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L’Afrique se mobilise contre la « justice » néocoloniale

Les procès du président ivoirien Laurent Gbagbo et de son ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé viennent de débuter à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, aux Pays-Bas.

Comme attendu, ces deux procès connaissent aujourd’hui une mobilisation sans précédent de la part des ressortissants ivoiriens et africains en général, aussi bien à La Haye devant cette même CPI, qu’à différents endroits d’Afrique et du monde.

En effet, il s’agit probablement d’une première dans l’histoire de la justice prétendument internationale. Jamais des « accusés » de ladite « justice » n’avaient mobilisé autant de monde en leur faveur. On peut bien sûr se rappeler de Slobodan Milosevic, président yougoslave dont l’arrestation et la détention avaient également mobilisé grand nombre de ses partisans en ex-Yougoslavie et au-delà: tous ceux et celles qui connaissaient et connaissent l’histoire véritable de cet Etat aujourd’hui disparu. Notamment feu Maître Jacques Vergès ayant défendu l’ex président yougoslave et qui connaissait les véritables criminels. La mort de Milosevic, dans des circonstances plus qu’obscures (certains parlent ouvertement d’assassinat) à la prison de Scheveningen, avait aussi révolté plus d’un. On peut également mentionner les autres détenus serbes accusés de « crimes contre l’humanité », alors qu’en parallèle les représentants non-serbes était peu ou pas du tout inquiétés, même ceux responsables des pires exactions possibles sur les civils, y compris viols, tortures, crimes de masse et trafic d’organes humains. « Clin d’œil » en passant à plusieurs hauts-responsables du Kosovo (ou une des plus grandes bases US du monde), grands amis des élites occidentales et occupant aujourd’hui des postes clés dans cette « république », berceau historique de la Serbie, à qui elle a été arrachée et sans aucun référendum. Une sortie illégale par ailleurs entièrement reconnue valide par les USA et leurs suiveurs ouest-européens.
Mais il y a quand même une grande différence: les époques. L’époque de la dislocation yougoslave et celle d’aujourd’hui sont clairement différentes. Dans le premier cas et en plus de la tragédie yougoslave, il y avait aussi eu l’éclatement de l’URSS, une Russie à genoux, un monde qui était devenu ouvertement unipolaire et des médias à un sens. Aujourd’hui? Un monde dont la multipolarité ne compte pas reculer, des voix alternatives à différents niveaux et notamment au niveau des médias et dont le besoin ne fait qu’augmenter chaque jour qui passe. C’est là toute la différence. La manipulation est devenue beaucoup plus difficile pour les élites de l’Occident, aussi bien au niveau politique que médiatique. C’est pourquoi dans les cas du président Gbagbo et du ministre Blé Goudé, ce n’est au final pas vraiment eux qui risquent d’être jugés, mais bien la CPI et avec elle tout le système de la justice dite internationale, voire tout le système de la politique occidentale.

Car il n’est aujourd’hui plus possible de mentir aussi facilement qu’avant sur le rôle de tel ou tel leader et sans avoir à en rendre des comptes. Grâce aux alternatives y compris dans l’espace médiatique, chaque personne censée est aujourd’hui capable de se faire sa propre analyse et sa propre opinion. Le cas de la Côte d’Ivoire en est le parfait exemple. Un leader africain instruit, partisan de la démocratie et du pluralisme politique depuis les bancs universitaires, arrivant au pouvoir à l’issue d’élections démocratiques longtemps absentes, réclamant le droit à son peuple de profiter plus de ses ressources (le pays étant de loin le premier producteur mondial des fèves de cacao pour ne citer qu’eux), n’arrangeant pas les appétits néocoloniaux, se faisant déloger par une puissance armée étrangère et extra-africaine. Et se faisant juger aujourd’hui loin de chez lui, de son pays et de son continent. Voilà un résumé qui caractérise cette assez récente histoire ivoirienne. Et sans même prendre fait et cause pour les leaders ivoiriens que sont Gbagbo et Blé Goudé, personne ne réussit jusqu’à maintenant à répondre ne serait-ce qu’à une seule question: de quel droit un président élu de son peuple se fait déloger par la voie armée et par une puissance étrangère n’ayant aucun mandat à cet effet? Aucune réponse si ce n’est celle de l’injustice criante. Plus généralement, le temps est venu pour que l’Occident comprenne (celui des élites, pas des peuples) une chose bien simple. La domination (économique, politique, armée et même mentale) arrive à sa fin. Les injustices à différents endroits du monde ont beau encore exister mais à un moment ou un autre, il faudra bien y répondre.

