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Washington ne pourra rien opposer à Pékin et Moscou en Afrique

31.03.2023

Au moment des tensions sans précédent entre l’ordre multipolaire international et les nostalgiques de l’unipolarité, le continent africain confirme une fois de plus être l’endroit stratégique dans le cadre de cette opposition. Les récentes manœuvres washingtoniennes en vue de tenter à repositionner l’Occident sur la scène africaine, en s’opposant ouvertement à la Chine et à la Russie, n’y changeront vraisemblablement rien.

Pour comprendre les événements en cours sur le continent africain, y compris dans le cadre de l’affrontement stratégique entre les partisans résolus du monde multipolaire d’un côté et les vestiges de l’unipolarité de l’autre, il faut tout d’abord une fois de plus comprendre que si Washington, en qualité de maître incontesté de l’axe occidental otanesque, tente de prendre un nouvel leadership occidental en Afrique – c’est précisément en raison des échecs totalement évidents de ses sous-traitants, notamment l’Hexagone. Ce dernier faisant face à un effet domino en termes d’échecs répétés, qui n’est d’ailleurs plus à démontrer.

Parallèlement à cela, toutes les tentatives washingtoniennes et occidentales à faire intégrer les nations africaines dans la coalition anti-russe, prétextant l’interprétation purement occidentale des événements ukrainiens, se sont avérées être des échecs également. Tout comme de manière générale toutes les tentatives à nuire au développement des relations russo-africaines.

Dans le cas des relations entre l’Afrique et la Chine – les difficultés de l’axe occidental sont tout aussi prononcées, d’autant plus lorsqu’on sait que la Chine est de bien loin le principal partenaire économico-commercial des nations africaines, avec un volume des échanges de plusieurs fois supérieur à celui de Washington et de ses sous-traitants européens. Et face aux attaques étasuniennes à l’encontre du partenariat sino-africain, Pékin n’hésite plus à remettre fermement les pendules à l’heure vis-à-vis de l’adversaire washingtonien. De manière générale – personne ne pourra évincer la Chine de son interaction avec le continent africain. Absolument personne.

Un autre point très important, qu’Observateur Continental avait abordé dans le passé, plus exactement en juillet 2021 – celui de la complémentarité sino-russe en Afrique. Si à cette période, notre analyse allait pleinement en contradiction avec celle des principaux prétendus experts occidentaux, désormais ils ne font que constater, fort amèrement, cette réalité. Une réalité encore plus renforcée suite à la toute récente visite du président chinois Xi Jinping à Moscou.

Et là aussi c’est loin d’être tout. Washington a aujourd’hui de plus en plus peur de se retrouver isolé face aux initiatives de paix de Pékin, notamment sur le dossier ukrainien. Comme l’écrit Bloomberg – les Etats-Unis craignent qu’un monde fatigué de la guerre n’accepte la proposition de paix de la Chine sur l’Ukraine, jugée inacceptable par l’establishment étasunien. Et plus que cela – que Pékin puisse convaincre une large coalition de pays que c’est précisément Washington qui refuse la paix. Bien qu’il soit nécessaire d’ajouter que c’est déjà l’opinion de la grande partie des peuples du monde.

Et cela comme mentionné précédemment – alors que Washington n’arrive ni à convaincre les Etats africains à se détourner de leurs partenariats avec la Chine, ni à les faire joindre à l’axe de la haine otano-occidentale contre la Russie. En bref – des schémas que ni Washington, ni l’Occident politique dans son ensemble – ne sont en mesure de résoudre. Ni maintenant, ni par la suite.

Enfin et c’est peut-être même le point le plus important. Dans le cadre de l’affrontement de Washington avec Pékin et Moscou, qu’en est-il des Africains et de leurs opinions sur la question? Ici également et pour tout observateur qui connait réellement le continent africain, les sympathies sont très clairement en faveur des partisans de la multipolarité. Et les vaines tentatives washingtoniennes à tenter de se positionner en alternative à ses propres sous-traitants, dont Paris et Londres, ne trompent pratiquement personne à l’échelle africaine.

Certes, Washington et les quelques capitales européennes peuvent encore compter sur un groupe limité de citoyens africains achetés et dévoués à leurs donneurs d’ordre. Mais ces derniers ne peuvent absolument rien opposer de fiable, ni de fort, aux souverainistes et panafricanistes à l’échelle continentale, et même au sein de la diaspora africaine. C’est un fait. D’ailleurs leurs quelques sorties ne font que les ridiculiser eux-mêmes, ainsi que de créer un rejet encore plus puissant vis-à-vis des politiques occidentales.

Et lorsque nous prenons toutes ces données en compte, il devient assez clair que Washington ne sera aucunement en mesure de casser le rythme de la chute occidentale – aussi bien à l’échelle africaine, que plus globalement internationale. En ce qui concerne l’Afrique et comme nous l’avions plusieurs fois souligné dans le passé – le continent sera l’un des principaux pôles du monde multipolaire. D’ailleurs, le président russe l’avait récemment souligné lors de l’ouverture de la Conférence parlementaire internationale Afrique-Russie, dans la capitale russe.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Hydrocarbures russes et les nouveaux mauvais calculs de l’Occident

29.03.2023

Les dernières statistiques en matière d’exportations d’hydrocarbures par la Russie démontrent largement que les plans occidentaux à travers les sanctions unilatérales visant Moscou ne fonctionnent pas. Confirmant une fois encore que le monde dans sa globalité, c’est beaucoup plus qu’un espace représentant une évidente minorité mondiale.

« Hydrocarbures. La Russie dope ses chiffres en dehors de l’Europe », écrit le site marocain Infomédiaire, en indiquant que suite aux sanctions imposées par certains pays de l’UE, la Russie s’est tournée vers d’autres marchés pour écouler sa production d’hydrocarbures. Ainsi – le diesel et le gasoil russes ont trouvé preneurs en Afrique, Asie et au Moyen-Orient.

Selon les données de Refinitiv (entreprise américano-britannique, fournisseur de données et d’infrastructures sur les marchés financiers, ndlr), les exportations de diesel et gasoil russes à la destination de la Türkiye ont dépassé 1,2 million de tonnes en ce mois de mars. Représentant par la même occasion un record en comparaison au mois précédent (0,8 million de tonnes).

Par ailleurs et toujours selon les données pour la période concernée – près de 200 000 tonnes de diesel russe ont été expédiées vers la Libye, environ 165 000 tonnes vers l’Algérie et 100 000 tonnes vers la Tunisie. Cette dernière ayant déjà importé un volume record de gasoil russe au cours du mois de février. Les autres importateurs importants au niveau africain étant le Maroc, le Nigéria, le Ghana ou encore le Sénégal.

