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Les BRICS dépassent le G7 et les nouvelles opportunités pour les pays du Sud

14.03.2023

Les principales puissances non-occidentales s’affirment de jour en jour, y compris économiquement. Et commencent à prendre progressivement le dessus sur le bloc occidental, ne faisant que confirmer les nombreuses prévisions des dernières années.

A l’issue de 2022, l’association des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a dépassé le club du G7 (composé des Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Allemagne, France, Italie, Japon) en termes de PIB combiné, écrit le portail indien The Eastern Herald. Ainsi, dans l’économie mondiale les BRICS avaient désormais une part de 31,5% contre 30,7% pour le G7.

Cette réalité confirme les nombreuses prévisions datant d’il y a plusieurs années et démontre que le bloc des BRICS pèse désormais pratiquement d’1/3 sur le PIB mondial. Et non plus d’1/4 comme cela était le cas dans un passé pas du tout lointain. Le tout à l’heure où les pays membres du bloc augmentent les actions en vue d’obtenir la pleine indépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux, comme Observateur Continental l’avait récemment rappelé

Une autre analyse intéressante vient quant à elle de l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian qui soulève la question du comment les pays du Sud global peuvent échapper à la mainmise du dollar étasunien, écrit par Nontobeka Hlela, qui collabore avec l’Institut de recherche sociale Tricontinental et est détachée au bureau du conseiller à la sécurité nationale de l’Afrique du Sud en qualité de chercheuse.

L’analyste sud-africaine rappelle à juste titre que le dollar US depuis qu’il était devenu la monnaie de réserve internationale, cela a permis aux Etats-Unis de contrôler les marchés financiers et d’imprimer de l’argent comme bon leur semble. Cette réalité avait donné aux USA un pouvoir mondial extraordinaire et, avec la structure de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) et du Conseil de sécurité des Nations unies, cela signifie que bien qu’il existe des Etats dits démocratiques, il n’existe en réalité pas de démocratie des Etats.

Toujours selon elle – au fil des années, on a souvent soutenu que la construction d’un monde plus équitable exige, entre autres mesures, la démocratisation du système financier mondial. Et à cet effet – cela nécessiterait, au même titre qu’avec d’autres mesures, de s’éloigner du dollar comme principale monnaie de réserve mondiale.

Il y a eu selon Nontobeka Hlela des propositions justement pour rompre avec l’emprise du dollar. Et ces projets visant à lutter contre cette emprise sur les économies des pays du Sud se trouvaient au cœur des motivations étasuniennes à chasser Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye.

Aujourd’hui, de nouvelles tentatives visant à contourner le quasi-monopole du dollar en tant que principale monnaie du commerce international ont vu le jour. L’analyste sud-africaine cite la décision de l’Arabie saoudite d’accepter d’autres devises en échange de son pétrole – faisant référence au yuan chinois. Mais pour elle la question de l’abandon du dollar a été soudainement intensifiée par le conflit en Ukraine.

Rappelant que suite au gel des avoirs de la Russie par l’Occident et à son expulsion du système bancaire international SWIFT, Moscou a répondu en exigeant le paiement des livraisons de son gaz dans sa propre monnaie – le rouble russe. Cela a été une démonstration claire que le commerce international peut être effectué sans en dépendre du dollar étasunien. Toujours selon elle le développement rapide des possibilités de commerce international sans la médiation du dollar représente un moment important pour les pays du Sud global, qui se sont longtemps retrouvés considérés comme des Etats vassaux des Etats-Unis en particulier, et de l’Occident de manière générale.

Ces relations avec l’Occident sont d’ailleurs devenues si grossières que, comme nous l’avons vu récemment en Afghanistan où Washington s’est approprié 9,5 milliards de dollars de la Banque centrale afghane – cela n’a fait que confirmer que les réserves en dollars d’autres pays détenues à la banque centrale étasunienne ne sont pas sécurisées.

