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L’Union économique eurasiatique: l’Ouzbékistan en tant que nouveau pays membre?

Selon un sondage récent, effectué par le Centre de recherches et de réformes économiques, basé à Tachkent – la capitale de la République d’Ouzbékistan, ¾ des citoyens ouzbèques soutiennent l’intégration de leur pays au sein de l’Union économique eurasiatique (UEEA).

En effet, les processus d’intégration au sein de l’ex-URSS se poursuivent, notamment dans le cadre eurasien. La principale union économique au sein de l’espace des anciennes républiques soviétiques, qui regroupe actuellement la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie, l’Arménie et le Kirghizistan en tant que membres à part entière, ainsi que la Moldavie en qualité de membre-observateur, pourrait être élargie à la nation d’Asie centrale ex-soviétique ouzbèque.

Les résultats dudit sondage affichent un soutien de 74% des répondants à l’intégration de leur pays au sein de l’UEEA, 16% y sont opposés, 4% ont répondu par la neutralité et 6% n’ont pas donné de réponse. A noter que le soutien en faveur de l’intégration est plus important chez les femmes interrogées que chez les hommes (82% contre 73%). L’essentiel des partisans de l’adhésion est au sein des groupes d’âges suivants : les jeunes de moins de 20 ans et les plus de 40 ans.

L’analyse des résultats a également révélé que parmi les partisans de l’intégration de l’Ouzbékistan au sein de l’Union économique eurasiatique, le plus grand nombre était parmi les enseignants, les étudiants, ainsi que les représentants du secteur privé (76%).

Parmi les avantages cités par les répondants du sondage, 51% estiment que l’adhésion à l’UEEA aura comme résultat une baisse significative des prix des biens et services, ainsi qu’une augmentation de la qualité des produits due à une amélioration de l’environnement concurrentiel. Le deuxième avantage cité, par 24% des citoyens ouzbèques, étant l’élargissement du marché d’exportation des produits nationaux, avec le potentiel supplémentaire de créer de nouveaux emplois. Enfin 15% des répondants sont convaincus que ladite adhésion améliorera les conditions pour les travailleurs-migrants (pour information sur les près de 2,5 millions de citoyens ouzbèques travaillant en dehors de leur pays, environ 2 millions vivent et travaillent en Russie).

A noter qu’en juin 2019, le président du pays Shavkat Mirziyoyev avait déclaré qu’en vue de prendre une décision sur l’adhésion de l’Ouzbékistan à l’Union économique eurasiatique, le pays devait analyser tous les défis. En janvier 2020, le chef de l’Etat avait annoncé que la question de la participation du pays à l’union devait être étudiée de manière approfondie par le parlement national. Début mars, le Cabinet des ministres a décidé de soumettre à l’examen des deux chambres du Parlement la proposition concernant la participation de l’Ouzbékistan à l’UEEA en qualité d’observateur. Fin avril, la Chambre législative du Parlement a approuvé la participation du pays en qualité d’observateur au sein de l’union.

Maintenant et pour parler perspectives, il serait juste d’aborder plusieurs points. Tout d’abord, un petit rappel historique s’impose. Celui qu’au moment de la chute de l’URSS, l’écrasante majorité des habitants des républiques soviétiques d’Asie centrale, dont l’Ouzbékistan, étaient radicalement opposés à la dislocation de l’Union soviétique. Deuxième point, et cela est tout aussi important : le fait que parmi les partisans de l’adhésion de l’Ouzbékistan à l’Union économique eurasiatique on retrouve une bien large part de jeunes, notamment de moins de 20 ans – la génération qui de facto n’a pas connu l’URSS, confirme pleinement que le processus d’intégration dépasse largement, comme certains pourraient le penser, le cadre des nostalgiques de l’URSS. Si bien que certainement on peut retrouver de nombreuses personnes ayant cette nostalgie au sein des habitants plus âgés, dans le cas des jeunes il s’agit avant tout d’une compréhension logique de l’importance de l’intégration dans l’espace eurasien, y compris évidemment dans le cadre historico-civilisationnel, mais aussi tout simplement une réalité pragmatique des opportunités économiques, commerciales et d’emploi.