Du côté de l’Amérique latine – 300 000 tonnes de diesel ont transité en ce mois de mars par le Brésil depuis des ports maritimes russes (en février le volume était de 250 000 tonnes). Et du côté du Moyen-Orient : la Russie avait envoyé pas moins de 450 000 tonnes de diesel vers l’Arabie saoudite le mois dernier et environ 200 000 tonnes devraient arriver aux Emirats arabes unis ce mois-ci.

Les exportations russes sont en passe d’atteindre un record ce mois-ci (depuis 2016…), et ce malgré les sanctions de l’Union européenne privant le pays de son plus grand marché, écrit de son côté Bloomberg. Ajoutant que les expéditions d’hydrocarbures russes de mars ont atteint en moyenne environ 1,5 million de barils par jour et que des pays comme la Turquie, le Maroc, ainsi que d’autres ont effectivement intensifié leurs achats.

Le constat est une nouvelle fois relativement simple : le business international et plus généralement le monde tout simplement ne tournent pas autour de l’espace occidental, bien que ce dernier se pensait être irremplaçable. Les faits cités ne représentent que quelques exemples supplémentaires à ce qu’Observateur Continental affirmait depuis plusieurs années.

Pour autant les élites occidentales sont-elles à ce point incompétentes à ne pas avoir prévu que leurs fameuses sanctions unilatérales et illégales tomberaient rapidement ou dans certains cas progressivement à l’eau ? L’incompétence fait évidemment partie des caractéristiques qui devraient leur être attribuées. Néanmoins, l’arrogance extrême les caractérisant y est aussi pour beaucoup. Car l’Occident politique était au départ effectivement convaincu que le monde entier ou presque allait suivre ses ordres et se conformer à la ligne de l’axe russophobe otanesque stipulant l’isolation immédiate de la Russie.

Cela n’a pas marché. A dire vrai les Occidentaux ont vraisemblablement énormément sous-estimé la force de l’ère multipolaire, préférant se berner dans leurs illusions que ce n’est qu’un projet qui prendra du temps à se réaliser. Et n’ayant pas compris que l’ordre multipolaire est déjà une réalité depuis plusieurs années et qu’à travers leurs propres actes – n’ont fait qu’accélérer maintenant l’avènement d’un monde multipolaire post-occidental. Non pas que l’objectif des partisans de la multipolarité était d’exclure complètement le petit espace occidental du reste de l’humanité, mais c’est un chemin que l’establishment occidental s’est choisi soi-même.

Quant à l’échec de la politique des sanctions unilatérales et au fait que dans le commerce international contemporain – le monde ne tourne pas sur l’Occident – cela constitue les autres orientations qu’Observateur Continental avait abordé des mois auparavant.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Xi Jinping en Russie et l’ordre mondial contemporain

25.03.2023

Pendant que les élites occidentales continuent de déchanter suite aux résultats de la visite du président chinois en Russie, du côté de la seule et véritable communauté internationale – l’heure est résolument à l’optimisme. Cette évidence confirme de-facto une énième fois l’impuissance des nostalgiques de l’unipolarité.

Si le récente visite officielle du président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, en Fédération de Russie avait une importance stratégique pour l’alliance sino-russe qui prend désormais effectivement un nouvel envol, pour la majorité du reste de la communauté internationale elle était également synonyme d’un grand espoir pour la suite du monde multipolaire. Evidemment, cet enthousiasme était loin d’être partagé par les nostalgiques de l’unipolarité, mais cela est désormais complètement secondaire, pour ne pas dire plus.

En ce sens, les principaux médias chinois ont consacré plusieurs comptes-rendus en lien avec la première visite officielle à l’étranger du chef d’Etat de la RPC suite à la confirmation récente de son troisième mandat présidentiel, représentant une première dans l’histoire de la Chine par la même occasion.

Ainsi, si la télévision internationale de Chine CGTN questionné les habitants de la capitale chinoise sur l’importance de la visite de Xi Jinping en Russie, l’agence de presse Xinhua réalisé une synthèse sur la valeur stratégique de ce voyage et des pourparlers au Kremlin entre les présidents chinois et russe.

Comme le note justement Xinhua – la communauté internationale a salué la visite de Xi Jinping à Moscou, décrivant ce voyage d’amitié, de coopération et de paix comme une étape historique. Sous la direction stratégique de MM. Xi et Poutine, la Chine et la Russie ont enrichi leur partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle et approfondi leur coopération pragmatique dans divers secteurs, apportant davantage de bénéfices aux peuples des deux pays, selon les observateurs internationaux.

Ces observateurs internationaux se sont également dits convaincus que cette visite contribuerait à améliorer la gouvernance mondiale, promouvrait la construction d’une communauté de destin pour l’humanité et ferait avancer la cause du progrès humain. Parmi les experts interrogés par Xinhua, on retrouve notamment l’ancien ministre bolivien des Affaires étrangères, Fernando Huanacuni – pour qui face à la montée de l’hégémonisme et de l’unilatéralisme, la visite de M. Xi a injecté davantage d’éléments de stabilité et de certitude dans le monde actuel. Les relations sino-russes ont donné un exemple pour les relations entre les grands pays et inspiré les pays d’Amérique latine en quête de coopération, affirme Fernando Huanacuni.

Pour Serik Korzhumbaïev, rédacteur en chef du journal Delovoy Kazakhstan (Le Kazakhstan d’affaires) – ces dernières années, les chefs d’Etat des deux pays sont restés en contact étroit de diverses manières, élaborant des plans pour les relations sino-russes. Selon lui, les relations bilatérales russo-chinoises sont devenues plus globales, pragmatiques et stratégiques.

De son côté, le sociologue argentin Marcelo Rodriguez considère «que nous sommes à un tournant de l’histoire de l’humanité et les relations sino-russes génèrent un nouveau paradigme pour ce que les relations internationales doivent être».

Abdullah al Faraj, expert des relations sino-russes au Centre de recherche et de connaissances en intercommunication, un groupe de réflexion basé à Riyad, la capitale saoudienne – «les relations sino-russes sont caractérisées par l’égalité et le respect mutuel, et la vision incarnée dans leurs relations gagne de plus en plus de soutien international».

