Archives du mot-clé Nigéria

Hydrocarbures russes et les nouveaux mauvais calculs de l’Occident

29.03.2023

Les dernières statistiques en matière d’exportations d’hydrocarbures par la Russie démontrent largement que les plans occidentaux à travers les sanctions unilatérales visant Moscou ne fonctionnent pas. Confirmant une fois encore que le monde dans sa globalité, c’est beaucoup plus qu’un espace représentant une évidente minorité mondiale.

« Hydrocarbures. La Russie dope ses chiffres en dehors de l’Europe », écrit le site marocain Infomédiaire, en indiquant que suite aux sanctions imposées par certains pays de l’UE, la Russie s’est tournée vers d’autres marchés pour écouler sa production d’hydrocarbures. Ainsi – le diesel et le gasoil russes ont trouvé preneurs en Afrique, Asie et au Moyen-Orient.

Selon les données de Refinitiv (entreprise américano-britannique, fournisseur de données et d’infrastructures sur les marchés financiers, ndlr), les exportations de diesel et gasoil russes à la destination de la Türkiye ont dépassé 1,2 million de tonnes en ce mois de mars. Représentant par la même occasion un record en comparaison au mois précédent (0,8 million de tonnes).

Par ailleurs et toujours selon les données pour la période concernée – près de 200 000 tonnes de diesel russe ont été expédiées vers la Libye, environ 165 000 tonnes vers l’Algérie et 100 000 tonnes vers la Tunisie. Cette dernière ayant déjà importé un volume record de gasoil russe au cours du mois de février. Les autres importateurs importants au niveau africain étant le Maroc, le Nigéria, le Ghana ou encore le Sénégal.

Du côté de l’Amérique latine – 300 000 tonnes de diesel ont transité en ce mois de mars par le Brésil depuis des ports maritimes russes (en février le volume était de 250 000 tonnes). Et du côté du Moyen-Orient : la Russie avait envoyé pas moins de 450 000 tonnes de diesel vers l’Arabie saoudite le mois dernier et environ 200 000 tonnes devraient arriver aux Emirats arabes unis ce mois-ci.

Les exportations russes sont en passe d’atteindre un record ce mois-ci (depuis 2016…), et ce malgré les sanctions de l’Union européenne privant le pays de son plus grand marché, écrit de son côté Bloomberg. Ajoutant que les expéditions d’hydrocarbures russes de mars ont atteint en moyenne environ 1,5 million de barils par jour et que des pays comme la Turquie, le Maroc, ainsi que d’autres ont effectivement intensifié leurs achats.

Le constat est une nouvelle fois relativement simple : le business international et plus généralement le monde tout simplement ne tournent pas autour de l’espace occidental, bien que ce dernier se pensait être irremplaçable. Les faits cités ne représentent que quelques exemples supplémentaires à ce qu’Observateur Continental affirmait depuis plusieurs années.

Pour autant les élites occidentales sont-elles à ce point incompétentes à ne pas avoir prévu que leurs fameuses sanctions unilatérales et illégales tomberaient rapidement ou dans certains cas progressivement à l’eau ? L’incompétence fait évidemment partie des caractéristiques qui devraient leur être attribuées. Néanmoins, l’arrogance extrême les caractérisant y est aussi pour beaucoup. Car l’Occident politique était au départ effectivement convaincu que le monde entier ou presque allait suivre ses ordres et se conformer à la ligne de l’axe russophobe otanesque stipulant l’isolation immédiate de la Russie.

Cela n’a pas marché. A dire vrai les Occidentaux ont vraisemblablement énormément sous-estimé la force de l’ère multipolaire, préférant se berner dans leurs illusions que ce n’est qu’un projet qui prendra du temps à se réaliser. Et n’ayant pas compris que l’ordre multipolaire est déjà une réalité depuis plusieurs années et qu’à travers leurs propres actes – n’ont fait qu’accélérer maintenant l’avènement d’un monde multipolaire post-occidental. Non pas que l’objectif des partisans de la multipolarité était d’exclure complètement le petit espace occidental du reste de l’humanité, mais c’est un chemin que l’establishment occidental s’est choisi soi-même.