Enfin, et malgré la ferme volonté de l’establishment atlantiste de stopper cette intégration dans l’espace post-soviétique eurasien, la réalité est telle que malgré les énormes programmes économiques mis en place par les USA et certains de leurs alliés afin de détourner la jeunesse d’Asie centrale, y compris d’Ouzbékistan, d’un quelconque soutien vis-à-vis d’une intégration eurasiatique, vraisemblablement les résultats de ces tentatives occidentales restent pour le moins… médiocres. Au final, les réalités économiques, alliées à une lecture commune sur de nombreux points de l’histoire, y compris commune, le facteur humain, mental et civilisationnel, restent les atouts qu’il est très difficile d’anéantir, y compris à coups de millions, voire de milliards de billets verts.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Entre l’atlantisme et l’Eurasie, la Turquie doit faire un choix

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La Turquie du président Erdogan se trouve aujourd’hui devant un choix stratégique. Membre de l’Otan, Ankara s’est pourtant beaucoup rapprochée de Moscou et Téhéran au cours de ces dernières années, confirmant à cette occasion l’existence d’une orientation eurasienne dans sa politique.

Mais les récents événements dans la province syrienne d’Idlib ont de nouveau ravivé les tensions existantes entre ces deux orientations, confirmant la pleine nécessité de devoir, à un moment ou un autre, faire un choix.

Lorsque fin 2015 les relations turco-russes étaient tombées au plus bas, toujours en rapport avec les événements en Syrie, la Turquie avait en l’espace de seulement une demi-année ressenti les conséquences d’une telle politique. Fort heureusement cette page difficile des relations bilatérales entre Ankara et Moscou a pu être surmontée. Plus que cela, les deux pays ont réussi en peu de temps à revenir au partenariat stratégique qui régissait leurs rapports. Et d’arriver même à un partenariat «très» stratégique, au grand désarroi de ceux qui veulent maintenir à tout prix la Turquie dans la «famille» atlantiste, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Aujourd’hui, les relations géoéconomiques et hautement stratégiques entre la Russie et la Turquie peuvent être réellement caractérisées comme un partenariat gagnant-gagnant, avec un volume des échanges commerciaux constamment en hausse (plus de 20 milliards de dollars en 2019 avec un objectif fixé d’atteindre dans les prochaines années les 100 milliards). Et compte tenu des millions de touristes russes visitant la Turquie chaque année et les nombreuses entreprises turques du BTP travaillant sur le marché russe (ce dernier représentant pas moins de 20% du volume total des commandes dans le domaine de la construction auprès des structures turques à l’étranger), on arrive à une balance commerciale bien équilibrée – sachant que le flux touristique russe vers la Turquie et les marchés du BTP turc en Russie ne rentrent pas dans le calcul du volume des échanges. Sans oublier que le volume des investissements russes en Turquie et turcs en Russie, dans le cadre des projets d’investissement mis en œuvre entre les deux pays, est d’environ 10 milliards de dollars chacun. Une autre nation eurasienne – l’Iran – fait également partie des principaux partenaires économico-commerciaux de la Turquie.

S’ajoutent à cela la coopération dans la sphère énergétique avec le gazoduc Turkish Stream, dans le nucléaire civil avec la centrale d’Akkuyu, sans oublier l’acquisition du système anti-missile russe des S-400 – une première dans la relation d’un pays-membre de l’Otan avec la Russie. Mais malgré tout cet impressionnant partenariat, il est encore prématuré de parler d’une véritable alliance entre la Turquie d’une part, et la Russie avec l’Iran de l’autre. Car au-delà des divergences existantes sur certains dossiers internationaux, dont bien évidemment la Syrie, le fait d’appartenir justement à l’Otan – organisme qui continue de considérer la Russie comme son principal adversaire et ennemi, ne peut permettre de prétendre à une véritable alliance.