Il est évidemment très important également d’attirer l’attention sur le commentaire accordé à la presse du ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang (ex-ambassadeur de Chine à Washington, où il était en poste jusqu’à fin décembre dernier), qui affirme que la visite de Xi Jinping en Russie – peut être largement considérée comme un événement majeur, doté d’une grande portée géopolitique.

Comme le note l’actuel chef de la diplomatie chinoise – la Chine et la Russie doivent travailler ensemble pour orienter et faire avancer la gouvernance mondiale dans une direction capable de répondre aux attentes de la communauté internationale et pour promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.

Pour lui – la principale contradiction du monde d’aujourd’hui n’est pas la prétendue opposition entre «démocratie et autocratie» mise en avant par un petit groupe de pays, mais une lutte entre le développement et l’endiguement du développement, entre la justice mondiale et les politiques de puissance, et face à la montée de l’unilatéralisme et de l’hégémonisme, il était plus nécessaire que jamais pour la Chine et la Russie de consolider et de renforcer leur coordination stratégique.

Qin Gang a également indiqué que les deux pays s’engageaient à promouvoir un monde multipolaire et une plus grande démocratie dans les relations internationales. Et que cela répond aux exigences de maintien de l’équité et de la justice internationales, est propice à la construction d’une communauté de destin pour l’humanité, représente la bonne direction du progrès et du développement de l’histoire, et dépasse le cadre des relations bilatérales pour acquérir une importance mondiale. Le haut niveau de confiance mutuelle qui règne entre les deux chefs d’Etat permet de fournir une orientation stratégique et des garanties politiques solides au partenariat de coordination stratégique global sino-russe à l’ère nouvelle.

Pour parler maintenant des perspectives, il est aujourd’hui effectivement évident que l’ère multipolaire se renforce considérablement avec le soutien affirmé de la majorité des peuples planétaires. Pendant ce temps, le petit groupe de pays pour reprendre l’expression du ministre chinois des Affaires étrangères, s’enfonce chaque jour un peu plus. Le ridicule est tel que les instruments propagandistes de l’extrême minorité planétaire occidentale poursuivent la fameuse rhétorique des sanctions et d’isolation vis-à-vis de ses adversaires.

Fait fortement intéressant: si la première visite officielle à l’étranger de Xi Jinping après avoir été reconduit à la tête de la République populaire de Chine représente bien évidemment celle du chef d’Etat de la première puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat, mais également démographique, il est à noter que tout récemment se trouvaient également à Moscou les délégations parlementaires de 40 pays africains pour les travaux de la deuxième Conférence parlementaire Russie-Afrique, représentant toutes les régions du grand continent africain. Pour rappel, la population de la Chine dépasse 1,4 milliards d’habitants. La population actuelle du continent africain – dépasse également 1,4 milliards d’habitants. Juste pour rappel.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Afrique: les USA tentent ouvertement de prendre le leadership occidental sur le continent

17.03.2023

Face aux multiples échecs des Occidentaux sur le continent africain, Paris en tête, l’establishment washingtonien tente par tous les moyens de maintenir l’influence occidentale en terre stratégique africaine. Et par la même occasion se bat pour réduire l’influence de Pékin et de Moscou sur le continent.

Les élites occidentales mettent le plein d’efforts en vue de tenter à se repositionner en Afrique. Si du côté de Paris et malgré toutes les tentatives récentes de sauver ce qui est encore possible à sauver, le constat va clairement dans le sens d’un échec évident, aujourd’hui le maître de l’axe occidental-otanesque en la qualité de Washington tente de son côté à prendre la relève et barrer la route à l’axe sino-russe et celui de la multipolarité.

Ainsi, le chef de la diplomatie US Blinken est de nouveau en tournée en Afrique. Il a visité d’abord l’Ethiopie, pays qui était pourtant encore récemment sous la déstabilisation ouverte et assumée de l’Occident, où il a annoncé «une nouvelle aide humanitaire» de 331 millions de dollars.

Le choix de l’Ethiopie n’étant pas un hasard car le pays est stratégique à plusieurs égards. Deuxième en termes démographique à l’échelle continentale africaine avec plus de 120 millions d’habitants, l’un des principaux partenaires de Pékin et de Moscou en Afrique, sans oublier que le siège de l’Union africaine se trouve précisément dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba.

Après l’Ethiopie, Blinken sera au Niger. Le choix du Niger n’est certainement pas un hasard non plus car Niamey étant toujours orienté sur l’axe occidental, notamment sur l’Hexagone, à l’heure du large rejet de ce dernier dans plusieurs pays africains.

Mais les relations politiques ne sont certainement pas la seule raison. Le pays riche en ressources naturelles, mais dont profite bien peu la population locale – fait partie des principaux fournisseurs de l’Europe en uranium naturel, avec le Kazakhstan et la Russie. A l’heure où les structures occidentales s’alarment que des pays comme la France restent dépendants dans le domaine nucléaire vis-à-vis de Moscou.

Perdre ainsi un autre allié qui est un fournisseur de taille d’une matière stratégique serait synonyme de catastrophe pour les Occidentaux, d’autant plus qu’ils savent parfaitement qu’une large partie de la société civile nigérienne partage les convictions panafricanistes et souverainistes de ses camarades maliens, burkinabés et d’autres populations africaines.

Et cela d’ailleurs confirme également les prévisions d’Observateur Continental que les ressources naturelles stratégiques représenteront la clé du monde multipolaire post-occidental. A l’heure où il est devenu totalement évident que malgré toutes les belles paroles de l’establishment occidental quant au succès des économies néolibérales – sans l’accès aux ressources naturelles des nations non-occidentales – cet Occident est bel et bien condamné soit à de bien grandes difficultés économiques et industrielles, soit à la catastrophe pure et simple.

Une autre option qui fait trembler à ce titre l’establishment occidental est celle lorsque les pays possédant justement ces ressources naturelles stratégiques, dont nombreux se trouvent précisément en Eurasie et en Afrique, imposeront leur propre mécanisme de régulation des prix sur le marché international, indépendamment des «centres» existant en Occident, ces derniers n’ayant par la même occasion aucun lien avec la propriété sur les dites ressources naturelles.

Il suffira après de créer les mécanismes nécessaires en vue de travailler conjointement pour les pays non-occidentaux sur la transformation des matières premières et c’est ainsi que les nouveaux rapports de force sur ce sujet d’importance effectivement stratégique s’imposeront.

