’ancien président. Le lieutenant-colonel est, lui, connu pour être un proche du général Gilbert Diendéré, le chef d’état-major particulier de l’ex-chef de l’Etat. Zida a exercé entre 2008 et 2009 comme Casque bleu au sein de la Mission onusienne en République démocratique du Congo ». Durant la crise ivoirienne (2002-2011), il fut un officier de liaison dans le cadre de la médiation menée par Blaise Compaoré. Et plus grave encore, il a suivi en 2012 une formation antiterroriste en Floride (Etats-Unis), c’est-à-dire sous le contrôle des grandes agences US, dont la CIA, à la tristement célèbre « Ecole des USA », la fabrique des tortionnaires made in USA.

LVdlR : Autre cas intéressant, le Cameroun. Paul Biya qui était longtemps considéré, à tort ou à raison, comme étant l’un des favoris du système néocolonial français, s’éloigne aujourd’hui de plus en plus de ce système. On le voit notamment avec la Chine qui est devenue le partenaire privilégié du Cameroun et le rapprochement récent avec la Russie. Parallèlement, on assiste à des tentatives de déstabilisation de plus en plus visibles et évidentes contre ce pays, notamment via ladite organisation terroriste islamiste « Boko Haram ». Le Cameroun doit-il s’attendre selon vous à une déstabilisation agressive dans un avenir plus ou moins proche bien que et il faut le noter beaucoup de Camerounais comprennent aujourd’hui la réalité de la déstabilisation extérieure qui vise leur pays, y compris au sein de l’opposition au gouvernement ?

Luc Michel : Une première remarque. Le Cameroun a vu aussi l’intervention des réseaux Soros et de son ICG, qui a publié un rapport sur le Cameroun.

Le mode politique et la presse camerounaise ont pris aujourd’hui conscience de ce qui est une politique néocoloniale agressive des USA au Cameroun et ailleurs. Par exemple, Orientations Hebdo expliquait en octobre dernier qu’ « Obama somme Biya de quitter le pouvoir en 2015 s’il ne veut pas connaître une fin tragique par assassinat comme Kadhafi ou la CPI comme Gbagbo ». Pourtant du point de vue légal, les prochaines échéances électorales pour la présidentielle au Cameroun sont prévues seulement en 2018. Ce qui revient à dire que Barack Obama demande à Paul Biya de laisser son siège à quelqu’un de son choix. « Alors dans ce cas Obama prône t-il la démocratie ou la dictature ? » interrogeait l’hebdo camerounais…

Cette semaine encore c’est un média d’influence occidentale, l’hebdo parisien Jeune Afrique qui lance une grande offensive contre le régime de Paul Biya…

LVdlR : Et en République démocratique du Congo, Kabila est aussi ciblé ?

Luc Michel : Le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, qui a été un des tous premiers ciblés par Washington et tancé par John Kerry lors du sommet de Washington début août dernier, a déclaré il y a dix jours à Kinshasa qu’il n’acceptait pas les « injonctions » de l’étranger relatives à la tenue des prochaines élections dans son pays. « De nos partenaires, et pourvu que cela soit fait dans le respect de notre souveraineté, nous sommes toujours prêts à recevoir des avis, conseils et suggestions, mais jamais des injonctions », a déclaré M. Kabila dans un discours devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès.

C’est un NON définitif à Obama. Et cela laisse augurer d’une future tentative de « révolution de couleur » à l’africaine contre le régime Kabila. Depuis la Conférence Afrique de la NED, les 5-6 août dernier, un appareil de presse anti-Kabila s’organise en tout cas très rapidement.

LVdlR : Le Burundi est aussi dans le collimateur de Washington ?

Luc Michel : John Kerry s’est entretenu dès l’ouverture du Sommet de Washington avec le président burundais Pierre Nkurunziza devant qui il a plaidé pour le « respect de la loi, de l’appareil judiciaire, de l’armée et d’institutions qui protègent les citoyens ». Le chef de l’Etat burundais lui a répondu, en français, que son pays était en « post-conflit » et qu’il « savourait aujourd’hui les dividendes de la paix ».

Depuis de nombreux mois, les capitales occidentales et des organisations occidentales des droits de l’homme, toujours les mêmes, « s’inquiètent d’une montée des tensions sur fond de violence politique et d’entraves aux libertés au Burundi », à l’approche du scrutin de 2015 dans ce pays des Grands Lacs sorti en 2006 de 13 ans de guerre civile.