Quant à la République arabe syrienne, elle est bel et bien une alliée aussi bien pour Moscou que Téhéran. Dans le cas avec la Russie, cette alliance ne date ni d’aujourd’hui, ni de 2015 – année d’intervention de Moscou dans la lutte antiterroriste dans ce pays, mais bien de plusieurs dizaines d’années. Et au-delà d’une alliance géopolitique, ni la Russie, ni l’Iran ne peuvent permettre à ce qu’un autre pays-civilisation, en l’occurrence la Syrie, puisse subir la présence de hordes barbares et terroristes sur son sol. Il en va non seulement de leur propre sécurité, mais aussi de leurs valeurs.

C’est pourquoi, et malgré les récentes menaces proférées par le leadership turc à l’encontre de Damas, les deux principaux alliés de la Syrie ne permettront certainement pas à ce que la situation dégénère. Compte tenu du rapport stratégique avec la Turquie, les deux puissances eurasiennes privilégient le dialogue et font en sorte d’apporter leur pleine médiation pour éviter une plus grande détérioration de la situation.

La Syrie, quant à elle, est en plein droit à poursuivre l’opération de libération de son territoire national. Conformément à sa souveraineté. Les hordes terroristes salafistes n’ont pas de place en terre syrienne. Il s’agit là aussi d’une question primordiale pour le leadership, l’armée et la population du pays. D’autant plus que ce dernier fief terroriste en terre syrienne – principalement affilié à Al-Qaida – continue de représenter un danger majeur pour la sécurité nationale. D’où l’extrême nécessité d’en finir une bonne fois pour toute.

En ce qui concerne la Turquie, elle se retrouve effectivement devant un choix stratégique. Bien sûr, il faut savoir que la pression sur le leadership turc n’est pas seulement extérieure – surtout de la part de ses pseudo-alliés otanesques. La pression est également intérieure. C’est un secret de polichinelle qu’une partie de l’élite politique turque – aussi bien issue du parti au pouvoir que de l’opposition – reste profondément pro-occidentale et pro-atlantiste. Et donc, à l’instar de leurs mentors n’approuvent guère le rapprochement sans précédent observé entre les grandes nations eurasiennes au cours de ces dernières années. Et aussi en faisant mine d’oublier par la même occasion la tentative de putsch pro-occidental de 2016 – une tentative pour rappel condamnée aussi bien par Moscou que Téhéran. D’autre part, la politique des deux chaises ne pourra pas elle aussi durer éternellement. Et ce choix devra se faire, à un moment ou un autre.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1380

Kemi Seba: souverainistes africains et Russie, «une alliance naturelle»

Kemi Seba

Activiste, écrivain et éditorialiste, Kemi Seba est une figure franco-béninoise aussi controversée que populaire. Cet ardent défenseur de la souveraineté et du monde multipolaire s’est récemment rendu en Russie. L’occasion pour Sputnik de recueillir son analyse sur les perspectives russo-africaines.

 

«La réalité récente du monde multipolaire, les changements positifs majeurs au niveau de l’actualité internationale, mais également l’injustice que continuent à subir plusieurs pays de la part des puissances occidentales, poussent les peuples enracinés du monde à se rapprocher. C’est en tout cas la démarche actuelle des souverainistes africains et russes.»

En quelques mots, Kemi Seba, activiste panafricaniste et souverainiste franco-béninois, trace les lignes de force de son action. Président de l’ONGUrgences panafricanistes, écrivain et chroniqueur politique, il est diabolisé en Occident et par une partie des élites africaines pour ses prises de position jugées radicales, mais jouit d’une forte popularité auprès des populations d’Afrique francophone et de sa diaspora. Dans cet entretien exclusif à Sputnik, au retour d’un voyage en Russie, Kemi Seba nous livre ses impressions sur le pays et analyse pour nous les relations entre les partisans de la multipolarité, en Afrique, en Russie et ailleurs.