Quant à l’échec de la politique des sanctions unilatérales et au fait que dans le commerce international contemporain – le monde ne tourne pas sur l’Occident – cela constitue les autres orientations qu’Observateur Continental avait abordé des mois auparavant.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Président du Nigéria: les armes fournies par l’Occident à l’Ukraine apparaissent en Afrique

06.12.2022

Le président nigérian s’inquiète de l’arrivée d’armes en provenance du conflit ukrainien dans la région, impactant ainsi la sécurité aussi bien d’une des principales puissances africaines, que des autres pays voisins. Comme prédit – l’Occident semble perdre complètement le contrôle sur ses livraisons massives d’armes en faveur du régime kiévien.

Muhammadu Buhari, président du Nigéria – la première puissance économique africaine en termes de PIB nominal et la deuxième en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat – a déclaré récemment que des armes en provenance du conflit ukrainien se glissent désormais dans la région du bassin du lac Tchad.

Le chef d’Etat nigérian a lancé cet appel dans son discours d’ouverture du 16ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), qui s’est déroulé dans la ville d’Abuja, la capitale du Nigéria.

«Il faut cependant préciser que malgré les succès enregistrés par les vaillantes troupes de la MNJTF (Force multinationale mixte, composée des Forces armées du Nigéria, du Cameroun, du Bénin, du Niger et du Tchad, ndlr) et les différentes opérations nationales en cours dans la région, des menaces terroristes rôdent toujours dans la région, et malheureusement, la situation au Sahel et la guerre qui fait rage en Ukraine sont des sources majeures d’armes et de combattants qui renforcent les rangs des terroristes dans la région du lac Tchad», a déclaré le président nigérian.

«Ce mouvement illégal d’armes dans la région a intensifié la prolifération des armes légères et de petit calibre qui continue de menacer notre paix et notre sécurité collectives dans la région», a ajouté Muhammadu Buhari dans son discours.

Les déclarations du président nigérian ne font que confirmer les nombreuses prévisions et mises en garde sur les livraisons massives et incontrôlées d’armes en faveur du régime kiévien de la part de l’axe otanesque et de l’Occident. Et cela depuis de longs mois.

Au point que même certains représentants de régimes occidentaux avaient fini récemment par admettre timidement cette réalité. Il est donc parfaitement compréhensible pourquoi le président nigérian tire aujourd’hui la sonnette d’alarme, compte tenu des risques sécuritaires non pas seulement pour le Nigéria, mais également pour de nombreux autres pays de la région. Sans oublier évidemment les défis face au terrorisme dans le Sahel.

Mais au-delà du fait que l’Occident ne contrôle effectivement pas les processus post-livraisons de ses armements à destination du régime kiévien dans le but de combattre la Russie, la situation actuelle devrait nous interpeller sur un autre aspect. Et si ce flux d’armes à destination des réseaux terroristes opérant en Afrique en provenance de l’Ukraine était voulu par l’establishment occidental?

Surtout lorsqu’on sait que les nombreux problèmes sécuritaires sur le continent africain, y compris dans la région du Sahel, sont justement le «fruit» des actions occidentales. A commencer par la destruction de la Jamahiriya libyenne de Mouammar Kadhafi par l’Otan et en poursuivant par le manque total d’efficacité dans la lutte antiterroriste annoncée par des Etats comme la France et d’autres régimes otanesques.

Last but not least, il n’est pas à exclure que l’Occident nostalgique de l’unipolarité soit d’autant plus intéressé par une nouvelle vague de propagation terroriste en Afrique, dans l’objectif de punir les pays africains – qui pour de nombreux d’entre eux ont refusé de se joindre à la coalition anti-russe promue par l’establishment occidental. Provoquant l’hystérie collective du côté des régimes atlantistes.

A ce titre, le Nigéria peut également faire partie des cibles privilégiées, car au-delà d’être l’une des principales puissances du continent africain et ayant dû faire face aux défis sécuritaires, notamment contre la secte terroriste de Boko Haram – avait fait partie des pays n’ayant pas soutenu la dernière résolution occidentale anti-russe votée à l’Assemblée générale de l’ONU, le mois dernier.

Dans tous les cas, il devient aujourd’hui évident que les nations africaines doivent plus que jamais s’unir dans un cadre panafricain et accroitre l’interaction avec les puissances non-occidentales dans l’objectif de faire efficacement face au chaos promu et propagé par l’Occident, qui refuse obstinément à reconnaitre l’ère multipolaire mondiale. Des mesures fortes, ciblées et si nécessaire radicales devront fort certainement être engagées dans les plus brefs délais.