Plus généralement parlant, l’experte sud-africaine rappelle également qu’il s’agit d’un processus de longue date, où les USA cherchent à isoler économiquement et à sanctionner les Etats qu’ils perçoivent comme une menace pour leur pouvoir. Et ce – depuis la révolution haïtienne contre l’esclavage en 1804 ou encore au cours du XXème siècle, notamment avec l’assassinat par la CIA du président chilien Salvador Allende.

Quant à la guerre économique déclenchée par l’Occident contre la Russie, y compris le gel de ses réserves libellées en dollars, cela a largement prouvé qu’aucun pays qui va à l’encontre des USA ne pourra se sentir en sécurité. Et cela devrait être un signal d’alarme urgent pour les pays du Sud afin de se lancer pleinement dans un système financier alternatif qui ne dépende pas du dollar étasunien.

L’analyste sud-africaine rappelle elle aussi encore une fois que le PIB combiné des pays BRICS est désormais supérieur à celui du groupe G7. Et que les nations BRICS peuvent très certainement trouver une meilleure façon de travailler ensemble afin de construire un système financier qui ne soit pas sous contrôle des USA, ces derniers ayant continuellement bloqué les tentatives de développer de nouvelles règles plus justes pour le commerce mondial.

Pour Nontobeko Hlela, les BRICS doivent également renforcer leurs institutions et celles de la Nouvelle banque de développement afin qu’elle puise être ce point d’ancrage qui crée et soutient un système alternatif pour les pays du Sud. Enfin, l’experte sud-africaine rappelle que l’ordre mondial construit par les Occidentaux (communément appelé l’unipolarité) – correspond effectivement à la description de néocolonial. Et que cet ordre ne fonctionne pas pour les pays du Sud. Tout en insistant que le système plus multilatéral de gouvernance mondiale concerne non pas seulement l’aspect économique de la question, mais également politique.

Pour conclure, il devient aujourd’hui évident que quelle que soit l’entêtement des élites occidentales qui continuent de faire référence à «un ordre mondial basé sur des règles» (occidentales), un ordre représenté désormais par les vestiges de l’unipolarité – au sein des principales puissances mondiales non-occidentales et plus généralement dans les pays justement du Sud global, représentant ensemble l’écrasante majorité de l’humanité – il sera complètement inacceptable de vivre selon les prétendues règles d’une extrême minorité planétaire. Une minorité bien souvent ne représentant même pas ses propres populations.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Les succès économiques de la Russie ont dépassé toutes les attentes (expert chinois)

22.02.2023

S’il est aujourd’hui peu intéressant de se focaliser sur les prétendus spécialistes occidentaux qui il y a encore récemment espéraient voir l’économie de la Russie à genoux et aujourd’hui se retrouvent à admettre « le miracle économique russe », il est au contraire très important d’entendre l’opinion d’experts issus de la principale économie du monde – la Chine.

Xu Poling, directeur-adjoint du Centre de recherche sur l’économie et la politique des pays en transition de l’Université de Liaoning, a publié un article d’analyse fort intéressant pour le quotidien en ligne The Paper, basé à Shanghai.

L’auteur y décrypte en détails les succès économiques de la Russie et sa résistance face aux innombrables sanctions occidentales, y compris depuis le lancement de l’opération militaire spéciale l’année dernière. Xu Poling note notamment que suite à la principale crise internationale depuis la fin officielle de la guerre froide – l’Etat russe a rapidement pris des mesures pour empêcher l’effondrement de son système financier, ajuster sa stratégie de coopération économique extérieure et élargir sa coopération avec la Chine, l’Inde et d’autres économies émergentes.

En parlant justement de l’interaction sino-russe, l’expert chinois rappelle qu’au cours de 2022 – les exportations de la Russie vers la Chine ont augmenté de 43,4% en glissement annuel, et ce aussi bien dans le secteur énergétique que dans nombre d’autres. Du côté des exportations chinoises vers la Russie – l’augmentation est également conséquente. Et que selon les données de l’Institut de la finance internationale basé à Washington – la Chine (y compris Hong Kong et Macao) et la Turquie ont dépassé l’Union européenne pour devenir les principaux partenaires économico-commerciaux de la Russie à l’échelle internationale. Avec en prime des perspectives encore plus intéressantes, notamment pour les relations sino-russes, pour l’année en cours.