Sputnik: Vous venez tout juste d’achever une visite à Moscou. Il s’agissait de votre première visite sur le sol russe. Pourquoi la Russie et pourquoi maintenant?

Kemi Seba: Je me suis rendu en Russie sur invitation de l’association Afrique-Russie, une structure qui se donne pour mission de rapprocher les sociétés civiles africaines et russes, dans l’optique d’une collaboration visant à défaire nos peuples respectifs de l’impérialisme occidental.
Le travail que nous menons à travers l’ONG Urgences panafricanistes est observé par beaucoup de gens d’origine et de culture différentes. Notre lutte visant à obtenir notre souveraineté est un combat qui touche quiconque est épris d’égalité et de dignité. Je suis venu à Moscou, comme je suis allé en Iran ou au Venezuela il y a quelques années, et comme j’irai en Bolivie dans quelques semaines.

Je suis un adepte du monde multipolaire. Je pense du plus profond de mon âme que le monde se portera mieux dès lors que les peuples arrêteront de subir la dictature de l’oligarchie occidentale, et qu’au contraire, différents pôles civilisationnels, enracinés dans la tradition et maîtrisant la géostratégie, se lèveront et s’uniront pour maintenir l’équilibre politique mondial. En ce sens, mon voyage en Russie était déterminant. Car dans ce monde multipolaire, la Russie tient le premier rôle pour l’instant, et se veut l’allié de celles et ceux qui luttent contre l’occidentalisation du monde. L’exemple de la Syrie et du soutien russe à Bachar El-Assad l’atteste de la plus belle des manières.

Nous menons pour notre part en Afrique et dans les Caraïbes une lutte âpre contre le néocolonialisme français et plus globalement occidental. Nous sommes à la recherche de partenaires stratégiques qui comprennent qu’une Afrique libérée de toute tutelle étrangère serait une chance pour le monde entier. Il n’y a qu’ainsi que des partenariats fiables, durables et sains pourront voir le jour.

Sputnik: Vous avez rencontré durant ce passage Alexandre Douguine, l’un des plus célèbres intellectuels russes et l’un des principaux idéologues du concept de l’Eurasisme. De quoi avez-vous discuté?

Kemi Seba et Alexandre Douguine

Kemi Seba: Douguine est l’une des plus passionnantes rencontres de mon parcours politique de ces dernières années. Passionnante, car nous avons en commun une figure dont nous nous revendiquons respectivement les disciples, en l’occurrence René Guénon. Ses recherches sur la Tradition primordiale ont changé ma vie et ma perception du monde. Et Douguine me paraît être aujourd’hui le plus brillant disciple de Guénon, qui ne se contente pas de louer son «maître idéologique», mais prolonge son œuvre, en inscrivant la démarche traditionaliste dans une dimension géostratégique. C’est sous cet angle d’ailleurs que son ouvrage «Le front des traditions» demeure pour moi un livre important. Ses chapitres tels que Les racines métaphysiques des idéologies politiques, Le facteur métaphysique dans le paganisme, La Grande Guerre des continents demeurent pour moi des sources de réflexions intarissables. La seule nuance que j’ai avec Douguine, et elle est de taille, est que là où il met le bloc eurasiatique au centre de tout (ce qui est normal, c’est de cette région dont il est issu), moi c’est l’Afrique.

Pour revenir à ce que nous avons dit, nous avons parlé de beaucoup, beaucoup de choses. La seule chose que je peux vous dire, c’est que le monde multipolaire est vu par lui comme par moi comme une nécessité. La Russie, grâce à des gens comme Douguine, est en train de bâtir un axe eurasiatique surpuissant qui participe à maintenir les différents souverainismes dans ce monde. L’alliance d’un Erdogan avec un Poutine illustre cette orientation. À nous autres souverainistes africains de faire en sorte que l’Afrique puisse devenir ce pôle puissant tant voulu par les pères fondateurs du panafricanisme.