Après tout, si l’effet boomerang de la politique otanesque se retourne contre ses instigateurs – cela est une chose, même si c’est encore une fois les populations concernées qui en paieront le prix fort. Mais ce n’est certainement pas au monde non-occidental de payer un quelconque prix pour les folies d’un Occident complètement malade et en chute libre.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4473

Le format des BRICS+ en tant qu’une des priorités des Etats membres

19.06.2022

L’organisation des BRICS semble promouvoir de plus en plus une approche multilatérale permettant une intégration maximale dans le cadre du concept BRICS+, donnant la priorité à la diversité géographique aux pays concernés par cette interaction, et renforçant la thèse d’un ordre multipolaire post-occidental.

L’un des points principaux de la présidence chinoise des BRICS (composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud) a été le lancement d’une réunion BRICS+ élargie au niveau des ministres des Affaires étrangères, dans laquelle au-delà des pays membres de l’organisation internationale, ont été conviés les représentants de l’Egypte, du Nigéria, du Sénégal, de l’Argentine, du Kazakhstan, d’Indonésie, d’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de Thaïlande. Une perspective déjà abordée par Observateur Continental.

Mis à part cette initiative du leadership chinois, Pékin a également présenté un format de dialogue inclusif couvrant toutes les grandes parties du Sud global, réunissant des plateformes d’intégration régionale en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine.

Anil Sooklal, ambassadeur spécial d’Afrique du Sud pour les BRICS et les pays d’Asie, en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg auquel il participe, a déclaré «que le format actuel des BRICS permet aux Etats membres de répondre aux défis géopolitiques et financiers actuels».

Toujours selon lui, l’ignorance par les pays occidentaux de l’architecture multilatérale des affaires internationales en matière de sécurité, ainsi que l’imposition des sanctions contre la Russie – entraînent des problèmes dans les domaines de l’alimentation et de l’énergie. Tout en ajoutant «que nous avons été très souvent privés d’accès aux vaccins. Nous avons également vu l’impact dévastateur des changements climatiques et nous constatons que de nombreux pays dits développés ne partagent par les technologies avec les autres pour surmonter les problèmes existants. Notre président (le président sud-africain Cyril Ramaphosa, ndlr) avait expliqué que nous étions déjà confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire et nous nous sommes tournés vers la Russie pour résoudre ce problème».

En termes de perspectives et au-delà d’un élargissement en cours du format de partenariat avec le BRICS+, un point très important concerne effectivement non seulement le maintien des relations stratégiques entre les Etats membres, mais également un renforcement encore plus notable de ces relations.

Ainsi, malgré les multiples tentatives occidentales de saper le développement des relations sino-russes, cela non seulement n’a pas abouti, mais au contraire suit le cours absolument inverse de celui souhaité par les nostalgiques de l’ère unipolaire. La toute récente discussion téléphonique entre les présidents russe et chinois n’a fait d’ailleurs que le confirmer. 

Une discussion durant laquelle le leader chinois a réitéré que la Chine est prête à travailler avec la Russie pour continuer à se soutenir mutuellement sur leurs intérêts fondamentaux respectifs concernant la souveraineté et la sécurité, ainsi que sur leurs préoccupations majeures, en approfondissant leur coordination stratégique et en renforçant la communication et la coordination dans des organisations internationales et régionales importantes telles que l’ONU, les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Autre point très important: la Chine est également disposée à travailler avec la Russie pour promouvoir la solidarité et la coopération entre les marchés émergents et les pays en développement, et pour faire avancer l’ordre international et la gouvernance mondiale vers une direction plus juste et plus raisonnable.

La réalité est devenue parfaitement évidente. Même nombre d’experts intervenant sur les plateaux des chaines occidentales le reconnaissent: la Chine et la Russie se trouvent sur la même longueur d’onde. Une réalité qui a au moins le mérite d’être honnête et comme résultat largement plus appréciée par les téléspectateurs.