L’auteur indique également que le paysage financier mondial est entré dans un tournant historique. A l’heure où les USA et l’Europe bruxelloise ont militarisé les instruments et monnaies internationaux, tels que le système Swift ou le dollar étasunien. Permettant d’éveiller la vigilance de nombreux pays et comme résultat l’obtention de la dédollarisation progressive des échanges internationaux. Parmi les exemples cités, Xu Poling rappelle l’abandon par la Russie du dollar US et de l’euro dans ses réserves de change, remplacés par l’or et le yuan chinois.

La Chine et l’Arabie saoudite commencent à utiliser la monnaie chinoise dans leurs transactions importantes au niveau bilatéral. L’Inde de son côté prévoit d’étendre ses accords énergétiques avec les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient aux transactions en monnaies locales. Et la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, avait rappelé qu’au sein des BRICS le travail était également mené dans la direction d’augmenter les échanges en monnaies nationales. En d’autres termes – en vue de réduire fortement la dépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux. Un sujet qu’Observateur Continental avait récemment traité

Comme le note donc Xu Poling – si auparavant les règlements des transactions énergétiques, surtout pétrolières, étaient presque exclusivement effectués en dollars US – la nouvelle donne des transactions en monnaies nationales modifie le paysage financier mondial.

Pour revenir à la Russie et à sa résilience face aux sanctions occidentales que nombreux ne pouvaient pas imaginer – l’expert chinois rappelle que suite aux sanctions records décidées par l’Occident vis-à-vis de Moscou, des sanctions se comptabilisant par milliers de positions – les retombées négatives ont touché surtout les pays de l’Europe bruxelloise, pendant que la performance économique russe a dépassé toutes les attentes.

Chiffres à l’appui, l’auteur réalise le rappel qu’en avril de l’année dernière – la Banque mondiale prévoyait que la Russie connaitrait une croissance négative de 11,2% à l’issue de 2022. Certains experts occidentaux annonçaient quant à eux une décroissance encore plus importante. Pourtant, en janvier de cette année – le Fonds monétaires international (FMI) a prédit que le PIB de la Russie diminuerait de seulement 2,2% pour l’année écoulée 2022. Et retrouverait une croissance positive en 2023 et 2024. Et ce au moment, où le taux de chômage est au plus bas depuis 1991 dans le pays – à hauteur de 3,9%.

De même – sur les plans de la sécurité financière, budgétaire et celle de la balance des paiements de la Russie – rien n’a été sérieusement compromis. Xu Poling note par la même occasion que si la performance économique russe a dépassé toutes les attentes possibles, en faisant effectivement preuve d’une forte résilience – en termes de facteurs justifiant ces succès, il est évident que l’Etat russe était parfaitement préparé aux sanctions étasuniennes et européennes.

Et qu’après 2014, la stratégie russe de substitution des importations, la construction de la sécurité financière et budgétaire, la dédollarisation de l’économie, ainsi que les efforts visant à réduire la dépendance au secteur des exportations énergétiques – ont tous jeté de bonnes bases pour faire face à l’impact des sanctions les plus extrêmes. Le tout sans oublier – l’autosuffisance dans de nombreux domaines, notamment celui de l’agro-alimentaire.

Pour finir, et si tous les points cités par Xu Poling sont parfaitement logiques et objectifs – il serait très certainement temps de manière générale à s’intéresser aux analyses des principaux experts des pays qui représentent l’avenir, et non pas le passé, mondial. D’ailleurs et pour s’écarter un peu du domaine purement interétatique, il suffit aujourd’hui d’observer le monde de l’entreprenariat au sein des nations non-occidentales. Et comment les entrepreneurs russes, chinois, indiens, turcs et d’autres trouvent matière à coopérer dans de nombreux domaines d’intérêt commun. Le tout pendant que les diplômés des prétendues grandes écoles de commerce occidentales observent ces processus avec non seulement une vive jalousie, mais surtout une incompétence qui bien souvent n’est pas à démontrer.

Mikhail Gamandiy-Egorov