Le seul désavantage que nous avons, et il est important, est que nous ne disposons pas de dirigeants, surtout en Afrique subsaharienne francophone, acquis à la cause de l’autodétermination africaine. Dès lors, nous devons tout faire tout seuls, à partir de la société civile. C’est un combat âpre, éreintant, difficile, mais la victoire n’en sera que plus belle.

Sputnik: Pensez-vous que l’Eurasisme et le Panafricanisme peuvent et doivent coopérer? Et si oui, pourquoi?

Kemi Seba: Oui, je le pense fondamentalement, tout comme l’axe bolivarien (l’Amérique du Sud) entre autres, est un pôle qui ne doit pas être négligé. Tous les peuples doivent être amenés à coopérer, mais en étant enraciné dans leur propre paradigme. Le nouveau millénaire est et sera plus encore dans les temps à venir, l’ère des blocs civilisationnels. L’ère des grands ensembles. De grands ensembles qui dans leur collaboration, seront des garants d’un monde équilibré, débarrassé de l’axe unipolaire de l’Otan, qui n’a créé que chaos et désolation partout où il est passé.

Cela me permet aussi de préciser que pour moi, il ne s’agit pas de voir le pôle eurasien succéder au pôle américain ou plus globalement occidental. Si nous parlons d’alliance aujourd’hui, c’est que la démarche de Poutine est claire, traçable, lisible et garantit un équilibre dans le monde aujourd’hui. Si nous sentons dans le futur que la Russie a un projet colonial comme l’Occident l’a eu en Afrique, nous nous en éloignerons. Mais de manière concrète, ce n’est pas le cas, malgré la diabolisation occidentale qui vise le président Poutine. Ce dernier veut un monde multipolaire, et est la figure mondiale du souverainisme. Ce courant est le socle idéologique de sa politique. C’est le nôtre aussi. C’est donc une alliance naturelle.

Sputnik: Au-delà de la rencontre avec M. Douguine, vous avez présidé une conférence le 16 décembre près de l’Université russe de l’Amitié des Peuples (Patrice Lumumba), avec pour thème «La nécessité de l’alliance entre les souverainistes africains et la Russie». Un événement qui a d’ailleurs suscité un vif intérêt auprès de la diaspora africaine de Russie, étudiants inclus. De quoi avez-vous traité lors de cette conférence? Et comment ces idées ont-elles été reçues par les Africains de Russie? Les étudiants africains ont-ils émis à leur tour des idées qui vous sembleraient être intéressantes pour la suite?

Kemi Seba: Nous avons traité des thèmes évoqués dans les questions précédentes de cette interview. Comprendre la multipolarité d’un point de vue géopolitique et aussi métaphysique. Comprendre le rôle que l’Afrique a à jouer dans ce monde. Comprendre le rôle de la jeunesse africaine. Et comprendre pourquoi l’alliance avec la Russie —et avec d’autres- peut être un atout actuel dans notre lutte contre le globalisme libéral promu par l’Occident.

Ce fut une rencontre extrêmement riche et émouvante. Tous les jeunes étudiants présents n’étaient pas tous de l’Université russe de l’Amitié des Peuples. Ils venaient de différentes écoles et instituts. La plupart d’entre eux étaient des génies, et je pèse mes mots. Les échanges ont été passionnants, riches, et je pense avoir humblement contribué à élargir et densifier leurs esprits sur les questions de géostratégie. Toutes les questions étaient d’un apport indéniable à la résolution des problèmes de l’Afrique, et allaient dans le sens d’une plus grande prise en charge des problèmes africains par les Africains eux-mêmes.

J’étais touché de voir que beaucoup avaient réussi à se procurer mes ouvrages et les avaient lus scrupuleusement. L’autodétermination est pour cette nouvelle génération une religion. Et leur capacité à connaître leur ennemi naturel et leurs alliés ponctuels semble innée. Raison pour laquelle de l’avis général, les alliances des mouvements de résistance des sociétés civiles avec la Russie et certains pays d’Amérique latine ont obtenu l’approbation de tous.