De manière générale, il devient évident que les BRICS tout en représentant une large partie de l’humanité, aussi bien du point de vue démographique, économique qu’industriel – misent désormais sur une intégration encore plus large pour définitivement tourner la page d’une fausse communauté internationale, et mettre pleinement en pratique la seule et véritable.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Les Occidentaux en grande difficulté dans la crise énergétique

Si les régimes des pays occidentaux cherchent activement des solutions dans la crise énergétique actuelle, il devient désormais assez évident que les difficultés observées aujourd’hui pourraient au contraire que croître.

Les prix du pétrole et du gaz continuent de battre des records de plusieurs années. Si les USA ont annoncé l’interdiction des importations de pétrole et de gaz russes, l’UE semble incapable de pouvoir franchir le pas même si les responsables bruxellois continuent de gesticuler quant à la nécessité de réduire la forte dépendance aux livraisons énergétiques en provenance de Russie.   

La Norvège, deuxième fournisseur de l’UE derrière la Russie (20 et 45% des besoins européens respectivement) a d’ores et déjà déclaré ne pas être en mesure de pouvoir augmenter ses livraisons de gaz. Les bureaucrates bruxellois s’activent également en ce moment du côté des pays africains, notamment l’Algérie et le Nigéria, mais là aussi le constat parait évident: il ne sera pas possible, d’autant plus à court terme de pouvoir compenser le volume d’importation de gaz russe de manière sérieuse et notable.

Des faits très intéressants sont en train de se passer également au Moyen-Orient. The Wall Street Journal rapporte que les dirigeants saoudien et émirati ont refusé les appels téléphoniques du président US Joe Biden et auraient également signalé qu’ils n’aideront pas à atténuer la flambée des prix du pétrole, à moins que Washington ne les soutienne officiellement dans la guerre au Yémen.

En parlant toujours des pays du Golfe, il faudrait rappeler que les Emirats arabes unis, n’ont pas souhaité se joindre aux sanctions occidentales contre la Russie et s’étaient abstenus lors du vote au Conseil de sécurité onusien sur le dossier ukrainien en qualité de membre non-permanent.  

Tous ces événements confirment une fois de plus que la spirale des pressions, intimidations et sanctions en tout genre se retourne contre ses instigateurs. L’establishment occidental a beau vouloir faire passer l’idée de son extrême puissance dans les affaires planétaires, tout en continuant d’espérer un retour radical à l’ordre unipolaire – la réalité actuelle démontre que d’une part l’effet boomerang se fera ressentir de plein fouet sur la partie occidentale du monde, et de l’autre que nombre de pays de la planète, longtemps considérés comme ses alliés, s’éloignent progressivement de l’Occident.

Evidemment, les plus radicaux des atlantistes mettront en avant l’idée que l’unité occidentale est aujourd’hui la priorité absolue. Le fait est que même si cette prétendue unité saurait être obtenue, il leur sera extrêmement difficile d’expliquer à leurs populations les effets économiques que ces mêmes populations vont subir. Et pour beaucoup – subissent déjà. Probablement plus important encore, les événements récents auront démontré que le monde dans sa globalité – est effectivement énormément plus grand que le simple petit monde occidental, même si ce dernier continue d’activer des leviers sur lesquels il possède encore un contrôle.

L’autre avantage des événements en cours est qu’il aura également montré que de nombreux pays du monde n’ont plus peur de se libérer du joug «démocratique» occidental. Les masques de l’extrême arrogance et d’hypocrisie au summum sont définitivement tombés, et les nombreuses nations du monde comprennent parfaitement que le monde d’aujourd’hui et à venir ne peut être que post-occidental.

En attendant, les élites atlantistes peuvent continuer à chercher des solutions pour tenter à diminuer les effets de choc qui sont d’ailleurs loin d’avoir atteint toute leur intensité. Le souci est que leur incompétence professionnelle, alliée à une mentalité néocoloniale de supériorité, ne présagent absolument rien de bon. Y compris à destination de leurs propres populations.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=3667

Eurasie & Afrique: les priorités de la politique étrangère de l’Iran

La République islamique d’Iran renforce ses positions à divers endroits de la planète, infirmant chaque jour un peu plus les tentatives d’isolement de la part de ses adversaires. Si au Moyen-Orient et plus généralement sur la scène régionale, le rôle de premier plan de Téhéran n’est plus à présenter, les intérêts du pays poursuivent un élargissement géographique et stratégique évident.