Pour revenir donc à l’énième tournée de Blinken sur le continent africain, il serait aussi important de dire à quel point l’Afrique est importante pour les élites occidentales, qui se battent aujourd’hui de manière ouverte, et habituellement arrogante, pour sauver leurs fameux vestiges de l’unipolarité et écarter au plus tard possible leur chute déjà attendue. Mais bien que Washington tente de modifier les rapports de force sur le continent africain, à l’heure des échecs évidents de ses sous-traitants en la qualité des régimes européistes, il est peu probable que cela aura une influence notable sur la suite des événements.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Les BRICS dépassent le G7 et les nouvelles opportunités pour les pays du Sud

14.03.2023

Les principales puissances non-occidentales s’affirment de jour en jour, y compris économiquement. Et commencent à prendre progressivement le dessus sur le bloc occidental, ne faisant que confirmer les nombreuses prévisions des dernières années.

A l’issue de 2022, l’association des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a dépassé le club du G7 (composé des Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Allemagne, France, Italie, Japon) en termes de PIB combiné, écrit le portail indien The Eastern Herald. Ainsi, dans l’économie mondiale les BRICS avaient désormais une part de 31,5% contre 30,7% pour le G7.

Cette réalité confirme les nombreuses prévisions datant d’il y a plusieurs années et démontre que le bloc des BRICS pèse désormais pratiquement d’1/3 sur le PIB mondial. Et non plus d’1/4 comme cela était le cas dans un passé pas du tout lointain. Le tout à l’heure où les pays membres du bloc augmentent les actions en vue d’obtenir la pleine indépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux, comme Observateur Continental l’avait récemment rappelé

Une autre analyse intéressante vient quant à elle de l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian qui soulève la question du comment les pays du Sud global peuvent échapper à la mainmise du dollar étasunien, écrit par Nontobeka Hlela, qui collabore avec l’Institut de recherche sociale Tricontinental et est détachée au bureau du conseiller à la sécurité nationale de l’Afrique du Sud en qualité de chercheuse.

L’analyste sud-africaine rappelle à juste titre que le dollar US depuis qu’il était devenu la monnaie de réserve internationale, cela a permis aux Etats-Unis de contrôler les marchés financiers et d’imprimer de l’argent comme bon leur semble. Cette réalité avait donné aux USA un pouvoir mondial extraordinaire et, avec la structure de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) et du Conseil de sécurité des Nations unies, cela signifie que bien qu’il existe des Etats dits démocratiques, il n’existe en réalité pas de démocratie des Etats.

Toujours selon elle – au fil des années, on a souvent soutenu que la construction d’un monde plus équitable exige, entre autres mesures, la démocratisation du système financier mondial. Et à cet effet – cela nécessiterait, au même titre qu’avec d’autres mesures, de s’éloigner du dollar comme principale monnaie de réserve mondiale.

Il y a eu selon Nontobeka Hlela des propositions justement pour rompre avec l’emprise du dollar. Et ces projets visant à lutter contre cette emprise sur les économies des pays du Sud se trouvaient au cœur des motivations étasuniennes à chasser Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye.

Aujourd’hui, de nouvelles tentatives visant à contourner le quasi-monopole du dollar en tant que principale monnaie du commerce international ont vu le jour. L’analyste sud-africaine cite la décision de l’Arabie saoudite d’accepter d’autres devises en échange de son pétrole – faisant référence au yuan chinois. Mais pour elle la question de l’abandon du dollar a été soudainement intensifiée par le conflit en Ukraine.

Rappelant que suite au gel des avoirs de la Russie par l’Occident et à son expulsion du système bancaire international SWIFT, Moscou a répondu en exigeant le paiement des livraisons de son gaz dans sa propre monnaie – le rouble russe. Cela a été une démonstration claire que le commerce international peut être effectué sans en dépendre du dollar étasunien. Toujours selon elle le développement rapide des possibilités de commerce international sans la médiation du dollar représente un moment important pour les pays du Sud global, qui se sont longtemps retrouvés considérés comme des Etats vassaux des Etats-Unis en particulier, et de l’Occident de manière générale.

Ces relations avec l’Occident sont d’ailleurs devenues si grossières que, comme nous l’avons vu récemment en Afghanistan où Washington s’est approprié 9,5 milliards de dollars de la Banque centrale afghane – cela n’a fait que confirmer que les réserves en dollars d’autres pays détenues à la banque centrale étasunienne ne sont pas sécurisées.

Plus généralement parlant, l’experte sud-africaine rappelle également qu’il s’agit d’un processus de longue date, où les USA cherchent à isoler économiquement et à sanctionner les Etats qu’ils perçoivent comme une menace pour leur pouvoir. Et ce – depuis la révolution haïtienne contre l’esclavage en 1804 ou encore au cours du XXème siècle, notamment avec l’assassinat par la CIA du président chilien Salvador Allende.

Quant à la guerre économique déclenchée par l’Occident contre la Russie, y compris le gel de ses réserves libellées en dollars, cela a largement prouvé qu’aucun pays qui va à l’encontre des USA ne pourra se sentir en sécurité. Et cela devrait être un signal d’alarme urgent pour les pays du Sud afin de se lancer pleinement dans un système financier alternatif qui ne dépende pas du dollar étasunien.

L’analyste sud-africaine rappelle elle aussi encore une fois que le PIB combiné des pays BRICS est désormais supérieur à celui du groupe G7. Et que les nations BRICS peuvent très certainement trouver une meilleure façon de travailler ensemble afin de construire un système financier qui ne soit pas sous contrôle des USA, ces derniers ayant continuellement bloqué les tentatives de développer de nouvelles règles plus justes pour le commerce mondial.

Pour Nontobeko Hlela, les BRICS doivent également renforcer leurs institutions et celles de la Nouvelle banque de développement afin qu’elle puise être ce point d’ancrage qui crée et soutient un système alternatif pour les pays du Sud. Enfin, l’experte sud-africaine rappelle que l’ordre mondial construit par les Occidentaux (communément appelé l’unipolarité) – correspond effectivement à la description de néocolonial. Et que cet ordre ne fonctionne pas pour les pays du Sud. Tout en insistant que le système plus multilatéral de gouvernance mondiale concerne non pas seulement l’aspect économique de la question, mais également politique.