Sputnik: En plus de la lutte pour la souveraineté des pays africains qui constitue votre fer-de-lance, les deux sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur sont le combat contre le franc CFA —dans lequel vous êtes activement engagé- ainsi que la dénonciation de la situation des migrants d’Afrique subsaharienne en Libye. Une situation qui s’est créée après l’intervention de l’Otan contre ce pays, qui était d’ailleurs en son temps l’un des principaux porte-flambeaux du panafricanisme. Comment entrevoyez-vous la suite sur ces deux sujets d’actualité?

Kemi Seba: Pour le franc CFA, nous avons contribué de par nos mobilisations sur le terrain, en Afrique et dans la diaspora, à faire bouger les lignes. Sujet auparavant prisonnier des élites, et ce jusqu’à l’excès, ce débat est devenu, de par nos manifestations un sujet dont s’est emparé la rue africaine, tant méprisée par l’oligarchie. C’est pourtant la rue africaine qui souffrait depuis trop longtemps de l’utilisation de cette monnaie, et non nos dirigeants, qui eux utilisaient plus le dollar ou l’euro que nos monnaies de singe pour leurs transactions.

Il y a un an jour pour jour, lorsque je déclarais que 2017 serait en Afrique l’année du franc CFA, certains représentants africains se moquaient de moi. Un an plus tard, ces derniers sont les premiers à parler du CFA et à reconnaître l’importance de la mobilisation de la jeunesse africaine que nous avons initiée via le Front Anti-CFA, une structure inclusive fondée par notre ONG Urgences panafricanistes.
Même s’ils tentent toujours de nous discréditer et de séparer l’action de leurs initiateurs, jugés peu conventionnels et radicaux, nous avons gagné le débat du peuple. Les élites africaines, trop pédantes, arrogantes, imbécilisés par leur prétendu savoir, ne savent pas parler au peuple. Contrairement à nous qui vivons les réalités de ce dernier, et donc savons nous adresser à lui.
Malgré tout, il n’en demeure pas moins que le combat n’est pas fini. Les présidents africains francophones, roitelets modernes, si serviables auprès de l’Occident, mais si méprisants auprès de leur peuple, ne semblent pas prêts à se libérer de leurs chaînes.

Pour ce qui est de l’esclavage en Libye, ceci n’est que la résultante à mes yeux de l’irresponsabilité de nos dirigeants africains en priorité. Oui, clairement, les criminels de l’Otan qui ont détruit un pays et assassiné l’un de nos plus brillants dirigeants —Kadhafi- pour obtenir du pétrole sont les grands instigateurs de ce capharnaüm, sont les premiers grands responsables de tout cela.
Mais que dire de nos chefs d’État qui détournent tellement les deniers publics qu’ils finissent par donner l’impression à la jeunesse africaine que la Terre Mère est un enfer? Ce sont les premiers responsables de ce drame migratoire. Car si nos dirigeants africains faisaient leur travail, il n’y aurait pas autant de jeunes qui voudraient fuir le pays.

Après, il y a une démarche patriotique à apprendre à nos enfants. Leur faire comprendre que l’Afrique ne leur doit rien, mais qu’ils doivent tout à l’Afrique. Leur faire comprendre que ce que les élites africaines ne font pas pour le peuple, le peuple devra le faire lui-même. On ne peut plus fuir nos pays dès lors que ça ne va pas. C’est à nous de résoudre les problèmes que nos élites irresponsables ne résolvent pas.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201712221034454553-kemi-seba-souverainistes-africains/

Mikhail Gamandiy-Egorov

Un contingent eurasien en Syrie?

Damas

Dans le monde multipolaire qui se dessine pour le XXIe siècle, l’Eurasie fera entendre sa voix. Le projet de faire intervenir des contingents kazakhs et kirghiz dans le cadre d’une mission de maintien de la paix en Syrie va dans ce sens. S’il se concrétise, ce projet prouvera que le monde se passe très bien de l’occident pour régler ses conflits.