Les intérêts extérieurs de l’Iran ne se limitent plus à la région d’appartenance. En effet, la République islamique devient de plus en plus présente en dehors de la sphère régionale, comme c’est notamment le cas dans nombre de pays d’Amérique latine avec lesquels Téhéran entretient des relations d’alliance de plus en plus poussées, dont le Venezuela mais également avec Cuba, la Bolivie ou encore le Nicaragua.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Ebrahim Raïssi, une ligne stratégique est clairement affichée. A savoir, qu’au-delà de la poursuite de la défense de ses intérêts nationaux, régionaux et internationaux dans un cadre résolument pro-multipolaire dont le pays est d’ailleurs l’un des principaux promoteurs, l’Iran mise beaucoup sur deux axes d’importance stratégique: l’Eurasie et l’Afrique.

Dans le premier cas, cela est d’ailleurs quelque chose de parfaitement naturel sachant que l’Iran est lui-même une nation eurasienne. Mais la simple appartenance à la grande famille eurasienne sur le plan historico-culturel s’élargit résolument désormais vers l’intégration au sein de grandes structures internationales basées dans l’espace eurasiatique, et ce dans plusieurs sphères stratégiques: défense, sécurité, économie.

Parmi ces structures figurent l’Union économique eurasiatique (UEEA), composée actuellement de la Russie, du Kazakhstan, de la Biélorussie, de l’Arménie et du Kirghizistan, ainsi que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), dont font partie la Chine, la Russie, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, ainsi que l’Inde et le Pakistan. En ce qui concerne justement l’OCS, l’Iran y est déjà membre-observateur et souhaite devenir membre à part entière. Une pleine adhésion soutenue d’ailleurs par la Russie et certainement la Chine qui partage elle aussi une alliance stratégique avec Téhéran.

Une chose demeure sûre: l’intégration de l’Iran dans le grand espace eurasien, le tout en coordination avec ses alliés russe et chinois, se poursuivra inévitablement. D’autant plus que les trois pays concernés sont considérés comme les trois principaux adversaires géopolitiques par l’establishment washingtonien.

L’Afrique représente également une orientation prioritaire de la politique étrangère iranienne. Le tout à l’heure des bouleversements de grande envergure sur le continent touchant aux intérêts des puissances occidentales, d’obédience anglo-saxonne ou hexagonale – de plus en plus remis en cause aussi bien par le leadership de nombre de pays africains, que par une très large partie de l’opinion publique panafricaine.

En ce sens, l’Iran appuie, à l’instar de Moscou et de Pékin, une posture opposée au néocolonialisme occidental et qui trouve un écho largement favorable au sein de la société civile continentale. En outre, de nombreux pays africains interagissent dans la sphère politico-diplomatique, économique et sécuritaire de plus en plus activement avec la nation perse.

Si cette montée en puissance est fortement mal vue à Washington et dans nombre de capitales occidentales au passé colonial et à la posture toujours néocoloniale, il y a un autre acteur qui s’inquiète vivement d’un tel développement: Israël. En effet et après l’échec retentissant de tenter à isoler l’Iran sur la scène régionale et internationale, le continent africain devient un autre terrain de l’opposition entre Téhéran et Tel-Aviv.

Si ce dernier peut compter sur un certain nombre de soutiens sur le continent, ce qui lui a permis d’obtenir le statut d’observateur au sein de l’Union africaine (UA), il n’empêche que plusieurs des principales puissances continentales africaines se sont clairement opposées à cette perspective, démontrant par la même occasion que rien n’est encore acquis pour l’Etat sioniste sur la scène africaine. Parmi elles – le Nigéria (première puissance économique, première population et quatrième puissance militaire du continent), l’Afrique du Sud (troisième puissance économique et militaire africaine), ainsi que l’Algérie (premier pays africain en superficie, quatrième puissance économique et deuxième puissance militaire continentale). En d’autres termes – les trois des quatre principales puissances africaines avec lesquelles l’Iran entretient des relations intéressantes et qui continuent de se développer.