Pour conclure, il devient aujourd’hui évident que quelle que soit l’entêtement des élites occidentales qui continuent de faire référence à «un ordre mondial basé sur des règles» (occidentales), un ordre représenté désormais par les vestiges de l’unipolarité – au sein des principales puissances mondiales non-occidentales et plus généralement dans les pays justement du Sud global, représentant ensemble l’écrasante majorité de l’humanité – il sera complètement inacceptable de vivre selon les prétendues règles d’une extrême minorité planétaire. Une minorité bien souvent ne représentant même pas ses propres populations.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Le soutien international en faveur de la Russie augmente (étude britannique)

09.03.2023

Depuis le lancement de l’opération militaire spéciale, le soutien plus ou moins affiché à la Russie à divers endroits du monde grandit. Cela concerne également les pays adoptant une position neutre et qui refusent eux-aussi à se joindre à l’axe anti-russe promu par l’Occident. C’est ce qu’il ressort de l’analyse d’un célèbre cabinet britannique.

L’analyse de l’équipe globale de prévision de l’Economist Intelligence Unit (EIU), cabinet britannique appartenant à The Economist Group, qui offre des prévisions et des services de conseil à ses clients au niveau international, montre qu’un nombre croissant de pays se rangent aujourd’hui du côté de la Russie.

Ce que note ladite analyste occidentale, c’est que depuis l’année dernière la situation n’a pas beaucoup changé pour les pays occidentaux et pro-occidentaux. Un bloc qui selon EIU représente environ 36% de la population mondiale. Le nombre de pays neutres est quant à lui passé de 26 à 35 (représentant désormais près de 31% de la population mondiale). Les analystes du cabinet britannique indiquent que certains pays qui étaient précédemment alignés sur l’Occident, dont la Colombie, la Turquie et le Qatar – sont ainsi entrés dans cette catégorie de pays neutres, au moment où leurs gouvernements cherchent à tirer des avantages économiques dans le cadre de l’engagement avec les deux parties. Cependant, la Russie et la Chine font monter les enchères en «recrutant» selon les termes employés par l’étude occidentale les pays non-alignés et neutres, en leur faveur.

Ainsi, pour Agathe Demarais, directrice générale de la prévision chez EIU, «la Russie et la Chine courtisent les pays neutres non-alignés dans le but de semer le doute sur les effets des sanctions visant la Russie et de tirer parti du ressentiment contre les anciennes puissances coloniales. Nous pensons que les deux pays intensifieront ces efforts dans les années à venir, posant des défis croissants aux démocraties et à la diplomatie occidentales, qui n’ont pas encore saisi toute l’ampleur de ce défi».

Aussi, ladite étude mentionne que le plus grand changement de position a été parmi les pays qui penchent vers la Russie: leur nombre est passé de 25 à 36. La Chine reste le pays le plus important dans cette catégorie, mais d’autres pays en développement (notamment l’Afrique du Sud, le Mali et le Burkina Faso) ont également évolué dans ce groupe, qui représente 33% de la population mondiale. Ces tendances mettant en évidence l’influence croissante de la Russie en Afrique, indique EIU.

Maintenant intéressons-nous encore de plus près à cette étude. En effet, EIU a divisé les pays du monde en cinq groupes: ceux qui condamnent la Russie, ceux qui penchent vers l’Occident, les pays neutres, ceux qui penchent vers la Russie, et ceux qui apportent un soutien officiel et déclaré à la Russie. A notre niveau, rappelons également que nombre de régimes occidentaux avaient plusieurs fois martelé que ceux qui adoptent une position neutre sur le dossier ukrainien, apportent également un soutien à la Russie, car ne la condamnent pas et ne se joignent pas aux sanctions occidentales à l’encontre de Moscou.

En termes donc de poids économique sur le PIB mondial, les régimes qui condamnent la Russie représentent 60,1%, les pays penchant vers l’Occident – 7,8%, les pays neutres – 12%, les pays penchant vers la Russie – 16,8%, et ceux soutenant très ouvertement Moscou – 3,3%. Si l’on doit donc faire la somme des trois groupes qui ne font pas partie de la coalition occidentale anti-russe (soutiens déclarés à la Russie, penchant vers la Russie et neutres), nous obtenons un total de 32,1% du PIB mondial – correspondant plus ou moins au poids économique international actuel des puissances émergentes non-occidentales, notamment les BRICS.

Sur le plan démographique, EIU indique que les pays condamnant la Russie représentent 15,2% de la population mondiale, ceux penchant vers l’Occident – 20,7%, ceux adoptant la neutralité – 30,8%, ceux penchant vers la Russie – 27,8%, et ceux soutenant officiellement la Russie – 5,5%. Ce qui revient à dire que le pourcentage total de la population mondiale qui n’adhère pas à la coalition russophobe occidentale représente au total : 64,1% de la population terrestre.

Quant aux principales évolutions de positions des Etats depuis l’année dernière auxquelles fait également référence l’Economist Intelligence Unit, il s’agit des points suivants. La Colombie, la Turquie et le Qatar sont passés du statut penchant vers l’Occident à neutre. La Bolivie, l’Afrique du Sud et l’Ouganda – de la neutralité à penchant vers la Russie. L’Iran, le Mali et le Burkina Faso – de penchant vers la Russie à un soutien déclaré en faveur de Moscou. Le seul pays mentionné ayant évolué dans le sens contraire, en faveur donc des thèses occidentales, étant le Bangladesh – du statut neutre à penchant vers l’Occident.

Maintenant permettons-nous quelques commentaires. Tout d’abord, il est évident que le ton choisi par les analystes d’EIU est résolument amer. Constatant que cela représente un défi pour les prétendues démocraties occidentales. Comme si la notion même de démocratie était une propriété exclusive de l’Occident. Et comme si l’Occident, et plus particulièrement l’establishment otanesque, avait une quelconque légitimité à pouvoir ne serait-ce que mentionner le mot de démocratie.

D’autre part, ce qui est tout de même fort révélateur – c’est le fait qu’encore une fois le minimum d’objectivité et la constatation d’un certain nombre de faits ressortent plus souvent de l’axe anglo-étasunien, qui tout en étant de loin le principal adversaire à l’alliance sino-russe et plus généralement à l’axe de la multipolarité, possède une capacité d’analyse résolument meilleure que les régimes ayant totalement perdu leur indépendance en faveur justement de cet axe anglo-saxon, notamment l’Hexagone ou le régime allemand.