La Russie aurait suggéré d’envoyer des contingents kazakhs et kirghizs en Syrie.

Une proposition qui s’inscrit dans le cadre de la préparation du nouveau round des pourparlers d’Astana sur la Syrie, qui devrait avoir lieu début juillet. C’est Ibrahim Kalin, porte-parole du président turc, qui a révélé cette proposition, émise lors des échanges préparatoires russo-turcs.

Les troupes kazakh et kirghiz viendraient en appui de celles que la Russie, l’Iran et la Turquie ont prévu lors du précédent round d’Astana d’envoyer dans les zones de désescalade, sous réserve d’un accord de Damas.

Pour le moment, il ne s’agit que d’une proposition qui doit être encore discutée avec toutes les parties intéressées. Si la proposition devait aboutir, ce serait effectivement une mini-révolution. Les autorités du Kirghizistan, dont le président vient de terminer une visite en Russie, ont confirmé que cette idée d’envoyer des militaires en Syrie avait été discutée lors du Conseil permanent de l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective, composée de la Russie, du Kazakhstan, de la Biélorussie, du Kirghizistan, de l’Arménie et du Tadjikistan). Ce pays ex-soviétique d’Asie centrale voit en effet d’un œil favorable cette possible mission du maintien de la paix.

Mettons maintenant cette proposition en perspective et dans son contexte.

Relevons tout d’abord que le Kazakhstan et le Kirghizistan font, de notoriété publique, partie des principaux alliés de la Russie. Les deux nations sont également membres de toutes les organisations dans lesquelles la Russie joue un rôle de premier plan: l’Union économique eurasiatique, l’OTSC, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), la CEI.

D’autre part, ces deux pays turcophones d’ex-URSS ont de bonnes relations avec la Turquie, un des trois pays garants du processus d’Astana, avec la Russie et l’Iran. Avec ce dernier, les relations sont également cordiales. Enfin, et c’est tout aussi important, les deux États soutiennent l’approche multipolaire des relations internationales et le respect de la souveraineté des nations, ce qui signifie que le gouvernement syrien ne sera certainement pas opposé à voir des troupes kazakhs et kirghiz sur son territoire.

Enfin, les Kazakhs comme les Kirghizes sont majoritairement musulmans sunnites, à l’instar de la majorité de la population syrienne. Ce qui est indéniablement un facteur positif, comme le démontre l’accueil très favorable que la population locale a réservé à la police militaire russe en Syrie, composée majoritairement de Russes-Tchétchènes sunnites, et qui assure notamment la sécurité dans la ville d’Alep.

L’idée est donc excellente. Surtout qu’elle renforcera dans les faits la notion d’Eurasisme. L’Eurasie est amplement capable de résoudre les principaux conflits régionaux et internationaux sans la participation de ceux qui «pensent» toujours qu’ils sont irremplaçables… suivez mon regard.

Nous restons évidemment prudents en attendant que cette initiative se concrétise, mais si tel était le cas, elle serait sans aucun doute à saluer. Au moment où l’armée gouvernementale syrienne et ses alliés sont en train de venir à bout des terroristes sur le sol syrien, provoquant une hystérie totale des Américains et de leurs alliés, qui comprennent que le chaos en Syrie touche à sa fin et que leurs objectifs géopolitiques ne seront pas atteints, nous devons dès à présent anticiper le retour effectif à la paix et la reconstruction du pays. En ce sens, la solidarité de la famille eurasienne est plus qu’une nécessité.

Que les atlantistes notent bien que nous sommes en 2017, pas en 1992, et qu’il est possible de régler les principales questions internationales sans la participation des élites atlantistes.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201706231031959072-conflits-kazakhs-kirghizs-syrie/

Mikhail Gamandiy-Egorov

L’Union économique eurasiatique est désormais un fait réel

L’Union économique eurasiatique est désormais un fait réel

C’est fait. C’est officiel. L’Union économique eurasiatique n’est désormais plus juste un projet ambitieux mais bien une réalité. Une réalité que personne ne pourra remettre en cause.

