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BRICS: coopération médiatique d’un monde multipolaire

Le cinquième Forum des médias des BRICS a eu le mérite de remettre à l’ordre du jour une orientation fort importante d’interaction entre les puissances composant le groupe – celle d’une coopération accrue dans le secteur médiatique. Le tout à une période cruciale des défis géopolitiques, géoéconomiques, sécuritaires et sanitaires.

La cinquième réunion du présidium du Forum des médias des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a été tenue lundi par visioconférence. Les participants se sont engagés à unir leurs efforts pour améliorer le mécanisme du forum et intensifier les échanges et la coopération entre les médias des BRICS dans l’ère post-Covid-19. 

Le président et rédacteur en chef de l’agence de presse gouvernementale chinoise Xinhua, He Ping, par ailleurs président exécutif du Forum des médias des BRICS, a noté que «dans le contexte de changements importants jamais vus depuis un siècle, les médias des BRICS devraient saisir la tendance de l’histoire et agir en tant que facilitateurs pour un développement pacifique».

Il a également exhorté les médias des pays BRICS à connaitre la tendance générale du développement mondial afin d’être des narrateurs de l’histoire des BRICS, à suivre les tendances de l’évolution des médias pour être des leaders du développement novateur, et à mettre pleinement en valeur les avantages de la collaboration des nations BRICS en vue d’être ceux qui poursuivent la coopération pragmatique.

Pour Trust Matsilele, professeur de journalisme à l’Université de technologie de la péninsule du Cap en Afrique du Sud, cité par l’agence Xinhua, les médias des BRICS doivent également contribuer à promouvoir les échanges culturels entre les pays membres de l’organisation. Toujours selon cet expert, «les médias jouent un rôle dans la mise en avant auprès du public de l’unicité culturelle des pays des BRICS» et que la promotion des échanges culturels entre les pays membres contribuent également à renforcer davantage les relations économico-commerciales.

En termes de perspectives, si le concept de la coopération sur les plans médiatique et informationnel au sein des BRICS est loin d’être nouveau, désormais l’heure est vraisemblablement au renforcement des actions conjointes. Et ce pour plusieurs raisons. Parmi elles on retrouve évidemment la nécessité de la poursuite du renforcement de l’interaction intra-BRICS, dans le cadre de projets aussi bien bilatéraux que multilatéraux. Pour autant, il ne faut pas oublier également la nécessité d’assurer une réponse médiatique forte et coordonnée aux attaques informationnelles qui continuent de viser aussi bien les pays BRICS – que toutes les nations partisanes de la multipolarité. Notamment de la part du mainstream médiatique occidental.

En effet, que ce soit du côté de nombre de médias occidentaux anglophones, comme francophones, la tendance ne change pas. Il suffit d’ailleurs pour cela d’observer nombre de reportages réalisés par les représentants du mainstream, ne serait-ce que sur l’exemple de sujets liés à la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud ou l’Inde, visant à donner une image si souvent déformée sur la réalité des pays concernés. Mais plus que cela – à nuire aux intérêts géopolitiques, géoéconomiques et sécuritaires des dites nations.

Il n’empêche que la donne a changé. D’ailleurs, nombre de journalistes et d’analystes de grands médias régionaux, continentaux et internationaux, l’affirment avec certitude. Pour les panélistes de la grande chaine panafricaine Afrique Média TV – il est aujourd’hui devenu clair que la peur a changé de camp. Et c’est assez logique.

Si l’Occident médiatique pouvait longtemps effectivement se vanter de dominer l’espace informationnel international, désormais plusieurs des médias internationaux dits «alternatifs» dépassent en popularité et appréciation leurs concurrents occidentaux. Et ce aussi bien en Eurasie, Afrique ou en Amérique latine.

Et plus que cela encore, si les attaques informationnelles de l’Occident, bien souvent avec le soutien de ses élites politiques, ne baissent aucunement en intensité, il s’agit effectivement aujourd’hui de la peur pure et simple de voir les partisans de la réalité multipolaire mondiale s’unir et renforcer l’interaction conjointe. D’autant plus que pour ces derniers – tous ensemble il s’agit ni plus ni moins – d’une majorité évidente du globe terrestre. Si l’alliance des puissances non-occidentales est devenue évidente sur la scène géopolitique internationale, l’alliance médiatico-informationnelle constitue également et sans le moindre doute une source d’inquiétude majeure pour les nostalgiques de l’unipolarité révolue.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Pressions sur les médias chinois aux USA: Pékin riposte

Au moment d’une confrontation politico-idéologique majeure entre les partisans du libéralisme occidental et ceux du monde multipolaire, le ton continue de monter entre Pékin et Washington. Au-delà de la concurrence des visions, sans oublier la géoéconomie, la sphère médiatique ne reste pas épargnée.