Enfin, il faut tout de même rappeler que ladite étude reste une étude occidentale, qui tout en admettant un certain nombre de faits devenus impossibles à faire voiler – «oublie» de prendre en compte le poids du soutien de nombreuses sociétés civiles en faveur de la Russie et de l’ordre multipolaire international, à divers endroits de la planète – y compris dans des pays qui restent sous la coupe occidentale. Et là, il est très fort probable que le soutien en faveur de la Russie, et donc de tous les partisans de la multipolarité, sera bien au-dessus des 64,1% de la population mondiale, comme le prétend l’EIU.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Economie britannique: pas glorieuses les prévisions

07.03.2023

L’économie du Royaume-Uni devrait être la seule grande économie à se contracter en 2023. Mais au-delà de cet aspect, ce qui choque les observateurs britanniques c’est le fait que les prévisions pour le principal adversaire reconnu de Londres – la Russie – soient largement plus optimistes, et ce malgré les innombrables sanctions occidentales la visant.

Vraisemblablement, l’heure n’est pas à l’optimisme du côté occidental, économiquement parlant. Dans le cas plus particulier du Royaume-Uni, en passant l’une des principales forces de soutien aux vestiges de l’unipolarité aux côtés de Washington, il est à noter que son économie va se contracter et se comporter moins bien que d’autres économies dites avancées, y compris celle de la Russie, et ce alors que le coût de la vie continue de frapper les ménages – écrit la BBC, citant le Fonds monétaire international (FMI).

Ainsi et selon effectivement le FMI – l’économie britannique se contracterait de 0,6% en cette année 2023, plutôt que de croître légèrement comme prévu précédemment. Toujours selon lui, la revue à la baisse de ses prévisions pour le Royaume-Uni est due à ses prix élevés de l’énergie, la hausse des coûts hypothécaires, l’augmentation des impôts, ainsi que la pénurie persistante de travailleurs. La BBC rappelle amèrement également que le Royaume-Uni sera effectivement le seul pays à subir la contraction cette année, parmi toutes les économies dites avancées et émergentes. Et que même la Russie frappée par des sanctions devrait connaître une croissance cette année. Des sanctions qui se comptent par milliers de positions, il faut bien le préciser.

Toujours dans le même article, il est rappelé que si l’économie d’un pays se contracte – cela signifie généralement que les entreprises gagnent moins d’argent et que le nombre de chômeurs augmente. Un autre rappel concerne quant à lui l’inflation, à savoir le rythme auquel les prix augmentent, et dans le cas britannique cela reste proche de son plus haut niveau depuis les 40 dernières années. Rien que cela. Les prévisions du FMI pour cette année vis-à-vis de la perfide Albion reflétaient sa forte dépendance au gaz naturel liquide coûteux, ce qui fait grimper le coût de la vie.

Globalement parlant, ce sont les thèses générales de l’article, bien que la BBC tente d’être rassurante, en rappelant que les prévisions du FMI, bien qu’étant celles de l’institution de référence en la matière, restent des prévisions. Après tout – l’espoir fait vivre.

Evidemment, le porte-voix de la propagande britannique à l’international, n’insiste pas trop dans son article sur le fait que le principal adversaire pour Londres sur la scène internationale, en l’occurrence la Russie, le pays aujourd’hui le plus sanctionné à l’échelle mondiale et qui devait économiquement parlant être à genoux selon les instigateurs de l’Occident – aura en 2024 (toujours selon les prévisions du FMI) une croissance supérieure non seulement face au Royaume-Uni, mais également par rapport à toutes les principales économies occidentales, comme le montre le tableau de l’article  de la BBC.

Selon donc le Fonds monétaire international, loin pourtant d’être un ami de la Russie et plus généralement des pays BRICS, en 2024 l’Etat russe devrait connaître une croissance supérieure à celle du Royaume-Uni, de l’Allemagne, la France, l’Italie, le Canada, rajoutons-y également le Japon qui se trouve sous la coupe occidentale, et même des Etats-Unis. Parmi les pays mentionnés, seule la Chine sera devant la Russie en termes de croissance. Pour rappel, la première puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat, alliée de la Russie et également avec elle l’une des principales promotrices de l’ordre multipolaire international.

De manière générale, la dure constatation de la réalité par les éléments occidentaux ne fait que confirmer l’analyse récente d’Observateur Continental qui citait Xu Poling, expert chinois, directeur-adjoint du Centre de recherche sur l’économie et la politique des pays en transition de l’Université de Liaoning, pour qui les succès économiques de la Russie ont dépassé toutes les attentes.

Mais au-delà de la sagesse chinoise et de l’amère réalité pour l’Occident, la principale question à se poser reste la suivante: comment des régimes prétendant au leadership mondial et adorateurs résolus de sanctions à l’encontre de leurs adversaires géopolitiques et de tout Etat réellement souverain et indépendant – se retrouvent à être dans une situation aussi embarrassante face à ceux qu’ils comptaient punir et mettre à genoux. A ce sujet, il y a presque un siècle, Robert Minor, célèbre dessinateur de presse, journaliste politique et membre important du Parti communiste américain avait réalisé un dessin qui retrouve toute son actualité à l’heure actuelle.

Robert Minor avait-il tout prévu en 1925? Quoi qu’il en soit – l’establishment atlantiste occidental devra effectivement apprendre à connaître sa véritable place dans le monde contemporain. Un monde multipolaire et qui sera inévitablement post-occidental.

Mikhail Gamandiy-Egorov

L’énième impuissance occidentale face aux relations Afrique-Russie

26.01.2023

La nouvelle tournée actuelle du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov sur le continent africain confirme d’une part l’importance des liens stratégiques qui existent entre les nombreux pays d’Afrique avec la Russie. Et de l’autre, ne fait que rappeler que l’Occident ne peut opposer grand-chose pour nuire à ces relations.

Malgré l’hystérie ultra-active du côté des régimes occidentaux vis-à-vis des liens qui unissent Moscou aux nombreuses capitales africaines, et ce dans divers domaines, rien ne semble pouvoir stopper jusqu’à présent les liens en question. Ni les innombrables pressions, menaces et intimidations, ni les promesses de pouvoir prétendument «faire mieux» que Moscou et Pékin.

La première étape de cette nouvelle tournée africaine de Sergueï Lavrov a eu lieu en Afrique du Sud – l’un des principaux partenaires de la Russie sur le continent africain, par ailleurs l’une des principales puissances continentales et membre des BRICS. Et qui d’ailleurs n’a pas manqué de susciter l’amère réaction du côté des principaux instruments propagandistes occidentaux. A l’instar du journal hexagonal Le Monde qui note que la visite de Sergueï Lavrov en Afrique du Sud rappelle la proximité entre Moscou et Pretoria, tout en reconnaissant que les autorités sud-africaines ont récemment confirmé la tenue d’exercices militaires conjoints avec les marines russe et chinoise au large de Durban.