LVdlR : Pour en terminer avec l’Afrique, ce Sommet de Washington en août dernier, qui revient sans cesse, a donc été un véritable piège pour les dirigeants africains ?

Luc Michel : Indubitablement ! Au premier jour des discussions, le vice-président Joe Biden a d’abord appelé les leaders africains à lutter contre « le cancer de la corruption » tandis que le secrétaire d’Etat américain John Kerry insistait sur la nécessité d’ « une société civile forte, le respect pour la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme ». Un thème cher à Soros avec son Open Society. Au fur et à mesure que la grand-messe du sommet battait son plein à Washington, de plus en plus la cible américaine apparaissait en pleine lumière : implication US en Afrique, contre la Chine mais aussi l’UE, et surtout les changements de régime.

Le 5 août, Kabila rencontrait John Kerry. Et le président de la RDC a du se faire sonner les cloches sans aucun doute. La RDC est, avec le Rwanda, le centre de la nouvelle implication des USA dans la région des Grands Lacs. Et Washington ne veut pas d’un troisième mandat de Kabila et le fait savoir inlassablement. Le 5 août, Obama, lui, dans une journée pourtant consacrée à l’économie, a réussi à insister lourdement sur les changements de régime. Obama a insisté sur « la responsabilité des dirigeants africains dans la mise en place d’un environnement politique propice au développement économique ».

La grande messe américaine sur l’Afrique s’est terminée le 6 août.

Les chefs d’Etat africains, mêlés à une multitude d’intervenants américains et africains, ONG, intellectuels, militants pro-américains, tous qualifiés indistinctement de « leaders africains », ont assisté aux trois sessions du Sommet proprement dit : « investir dans l’avenir de l’Afrique », « paix et stabilité régionale » et « bonne gouvernance ». Un grand show de communication de l’administration Obama. Certains diront de propagande.

LVdlR : Passons maintenant sur deux autres continents, en Asie et en Amérique du Sud. La récente tentative d’une révolution de couleur à Hong-Kong et les maintes tentatives de renversement de gouvernements légitimes en Amérique latine, notamment au Venezuela, nous annoncent-elles dans un avenir proche des déstabilisations au niveau global contre tous ceux qui refusent le diktat étasunien ? Et après le putsch anticonstitutionnel en Ukraine, et donc aux frontières russes, doit-on s’attendre à une tentative de scénario semblable chez notre allié chinois ?

Luc Michel : C’est déjà fait avec la « révolution des parapluies » à Hong-Kong ! C’est la version chinoise des « révolutions de couleur » qui a démarré avec « Occupy Honk-Kong » et la soi-disant « révolution des parapluies ». Une déstabilisation qui vise Pékin et fait la Une de l’actualité depuis septembre dernier. On en est très conscient en Chine. J’ai aussi consacré une émission duGrand Jeu à Hong-Kong. J’y ai diffusé un document qui fait le buzz sur les réseaux sociaux : « THE FALSE FLAG », les « révolutions de couleur » décryptées par une TV chinoise. Car en Chine comme en Russie, on a appris à identifier la subversion made in USA.

Quant au Venezuela, tentatives de révolutions de couleur sur tentatives s’enchaînent depuis plus de dix ans. Après Hugo Chavez, que l’oppositionmade in USA appelait « la bête », c’est Nicolás Maduro qui est visé. OTPOR a une section au Venezuela, la JAVU…

LVdlR : Les adversaires des USA sont souvent taxés de « complotisme ». Vous êtes connu pour être un adversaire des théories du complot. Mais confirmez-vous que ce sont les mêmes réseaux, les mêmes financiers, que l’on retrouve derrière toutes ces vagues de changements de régime depuis le début du siècle ?

Luc Michel : Ces changements de régime, orchestrés par des spécialistes de la subversion au bénéfice des USA, sont nés dans la Yougoslavie du président Milosevic en 2000. Depuis elles ont essaimé dans toutes l’Europe de l’Est, notamment en Géorgie et en Ukraine. Elles ont échoué au Belarus contre Loukachenko et en Russie contre Poutine. Elles ont aussi gagné l’Amérique latine contre Chavez et puis Maduro. Et elles ont connu une version moyen-orientale avec le soi-disant « printemps arabe ». Sans oublier les divers « Occupy » aux USA (Occupy Wall Street) et en Union Européenne (Occupy Madrid, Occupy Brussels), organisés par le sinistre Soros, l’un des financiers de ces « révolutions » avec son « Open Society », pour des raisons liées à des confrontations internes au sein des oligarchies financières internationales. Il y a bien incontestablement un « deus ex machina » américain derrière tous ces changements de régime.