En passant, le forum des anciens présidents africains: Joaquim Chissano (ancien président du Mozambique), Nicephor Soglo (ex-président du Bénin), ainsi que l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki (figure de lutte avec Nelson Mandela contre le régime raciste d’apartheid dans son pays), a lancé un appel à la communauté internationale et notamment la Procureur, Fatou Bensouda, pour la libération du président Gbagbo. S’ajoutent à cela des millions d’Africains, du continent et issus des diasporas, sans oublier les amis de l’Afrique qui réclament eux-aussi que justice soit faite, à savoir la libération pure et simple de personnes n’ayant rien à faire dans les geôles de la CPI. « Les procès de la honte », comme ils sont communément appelés aujourd’hui doivent être courts et réalistes. Les élites occidentales sauront-elles faire intelligemment marche arrière afin d’éviter (pour eux) des conséquences imprévisibles ou poursuivront-elles la ligne néocoloniale dure et radicale, on en saura plus bientôt. A suivre.

 

http://fr.sputniknews.com/points_de_vue/20160129/1021308834/afrique-laurent-gbagbo-proces-cpi.html

Mikhail Gamandiy-Egorov

CPI : une première grande victoire pour Gbagbo

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Rappel des faits : lundi 3 juin, les juges de la Cour Pénale Internationale (CPI) ont demandé au procureur d’apporter des éléments de preuves additionnels avant de prendre une ultime décision sur un éventuel procès contre le Président ivoirien Laurent Gbagbo. Un procès qui n’a visiblement aucune raison d’être.

Le moment de vérité approche. Logiquement, ce lundi 3 juin aurait dû être le jour de la libération de Laurent Gbagbo, mais visiblement, la CPI a décidé de donner une ultime chance au procureur, tellement les pressions de la part de certains lobbies ultra puissants sont importantes. Les juges ont donc ajourné la décision de confirmer ou non les charges. Selon la formule officielle de la CPI, citée par son porte-parole Fadi el-Abdallah : « La chambre a estimé que l’ensemble des preuves du procureur, bien qu’apparemment insuffisantes, ne semble pas manquer de pertinence et de valeur probante et ne peut donc pas directement décider d’abandonner les poursuites ».

En d’autres termes, voici le message au procureur : « Certes, vous n’avez aucun élément de preuve solide, mais pour recompenser votre entêtement à vouloir condamner un chef d’Etat qui a osé défier et se révolter contre de grandes puissances impérialistes et leurs armées, il faut bien vous donner une seconde chance… ». La procureure Fatou Bensouda aura donc jusqu’au 15 novembre, le temps « d’envisager de fournir des preuves supplémentaires ou de mener des enquêtes supplémentaires », comme le mentionne également le communiqué de la CPI.

Pour maître Emmanuel Altit, avocat principal du Président Laurant Gbagbo, ainsi que pour tous les partisans du président ivoirien et pour Laurent Gbagbo lui-même, c’est la satisfaction. Répondant aux questions de la Radio internationale des Pays-Bas (Radio Netherlands Worldwide), maître Altit a affirmé que « le Président Gbagbo était particulièrement satisfait parce que c’est une grande victoire. Une première grande victoire significative dans ce long chemin qui mène vers la vérité, vers la révélation de ce qui a été la réalité historique. Les juges ont estimé que le procureur n’apportait aucun élément à son argumentation. Ils ont considéré par conséquent que ces accusations ne tenaient pas. Ils ont donc décidé logiquement de ne pas confirmer les charges et ont dit clairement à l’accusation de recommencer à zéro ». Et d’ajouter : « dans ces conditions, la mise en liberté du Président Gbagbo est une conséquence logique de cette décision ».

Pour Toussaint Alain, un ancien porte-parole de la présidence ivoirienne, la décision de la CPI marque « un grand pas vers la libération » de Laurent Gbagbo. « La CPI, qui joue sa survie et sa crédibilité, n’a pas d’autre choix que de le libérer », conclut-il dans un communiqué.

L’optimisme est donc bel et bien de retour parmi les soutiens de Laurent Gbagbo, mais également ceux qui désirent que la Côte d’Ivoire retrouve la paix et la prospérité d’antan ainsi que le chemin d’une vraie reconciliation nationale. La libération de Laurent Gbagbo en serait la condition initiale. Certains partisans, mais aussi plusieurs spécialistes du droit international, ont quant à eux exprimé un certain mécontement sur le fait que Laurent Gbagbo n’ait pas été libéré à l’annonce de cette décision en attendant que l’accusation « trouve quelque chose, ou du moins fasse semblant d’avoir trouvé».

 Pour finir, il reste à souhaiter que l’espoir de justice qui semble renaître chez des millions d’Ivoiriens, mais également d’Africains et de citoyens du monde épris de liberté, puisse devenir réalité. Et que la CPI, très critiquée pour ses contradictions évidentes, puisse retrouver un semblant de légitimité et d’équité en prenant la bonne décision dans un dossier désespérément vide depuis le début. Surtout quand on sait que les bourreaux d’hier sont devenus les « justiciers » d’aujourd’hui. Bien sûr, comme par magie, tous ceux qui avaient combattu ces bourreaux et défendu leur pays, la Côte d’Ivoire, dès le déclenchement de la crise en septembre 2002, sont désormais injustement emprisonnés sans aucune base juridique ou condamnés à l’exil par le pouvoir ivoirien.

Mikhail Gamandiy-Egorov