Outre l’Afrique du Sud, les autres pays concernés par la tournée du chef de la diplomatie russe étant l’Eswatini, l’Angola et le Botswana. Quant à début février, Sergueï Lavrov se rendra cette fois-ci en Afrique du Nord, avec des visites au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie. A noter qu’avec le Maroc de nouvelles pages fortement intéressantes sont en train de s’ouvrir dans le cadre bilatéral des relations.

Dans le domaine de la coopération énergétique – le Maroc était d’ailleurs récemment cité comme l’une des principales destinations des livraisons de produits pétroliers russes à l’échelle africaine et internationale. Selon les données citées, le Royaume a importé 735.000 tonnes de diesel en provenance de Russie en 2022 (contre 66 000 en 2021), et depuis le début de 2023 – déjà près de 140.000 tonnes.

Pour revenir à la tournée africaine de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères n’a pas manqué de rappeler depuis la capitale d’Eswatini – Mbabane – que s’il y a un bien pays qui s’immisce dans les affaires intérieures des nations africaines – c’est bien la France.

Répondant ainsi aux déclarations du régime hexagonal prétendant que c’est «la Russie qui est derrière la récente décision des autorités du Burkina Faso d’exiger le départ des troupes françaises du pays». Une décision pour rappel du Burkina Faso accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par la société civile burkinabè et panafricaine.

De manière générale, les liens unissant Moscou à ses alliés et partenaires stratégiques africains continuent de faire preuve non seulement d’un solide maintien, mais bel et bien d’un renforcement à plusieurs niveaux, y compris dans de nouveaux domaines d’interaction qui s’ouvrent aujourd’hui. Cela ne fait d’ailleurs que confirmer ce qu’Observateur Continental avait analysé dans un passé récent, à savoir l’impuissance des régimes occidentaux à nuire aux relations russo-africaines.

Et avec la complémentarité sino-russe à l’échelle internationale, y compris africaine – les diverses sorties et gesticulations des représentants de l’establishment atlantiste ne font qu’augmenter fort considérablement le rejet de la politique occidentale parmi les citoyens africains et par la même occasion accélérer les processus en cours – propres à l’ère multipolaire contemporaine.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Le saut stratégique vu de Turquie

13.01.2023

Les principaux analystes turcs considèrent que tous les empires ayant tenté de faire asseoir une domination sans partage sur les affaires internationales ont au final toujours subi des échecs, faisant le parallèle direct avec le cas contemporain des Etats-Unis. Cette analyse confirme une fois de plus une vision géopolitique particulière de la Turquie, ainsi que le rôle qu’elle entrevoit pour elle-même dans les relations mondiales.

Bercan Tutar, analyste turc dans son récent article Stratejik sıçrama (Le saut stratégique) pour le quotidien Sabah (l’un des trois principaux en Turquie) décrit les bouleversements stratégiques internationaux, en mettant l’accent sur la position des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine et de la Turquie.

L’auteur de l’article rappelle que toutes les tentatives des Etats impériaux, anciens ou nouveaux, ayant cherché à devenir les seuls maîtres du monde – se sont toujours soldées par des échecs. Pour Bercan Tutar, le dernier exemple étant la défaite de la politique de «la Nouvelle Rome», que les Etats-Unis ont tenté à mettre en œuvre sous prétexte de « guerre contre le terrorisme » après les attentats du 11 septembre 2001. L’échec des USA à devenir le seul hégémon mondial a d’ailleurs selon lui paradoxalement conduit vers une fin progressive du chaos dans de nombreuses régions du monde, en particulier au Moyen-Orient, où un certain équilibre a été rétabli.

Ces processus ont ainsi permis à des pays comme la Russie, la Chine et la Turquie – à maximiser leur influence respective dans différentes parties du monde. Et après que Washington ait défini son objectif principal de stratégie de sécurité nationale dans les nouveaux processus en cours à combattre des acteurs mondiaux comme la Russie et la Chine, à la place de la guerre contre le terrorisme, le visage du Moyen-Orient a commencé rapidement à se transformer.

L’un des pays qui a le plus profité de cette nouvelle transformation et qui a élargi sa sphère d’influence a été la Turquie. L’Etat turc ayant été capable de lire le cours des processus mondiaux, a ainsi pu devenir un important acteur régional et même international. Un peu plus loin dans le même article, l’auteur décrit le rôle central de la Turquie aussi bien vis-à-vis de l’Occident, avec lequel Ankara partage l’appartenance à l’Otan, mais également avec la Russie avec laquelle la Turquie possède de nombreux projets et orientations stratégiques.

Bercan Tutar fait notamment référence au projet conjoint avec Moscou de faire de la Turquie le principal hub pour l’énergie russe, ainsi qu’aux contacts bilatéraux étroits sur les questions du Moyen-Orient et de nombreux autres sujets stratégiques. L’auteur parle également de la Chine et rappelle que son pays représente un corridor sûr aux yeux de Pékin, dans le cadre du grand projet international chinois de la Ceinture et la Route.

Maintenant et en termes de perspectives suite à cet article, il serait juste de rappeler plusieurs faits que nous avons déjà abordé dans le passé. La Turquie se positionne effectivement comme un Etat ayant la particularité d’être un membre du bloc otanesque (dont pour rappel elle représente la deuxième force en termes d’effectif armé), tout en refusant obstinément à suivre aveuglement l’hystérie anti-russe et anti-chinoise de l’establishment occidental. Tirant ainsi profit de cette capacité assez unique à défendre et promouvoir ses intérêts avec toutes les parties.

A ce titre, et étant probablement le seul pays réellement souverain du bloc atlantiste vis-à-vis de Washington, la Turquie est effectivement devenue un acteur incontournable non plus seulement dans de nombreuses affaires régionales, mais de plus en plus à l’international. Ses relations stratégiques dans de nombreux domaines avec la Russie, la Chine, l’Iran et d’autres grandes puissances non-occidentales y ont d’ailleurs beaucoup contribué. En faisant la sourde oreille à la colère de ses partenaires occidentaux.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que de plus en plus de voix étasuniennes et plus généralement occidentales s’élèvent contre Ankara et appellent ouvertement à remettre en question l’appartenance turque à l’Otan, du fait justement des liens étroits de la Turquie avec les principaux adversaires des nostalgiques otanesques de l’unipolarité, dont bien évidemment les liens avec la Russie. L’Etat turc ayant été jusqu’à présent le seul membre de l’Otan à avoir fermement refusé à se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou. Et même plus que cela – ayant au contraire fort largement élargi l’interaction économico-commerciale avec la Russie.