LVdlR : Pour finir, quelles sont selon vous les solutions afin de contrer toutes ces déstabilisations macabres, aussi bien au niveau de l’Afrique que du reste du monde ? Quelles actions devraient entreprendre les panafricanistes pour pouvoir enfin libérer leur continent si longtemps martyrisé ?

Luc Michel : Il faut tout d’abord un travail d’information. Car le succès des révolutions de couleur repose sur l’ignorance par les masses des manipulations dont elles sont victimes. Comme le démontre la récupération de la révolution burkinabè. Il faut cibler, identifier, dévoiler les réseaux, les organisations et les hommes de la 5e colonne US en Afrique. C’est la première étape.

La seconde étape c’est un travail de lobbying pour faire adopter des législations interdisant le financement des campagnes de déstabilisation US par l’argent sale américain. Et l’obligation d’un statut public d’ « agent de l’étranger » pour la 5ecolonne US en Afrique. Il faut que l’Afrique s’inspire de ce qui s’est déjà fait en Russie, au Belarus et ailleurs pour contrer les révolutions de couleur et leurs agents.

LVdlR : Ne pensez-vous pas que la Russie, la Chine, les autres nations BRICS et nos alliés en général devraient en réponse aux déstabilisations qui nous visent, soutenir les mouvements de contestation dans les pays dont les gouvernements veulent nous forcer à retourner à l’ère unipolaire ? Je pense notamment à la mobilisation actuelle contre les crimes racistes aux USA. Ou bien notre approche serait trop différente de celle de nos ennemis ?

Luc Michel : Vous prêchez un convaincu. Nous ne sommes pas différents. Simplement l’ennemi est organisé, expérimenté, financé. Mais les capitales des BRICS, Russie en tête, subissent depuis 15 ans. C’est partout la défensive alors que la meilleure défense c’est l’attaque. En particulier il faudrait un véritable programme de soutien à l’opposition véritable et aux médias alternatifs dans les métropoles occidentales, à commencer par les pays de l’UE. L’ennemi américain, car il faut désigner l’ennemi sans hésitations, n’est fort que de notre manque de moyens. C’est l’un des soucis permanents depuis 30 ans de mon organisation transnationale.

LVdlR : Merci pour vos commentaires !

Luc Michel : Je vous remercie de m’avoir permis de m’exprimer sur ce sujet capital, qui nous concerne tous. Vous savez que mon action s’exerce en Eurasie et en Afrique. Mon point de vue est celui d’un acteur engagé sur tous les fronts. Je pense qu’un Front uni quadricontinental reste la solution efficace contre cette volonté US de domination mondiale, dont les révolutions de couleur ne sont qu’un des instruments.

Pour en savoir plus : http://vimeo.com/102962474

http://french.ruvr.ru/2014_12_24/De-nouvelles-revolutions-de-couleur-en-Afrique-et-ailleurs-a-l-horizon-8005/

Mikhail Gamandiy-Egorov

En mémoire de Thomas Sankara, le Che Guevara africain

En mémoire de Thomas Sankara, le Che Guevara africain

Il y a bientôt 26 ans était assassiné le « père de la révolution burkinabé », Thomas Isidore Noël Sankara. Un des plus grands dirigeants d’Afrique. En plus d’être un vrai révolutionnaire, Thomas Sankara était aussi et surtout un grand visionnaire, aussi bien pour sa nation que pour toute l’Afrique.

 Né en 1949 dans la Haute-Volta (nom que portait le pays durant la colonisation) dans une famille catholique, il opte pour une carrière militaire. Il suivra une formation d’officier à l’Ecole militaire inter-armée (EMIA) de Yaoundé, au Cameroun, puis à l’Académie militaire d’Antsirabe, à Madagascar. Il devient en 1976 commandant du Centre national d’entrainement commando (CNEC).

 Il sera nommé secrétaire d’Etat à l’information en septembre 1981, dans le gouvernement du colonel Saye Zerbo. Mais moins d’un an plus tard, il démissionnera en déclarant : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! ». Il deviendra Premier ministre en janvier 1983 dans le gouvernement du médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo (arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch). Pourtant, quelques mois plus tard, il est limogé et mis aux arrêts après une visite dans le pays de Guy Penne, franc-maçon et conseiller de François Mitterrand pour les affaires africaines. Selon plusieurs sources, le limogeage et l’arrestation de Sankara n’étaient pas liés au hasard mais bien l’œuvre d’une intervention française en raison des idées progressistes de Thomas Sankara qui déplaisaient beaucoup à l’ancienne métropole coloniale.