La Chine a annoncé des contre-mesures aux mesures restrictives imposées sur les agences médiatiques chinoises aux Etats-Unis. C’est ce que rapporte l’agence de presse Xinhua  Selon un communiqué officiel repris par l’organe de presse chinois, la riposte a été motivée par le fait que «les actions des Etats-Unis ciblant exclusivement les organisations médiatiques chinoises ont été motivées par une mentalité de guerre froide et des préjugés idéologiques. La décision a exposé l’hypocrisie du soi-disant défenseur de la liberté de la presse».

Le communiqué indique également qu’au cours des dernières années, le gouvernement US a imposé des restrictions injustifiées sur les agences médiatiques chinoises et leur personnel aux Etats-Unis, a délibérément mis en difficulté leur travail de reportage normal, et leur a fait subir une discrimination croissante, ainsi qu’une oppression motivée par des considérations politiques.

Maintenant en ce qui concerne la réponse de la Chine à ces actions hostiles, le dudit communiqué a annoncé trois mesures qui prennent effet immédiatement:

– Premièrement, en réponse à la désignation par les Etats-Unis de cinq agences médiatiques chinoises comme «missions étrangères», la Chine exige, dans un esprit de réciprocité, que les branches basées en Chine de Voice of America, du New York Times, du Wall Street Journal, du Washington Post et du Time fassent des déclarations par écrit en faisant mention des informations sur leur personnel, leurs finances, leur fonctionnement et leur immobilier en Chine.

– Deuxièmement, en réponse à la réduction de la taille du personnel des agences médiatiques chinoises aux Etats-Unis, qui est une expulsion en fait, la Chine exige que les journalistes de nationalité américaine travaillant pour le New York Times, le Wall Street Journal et le Washington Post, dont les cartes de presse doivent expirer avant la fin de 2020, informent le département de l’information du ministère des Affaires étrangères dans les quatre jours calendaires à partir de mercredi et remettent leurs cartes de presse dans un délai de 10 jours calendaires. Ils ne seront pas autorisés à continuer de travailler en tant que journalistes en République populaire de Chine, y compris dans ses régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao.

– Troisièmement, en réponse aux restrictions discriminatoires imposées par les Etats-Unis aux journalistes chinois en matière de visa, d’examen administratif et de reportage, la Chine prendra des mesures réciproques contre les journalistes américains.

Pékin indique également que des contre-mesures supplémentaires seront mises en œuvre dans le cas «où les USA décideraient à aller plus loin dans cette mauvaise voie».

Maintenant pour parler perspectives. Cette pression de l’establishment étasunien, et donc par essence occidental, visant des médias alternatifs, est tout sauf nouvelle. A ce titre, nombre de médias iraniens, latino-américains, russes, arabes, africains – en bref, tous ceux dont la ligne éditoriale ne chante pas la «gloire» des politiques US/occidentales, sont constamment visés par des attaques émanant des élites politico-médiatiques de l’ouest. La raison est simple: la popularité des dits médias au niveau international. Le réseau médiatique de la Chine est également monté en puissance à l’international. Et de l’aveu de nombreux spectateurs, un réseau de chaînes de télévision comme CCTV (China Central Television) est vivement apprécié aux quatre coins du monde. Et au vu de la bataille géopolitique et géoéconomique en cours entre Washington et Pékin, il était plus que prévisible qu’à un moment ou un autre, les médias chinois auraient été visés par des restrictions étasuniennes, et éventuellement par certains des suiveurs des prérogatives US.

Plusieurs choses sont pour autant certaines. Premièrement, les contre-mesures chinoises confirment parfaitement que Pékin ne se laissera pas faire. Et ce malgré la campagne de désinformation occidentale qui vise encore l’Empire du Milieu, notamment en lien avec la propagation du fameux coronavirus, et pas seulement. Deuxièmement, le fait qu’aujourd’hui on observe une collaboration plus étroite entre les différents médias alternatifs du monde, constitue également une réponse efficace à la mobilisation hostile des élites politico-médiatiques de l’Occident. Enfin, et cela est probablement tout aussi important, le fait que les médias alternatifs internationaux continuent de monter en puissance – tout en ayant des budgets incomparablement plus réduits que ceux du mainstream – en parallèle de la perte de confiance massive vis-à-vis de ce dernier, y compris dans les pays d’appartenance de ce mainstream, constitue la meilleure preuve qui soit que les partisans de la multipolarité prendront le dessus sur les nostalgiques d’une unipolarité et d’un libéralisme révolus.

 Mikhail Gamandiy-Egorov

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