Dans ce paradigme, la Turquie joue parfaitement son jeu. Comprenant que l’Otan ne peut se permettre de perdre dans un avenir proche un membre aussi important, du point de vue aussi bien stratégique qu’idéologique, Ankara enfonce le clou en continuant à renforcer son orientation eurasienne et de plus en plus pro-multipolaire. D’autant plus lorsqu’on observe actuellement le processus probable de normalisation des relations avec le leadership syrien, le tout avec la médiation russe.

Et lorsque viendra le moment pour la Turquie de quitter effectivement l’Otan, au-delà du fait que ce sera une énorme défaite stratégique pour l’Occident, l’Etat turc d’ici là aura pu profiter au maximum de tout ce dont il a besoin actuellement. Avec par ailleurs à la clé – l’intégration dans le Top 10 des principales économies mondiales en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat, pendant que des France et Royaume-Uni quitteront vraisemblablement ce même Top 10.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4561

Sanctions & échanges économiques: les contradictions de l’Occident

06.01.2023

Pendant que l’establishment occidental ne cesse à tenter en vain de convaincre la communauté internationale à se joindre aux sanctions contre la Russie, nombreuses sont les capitales de l’Occident qui ont vu leurs échanges considérablement augmenter en termes monétaires en 2022 avec Moscou.

«Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais» – cette phrase résume certainement au mieux ce que représente l’Occident vis-à-vis du reste du monde – le reste du monde étant l’écrasante majorité planétaire. Et pendant que les élites occidentales continuent par tous les moyens, mais sans succès, à tenter d’élargir la coalition anti-russe à l’échelle internationale, en allant d’ailleurs même jusqu’à dire que les pays ayant adopté une position neutre dans le dossier ukrainien sont également complices dans une certaine mesure de la Russie, les propres actes des instigateurs de la politique des sanctions contredisent leurs incalculables gesticulations.

Si l’extrême hypocrisie et mauvaise foi des Occidentaux n’est plus à présenter, y compris suite aux récents aveux de Frau Merkel et Sieur Hollande quant aux véritables intentions occidentales vis-à-vis des Accords de Minsk sur le Donbass, désormais nous assistons à la destruction la plus complète de tous les mythes créés à l’Ouest dans la sphère économique.  

Non, aujourd’hui il ne sera pas question de nouveau de la violation flagrante des principes de marché que les Occidentaux avaient mis en place – et ayant eux-mêmes détruit – comme l’avaient récemment rappelé des experts chinois. Pas plus que des pressions incessantes sur les nations non-occidentales à cesser ou limiter leurs échanges avec la Russie. Bien qu’un certain faucon étasunien nommé John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale US sous Donald Trump, s’en est tout récemment violemment pris à la Turquie (deuxième force armée de l’Otan en termes d’effectifs), allant même à appeler à remettre en question l’appartenance à l’Otan d’Ankara, en raison de sa position sur la Russie.

Pour rappel, la Turquie fait effectivement partie des pays ayant le plus élargi leurs échanges économico-commerciaux avec Moscou au cours de l’année qui vient de se terminer. Aux côtés de l’Inde, du Brésil et de la Chine, entre autres.  

Mais qu’en est-il des «braves» Occidentaux eux-mêmes, qui ne cessent de déclarer fièrement que le soutien au régime kiévien vaut bien n’importe quelle limitation et une adhésion à l’axe anti-russe? Et c’est précisément là que cela devient intéressant.

Dans un article récent de Politico Europe, on tombe sur un tableau particulièrement intéressant (sur la base des données d’Eurostat – la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle communautaire):

Dans ce beau petit tableau (appelé Les coffres de Poutine continuant d’être remplis), nous pouvons voir que sur la base des données des importations de pays de l’UE en provenance de la Russie, pour la période allant de février à août 2022, seuls 7 régimes européistes ont réduit leurs échanges avec Moscou en termes monétaires (Finlande: -7%, Lituanie: -25%, Lettonie: -8%, Danemark: -44%, Estonie: -14%, Suède: -60%, Irlande: -20%). Pour les autres: il ne s’agit ni plus, ni moins, que d’augmentation en comparaison avec 2021.

Et dans la plupart des cas, l’augmentation est plus que significative… Slovénie: +346%, Luxembourg: +262%, Grèce: +142%, Autriche: +139%, Chypre: +138%, Hongrie: +132%, Bulgarie: +116%, Italie: +100%, France: +84%, Belgique: +78%, et d’autres encore.

Evidemment, les propagandistes atlantistes stipuleront que de-facto les domaines d’interaction entre la Russie et l’Europe bruxelloise ont effectivement baissé de manière importante, et que les dites augmentations en termes monétaires sont dues à la hausse des prix des hydrocarbures ayant fait profité la Russie et son budget.

Le souci dans les dires de ces personnages, c’est que de 1) Ces données ne prennent aucunement en compte les volumes très importants d’hydrocarbures russes achetés par les mêmes régimes atlantistes européens via des pays tiers. Et de 2) Que s’ils continuent à acheter de telles quantités de produits en provenance de la Russie, notamment des ressources dont ils ont tellement besoin pour leur pure et simple survie, de quel droit osent-ils menacer et intimider des nations non-occidentales, lorsque celles-ci développent leurs relations économico-commerciales avec Moscou, ou du moins les maintiennent à un niveau qu’elles considèrent nécessaires?

Là se trouve donc cette énième et fameuse contradiction occidentale, et surtout son extrême hypocrisie. Mais cette démarche, au-delà de ridiculiser encore plus fortement les régimes otanesques, démontre surtout leur faiblesse et leur incapacité à pouvoir se passer des ressources en provenance évidemment aussi bien de la Russie que des autres nations non-occidentales. Prouvant que l’heure d’aujourd’hui est plus qu’importante à bien d’égards. Y compris en vue de rappeler une fois de plus la véritable place du bloc occidental dans le monde contemporain et l’ordre multipolaire.

Ne connaissant pas la notion de honte, ni d’un minimum de dignité, il ne faut pour autant surtout pas être surpris que les élites atlantistes, y compris européistes, continueront à répéter les mêmes inepties quant à l’extrême «importance» pour les peuples non-occidentaux d’adhérer aux sanctions contre la Russie, en vue de « sauver » un ordre qui n’existe que dans la tête des personnages en question. Car cet ordre unipolaire d’une extrême minorité mondiale ne reviendra pas.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4533