 Le 4 août 1983, un nouveau coup d’Etat place Thomas Sankara (déjà très populaire au sein de la population) à la tête du pays. Il forme dès lors le Conseil national de la Révolution (CNR) et définit son programme politique dans la lignée anti-impérialiste. Il change le nom du pays qui devient le Burkina-Faso, signifiant « la patrie des hommes intègres ». Il devient également l’un des principaux leaders du Mouvement des non-alignés bien qu’il sympathise ouvertement avec l’URSS (où il se rendit notamment en 1986). Il dénoncera fermement le colonialisme et le néo-colonialisme, notamment de la France, ainsi que les régimes africains servant les intérêts néocoloniaux (« les régimes clients »). Souhaitant à tout prix redonner le pouvoir au peuple, il créera durant sa présidence les Comités de défense de la révolution (CDR) qui permettront la participation de tous les citoyens aux prises de décision.

 Cette politique de démocratie participative a permis de réduire considérablement des fléaux tels que la malnutrition, le manque d’eau (grâce à la construction massive de puits et retenues d’eau). Sa politique de « vaccinations commandos » a quant à elle permit de diminuer la propagation des maladies. Sans oublier la lutte contre l’analphabétisme, dont les résultats ont plus que convaincants (diminution de près de 20%). Par ailleurs, Thomas Sankara contribuera grandement à l’émancipation de la femme burkinabé, voulant à tout prix une place égale pour elle dans la société. Il luttera avec succès contre le tribalisme féodal et la désertification, combattra très efficacement la corruption et améliora l’agriculture. Autre fait majeur : il sera le seul président africain et un des rares au monde à vendre toutes les luxueuses voitures de fonctions de l’Etat afin de les remplacer par de modestes et basiques Renault 5. Il réduira les salaires des fonctionnaires dont le sien (dont une partie importante était destiné aux projets publics et aux œuvres caritatives). Lors de ses déplacements à l’étranger, il voyagera toujours avec ses collaborateurs en classe touriste.

 Le problème est que malgré toutes ses réalisations pour son peuple et étant un vrai modèle pour les autres nations africaines, Sankara gênait considérablement les intérêts impérialistes. Il sera assassiné le 15 octobre 1987 lors d’un coup d’Etat organisé par un certain Blaise Compaoré, que Sankara considérait pourtant comme son propre frère, et qui prendra le pouvoir pour le monopoliser jusqu’à aujourd’hui, étant par la même occasion un des meilleurs agents du système mafieux de la Françafrique et un des acteurs principaux de la crise actuelle en Côte d’Ivoire.

 A l’image de Patrice Lumumba en République démocratique du Congo, Thomas Sankara est et restera un martyr africain et un combattant acharné pour la justice. Autre point qui les rassemble : ils ont été tous deux assassinés par des pantins locaux sous les ordres et avec la complicité de forces extérieurs. En effet et selon plusieurs sources, dont le journaliste d’investigation italien Silvestro Montanaro qui a réalisé un célèbre film sur l’assassinat de Thomas Sankara (« Ombres africaines ») et a interviewé plusieurs personnalités influentes de l’époque, dont les proches de l’ex-président libérien Charles Taylor, qui affirment avec assurance l’implication de la CIA et des services secrets français dans cet assassinat. Peu surprenant, à dire vrai. De grands leaders progressistes inspirant leurs nations et même leurs continents finissent souvent soit assassinés, soit dans des geôles de ceux qui affirment « défendre la démocratie et les droits de l’homme partout et toujours »…

 Une semaine avant son assassinat, Thomas Sankara avait déclaré : « On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées ».C’est ce que les assassins oublient trop souvent, de même qu’une autre chose : les héros ne meurent jamais. Surtout dans les cœurs des millions d’hommes et femmes qui chérissent et continueront de chérir celui qui s’est toujours battu pour leurs droits. Quant à son combat, d’autres s’en inspireront et poursuivront certainement la lutte.

 « Ceux qui veulent exploiter l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe ! »

 « Tuez Sankara, des milliers de Sankara naîtront ! »

 « Le système néocolonial tremble quand le peuple devenu maître de sa destinée veut rendre sa justice ! »

 Thomas Sankara

http://french.ruvr.ru/2013_09_29/En-memoire-de-Thomas-Sankara-le-Che-Guevara-africain-3200/

Mikhail Gamandiy-Egorov