Quant à l’Egypte (deuxième puissance économique et première puissance militaire d’Afrique), qui s’est d’ailleurs également opposée au statut d’observateur d’Israël à l’UA, bien que n’entretenant pas pour le moment des relations très cordiales avec Téhéran – cela pourrait être amené à changer, notamment dans le cadre des pourparlers de normalisation en cours entre l’Iran et certains pays arabes. Rajoutant encore plus de poids aux positions iraniennes sur la scène continentale en interaction avec les principales puissances africaines.

Ce qui est certain, c’est que toute la rhétorique récente, qui émanait aussi bien de Washington, Tel-Aviv, que de leurs partenaires proches, tout au long de ces dernières années – n’a plus aucun sens aujourd’hui. L’Iran non seulement ne s’est pas retrouvé isolé mais n’a probablement jamais été aussi influent sur la scène régionale et internationale au cours de son histoire contemporaine. L’intégration stratégique au sein de l’espace eurasien, de concert et en coordination avec la Russie et la Chine, de même qu’une politique active sur le continent africain contribueront fort probablement à un renforcement non seulement des positions iraniennes sur la scène internationale, mais également à l’axe des partisans résolus de la multipolarité.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=3085

https://t.me/axe_afrique_russie/221

https://web.facebook.com/mikhail.egorov.5/posts/10224415908078587

Les puissances africaines sous pression

Le continent africain n’est pas en reste des changements majeurs observés sur la scène géopolitique internationale dans le cadre du concept multipolaire mondial. Et plus certains Etats affirment leur puissance continentale dans un cadre souverain et panafricain, plus ils se retrouvent sous la pression des nostalgiques de l’unipolarité. Retour sur la question.

La tendance observée de plus en plus sur le continent africain mérite l’attention à bien des égards. Au-delà des tentatives occidentales à punir les pays ayant choisi une voie souveraine de développement et un libre choix de leurs partenaires extérieurs, il est aujourd’hui clairement possible de voir que les poids-lourds de la scène continentale, y compris ceux qui il y a encore récemment semblaient se trouver dans l’orbite de l’influence occidentale, se retrouvent à devoir faire face à de plus en plus de défis les visant.

Parmi ces exemples, on peut citer le Nigéria ou encore l’Ethiopie. Le premier, étant tout simplement la première puissance économique continentale africaine en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (PIB-PPA), classé  25ème au rang mondial, par ailleurs la première population d’Afrique avec plus de 219 millions d’habitants (7ème population du monde).

Depuis que les ambitions d’Abuja sur la scène régionale et continentale aient commencé à s’afficher de plus en plus ouvertement, le pays a dû observer une recrudescence de défis intérieurs, notamment sécuritaires. Si la lutte contre les terroristes de Boko Haram date depuis déjà de longues années, de nouveaux foyers de tensions se réactivent,  et ce avec une complicité assez peu voilée en provenance des intérêts occidentaux, notamment en lien avec les séparatistes du Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob).

Cette pression supplémentaire sur l’Etat nigérian est liée à plusieurs aspects. Tout d’abord, et plus le pays prend du poids dans les affaires régionales et continentales, le tout dans un cadre panafricain, cela représente l’un des éléments de réponse aux tentatives de déstabilisation extérieure, qu’elles soient d’ordre terroriste ou séparatiste. L’autre raison à noter est que plus un Etat s’affirme dans un cadre panafricain et plus il a tendance à forger des relations stratégiques avec les Etats partisans de la souveraineté et de l’ordre multipolaire international.

Les relations économiques grandissantes avec la Chine, y compris en favorisant le yuan chinois au détriment du dollar américain dans les transactions bilatérales, ou encore le récent accord militaro-sécuritaire avec la Russie, en représentent les quelques exemples. D’autant plus que le Nigéria fut longtemps considéré comme un pays se trouvant sous l’orbite des intérêts occidentaux, plus particulièrement des USA.

L’Ethiopie représente un autre exemple intéressant. Deuxième plus large population du continent, 7ème puissance militaire d’Afrique, abritant le siège de l’Union africaine (UA) sur son territoire, le seul pays africain à n’avoir jamais été colonisé et ayant été l’un des principaux alliés continentaux de l’URSS durant la période de la guerre froide, le tout allié à un taux de croissance du PIB aux alentours de 10% par an durant plusieurs années – représentent des éléments qui confirment les ambitions d’Addis-Abeba. Cela sans oublier une industrialisation rapide du pays, avec le concours de la Chine.