Les présidents de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan ont donc signé en ce jeudi 29 mai, à Astana, capitale du Kazakhstan, l’accord en question qui officialise d’un grand pas supplémentaire l’intégration eurasienne.

« Une nouvelle organisation économique a vu le jour sur la scène internationale », a déclaré le président russe Vladimir Poutine. Toujours selon lui, ledit accord « est d’une importance historique. En fait, nous formons désormais le plus important marché unique dans l’espace de la CEI avec un potentiel de production, technologique et scientifique énorme, ainsi qu’avec des ressources naturelles colossales ».

Vraisemblablement et après la nouvelle victoire géopolitique de la Russie d’il y a quelques jours, qui a suivi la signature d’un très grand nombre d’accords en Chine, confirmant ainsi l’alliance russo-chinoise, maintenant c’est au tour du projet eurasiatique de passer à l’étape supérieure dans le monde multipolaire, où nous vivons. Plusieurs pays ont déjà exprimé leur vif intérêt à former des liens privilégiés avec l’Union économique eurasiatique, y compris en formant des zones de libre-échange. Parmi ces pays, on peut citer la Chine, le Vietnam, l’Inde ou encore la Syrie.

A rappeler que l’Union économique eurasiatique de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan constituera une forme avancée d’intégration de ces trois pays, qui sont déjà membres de l’Union douanière. Il est également à noter que mis à part les trois pays ayant signé l’accord, de nouveaux membres rejoindront d’ici peu l’union. Tout d’abord l’Arménie. Puis le Kirghizistan. D’autres pays issus de l’ex-URSS expriment également leur désir d’intégration.

En parlant de l’aspect économique et comme l’a bien noté le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, le volume total des économies des trois pays représente à l’heure d’aujourd’hui 2,2 billions de dollars. Quant à la croissance du PIB global, elle pourrait atteindre 900 milliards de dollars d’ici 2030.

Mis à part l’aspect économique qui bien évidemment représente un rôle colossal, il faut tout de même aussi bien noter l’aspect géopolitique, que redoutent tellement les élites occidentales. En effet, on avance à grands pas vers l’Union eurasiatique, qui comprendra au moins six pays de l’ex-Union soviétique : la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, l’Arménie, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Un projet que les élites étasuniennes, dont Hillary Clinton, avait déjà promis de faire échouer…

Mais comme nous le montre l’actualité récente, les paroles sont une chose. Les actes en sont une autre. Le monde a énormément changé. L’Occident politique, financier et médiatique ne détient plus le monopole de la destinée du monde. Cette époque du diktat global est tout simplement révolue et hors-sujet. Les récentes et moins récentes déclarations et gestes de l’élite occidentale rappelle étrangement les actes de désespoir de gens en train de s’accrocher à tout ce qu’ils peuvent dans un bateau qui coule. On se souvient tous du tristement célèbre Titanic, que ses créateurs affirmaient insubmersible. On connait tous la fin tragique de son histoire.

Peut-être donc que les élites occidentales devraient sérieusement commencer à écouter la voix de leurs peuples et se concentrer sur la résolution de leurs problèmes internes plutôt que d’aller « prêcher » la mauvaise parole aux quatre coins du monde. Il est vrai qu’un certain nombre de pays du monde sont encore sous le joug et leurs peuples luttent activement pour arracher la liberté.

Mais au vu des événements des derniers mois, on vit non pas le début mais déjà la première phase active de la nouvelle réalité mondiale, celle du monde multipolaire, à laquelle tant de monde aspirait. Les projets de l’Union eurasiatique, de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), ainsi que bien évidemment des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai ne feront que renforcer et étendre cette nouvelle réalité. Le monde et l’humanité commencent enfin à respirer.

http://french.ruvr.ru/2014_05_30/L-Union-economique-eurasiatique-est-desormais-un-fait-reel-4881/

Mikhail Gamandiy-Egorov