Si à la chute de l’URSS, l’Ethiopie était considérée comme un pays s’étant beaucoup rapproché de Washington, et ce dans de nombreux secteurs, la période récente au vue du rapprochement sans précédent avec Pékin, ainsi que le renouvellement actif des relations avec Moscou, semble avoir placé le pays dans le viseur des déstabilisations occidentales. Des tentatives de déstabilisation, qui à la différence de ce qu’avaient vraisemblablement espéré ses instigateurs, semblent au contraire pousser de plus en plus le leadership éthiopien dans le cadre souverainiste panafricain et celui de l’alliance sino-russe.

Mais l’exemple de l’Ethiopie est intéressant également sur un autre aspect. Si la propagande occidentale avait souvent tenté à présenter la Chine comme la Russie comme des soutiens aux régimes prétendument «autoritaires», les événements récents cassent de plus en plus ce cliché ayant peu de choses à avoir avec la réalité. Déjà en République centrafricaine, Moscou s’est imposé comme un allié fiable et sincère d’un leadership élu démocratiquement et disposant d’une large popularité nationale. Le cas éthiopien est également fort révélateur car au-delà de jouir d’une popularité intérieure indéniable, le chef d’Etat du pays Abiy Ahmed peut se vanter d’être également lauréat du Prix Nobel de la paix 2019.

Evidemment et à cette époque, l’Occident pensait voir en l’Ethiopie un partenaire de poids pour ses intérêts, à ce titre les médias mainstream occidentaux ne manquaient pas de faire l’éloge au Premier ministre Ahmed. Tout semble désormais bouleversé et l’exemple si souvent cité de notes positives par l’establishment politico-médiatique occidental, est devenu une cible à abattre. Une hypocrisie qui ne manque pas de révolter aussi bien la société civile éthiopienne, que les médias étatiques du pays. Le tout au moment même où Addis-Abeba renforce non seulement son interaction avec la Chine, mais mise de nouveau sur l’alliance militaro-sécuritaire avec la Russie.

Cette nouvelle donne est effectivement particulièrement intéressante car elle barre d’un revers de la main toutes les belles paroles occidentales quant au fait d’être des alliés de gouvernements démocratiques à divers endroits du globe. Plus que cela, l’approche hypocrite de l’establishment occidental, y compris washingtonien, peine de plus en plus à voiler cette posture révoltante à l’égard des différents peuples du monde, y compris africains. Enfin, et face aux déstabilisations que ce cercle maintient comme instrument majeur de sa politique visant les Etats souverains, la résistance s’organise sur deux volets: la mobilisation populaire (véritable) à l’intérieur et le soutien extérieur de la part des grandes puissances non-occidentales pro-multipolaires.

Ceci étant dit, ce n’est pas tout. Au vu des échecs répétés de faire tomber des gouvernements pleinement souverains à divers endroits de la planète, y compris en raison des deux facteurs cités ci-haut, l’Occident politique risque de s’acharner désormais sur un certain nombre de ses alliés et sous-traitants, ne pouvant par ailleurs pas être considérés comme des puissances régionales ou continentales. Car au moment d’une perte d’influence à l’échelle internationale, des échecs à appliquer avec le même «succès» les méthodes de déstabilisation habituelle, ce même establishment cherche à avoir des partenaires complètement soumis (même le taux de 75-80% ne suffit plus). Y compris pour éviter le risque que ces derniers sortent de l’orbite géopolitique occidentale.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=3061

https://t.me/axe_afrique_russie/209

https://web.facebook.com/mikhail.egorov.5/posts/10224378121453945

La zone de libre-échange africaine: l’Afrique en sera-t-elle gagnante?

Le projet de la zone de libre-échange continentale africaine semble aller dans la concrétisation. Nombre de questions quant à son application au niveau des pays du continent restent ouvertes et seront vraisemblablement une source de négociations supplémentaires. Le fait est que l’Afrique semble en effet suivre la voie d’une intégration continentale, propre au concept multipolaire.

Les chefs d’Etat de plusieurs dizaines de pays africains, réunis au cours des derniers jours en sommet extraordinaire, ont donné le feu vert pour le lancement de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), qui rentrera en vigueur dès le 1er janvier 2021. Evidemment nombre de questions pratiques restent encore en suspens, qui demanderont certainement une coordination supplémentaire entre pays concernés.

Selon Abdou Diop, président de la commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), cité par le journal économique marocain en ligne Médias 24, «jusque-là, la Zlecaf était un vœu. Mais à partir de ce sommet et de la ratification officielle par 34 chefs d’Etat (tous les pays du continent sont signataires, dont 34 ratificateurs, ndlr), l’accord peut entrer en vigueur. C’est une étape décisive qui a été franchie».

Bien que et toujours selon lui, plusieurs étapes doivent encore être réalisées. Notamment sur le plan procédural qui concerne la ratification complète au niveau des parlements des pays concernés – un point qui ne devrait pas connaitre de complication majeure. L’autre aspect concerne quant à lui le contenu de l’accord, plus particulièrement ses aspects techniques. Parmi les points qui connaitront certainement des discussions supplémentaires sont ceux liés au niveau de suppression des droits de douane, sachant que dans le cadre de l’accord sur la Zlecaf – les pays africains ont convenu de supprimer 90% des droits de douane sur une période de 5 à 15 ans, selon leur niveau de développement.

L’autre aspect important concerne quant à lui les règles d’origine. Plus exactement, le taux d’intégration de la production d’origine de pays africains du produit pour qu’il soit considéré comme étant apte à jouir de la zone de libre-échange. Un point qui nécessitera de trouver le juste milieu pour d’un côté promouvoir réellement une production africaine, de l’autre garder l’attractivité pour les investisseurs étrangers.

En termes de perspectives futures, les avis restent pour le moment partagés. Si pour certains experts, la Zlecaf représente une énorme chance pour l’Afrique d’accroitre les échanges intracontinentaux – qui restent faibles, surtout comparés à d’autres continents et régions du monde, le tout dans un cadre panafricain. Pour d’autres, ce sont principalement les grands groupes internationaux qui en seront les principaux bénéficiaires.

Mais peut-être que la réalité sur le court et moyen terme se trouve justement entre les deux « camps ». D’un côté, il est certain que dans un premier temps, les avantages d’une telle zone de libre-échange ne contribueront pas à tous de la même façon. En ce sens, ce sont les pays africains les plus industrialisés au niveau continental, possédant une infrastructure développée ou relativement développée, étant par la même occasion les plus attrayants en termes d’investissements directs étrangers (IDE), qui seront vraisemblablement plus avantagés dans la première phase de ce processus. A savoir l’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Algérie, le Nigéria ou encore le Maroc. Mais ce qu’il faut certainement retenir, c’est qu’à terme les fruits d’une telle zone de libre-échange continentale devront être obtenus pour une bien plus large part de nations africaines.

Surtout si le taux de production africain augmentera progressivement. Pouvant permettre par la même occasion une augmentation considérable de transfert technologique et de savoir-faire – car il serait sans doute important de rappeler que la Zlecaf représentera un marché de plus d’un milliard de personnes.

En ce qui concerne la question si la concurrence extracontinentale augmentera lors de l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine, la réponse est certainement oui. Il sera logique d’observer les multinationales occidentales tenter à tirer profit des avantages d’une telle large zone de libre-échange, en misant notamment sur les pays où ces multinationales sont bien établies. Mais il n’empêche qu’elles auront certainement à devoir faire face aux puissances non-occidentales – qui sont elles aussi de plus en plus actives sur le continent africain. En effet, des pays comme la Chine, l’Inde ou la Turquie ont déjà une présence industrielle réelle dans nombre de pays africains.

Restera évidemment à l’Afrique d’en être la principale gagnante. Et ce dans un cadre souverain et panafricaniste. Après tout, si dans le monde contemporain multipolaire, les espaces d’intégration régionaux et continentaux ne cessent de prendre de l’ampleur, notamment en Eurasie, Asie du Sud-Est ou en Amérique latine, et ce sans en demander l’avis des puissances occidentales, l’Afrique a toute la légitimité d’en tirer profit elle aussi. Et par la même occasion devenir un bloc puissant du monde multipolaire. Le chemin reste long mais peu de choses se sont faites du jour au lendemain.

Mikhail Gamandiy-Egorov

https://t.me/observateur_continental/649