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Chaos libyen: quel avenir?

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Au moment où la Syrie retrouve progressivement la paix et que le noyau dur du terrorisme y a été anéanti, la Libye post-Kadhafi continue, elle, à se maintenir dans le chaos. Le tout sans perspectives d’avenir vraiment radieuses. Après l’intervention militaire de l’Otan de 2011 contre la Jamahiriya libyenne – en son temps l’un des pays les plus prospères et stables d’Afrique, les choses continuent de se détériorer. Dans cette réalité chaotique, qui en portera responsabilité et quelles perspectives d’avenir attendent la Libye?

En effet, la République arabe syrienne a non seulement survécu en tant qu’Etat, alors que nombre d’observateurs, principalement occidentaux, lui prédisaient la fin pure et simple. Il est vrai que les raisons de le penser étaient plausibles : devant une force internationale terroriste composée de ressortissants de plusieurs dizaines d’Etats, le tout avec un «généreux» financement extérieur, la Syrie se trouvait dans une situation extrêmement critique. Néanmoins, la colonne vertébrale du terrorisme a été cassée de plein fouet, surtout après l’intervention de la Russie de septembre 2015 à la demande officielle du gouvernement légitime syrien. Plus que cela, ce grand pays civilisationnel, a aujourd’hui toutes les chances de redevenir au fil du temps une importante puissance régionale, avec le soutien de ses alliés. Le tout au grand dam de ceux qui voulaient justement anéantir cette civilisation multiethnique et multiconfessionnelle.

Dans le cas libyen, le processus suit un cours vraisemblablement inverse. Beaucoup avaient d’ailleurs parlé de la «somalisation» de la Libye. Mais au-delà de cette somalisation, les conséquences eux risquent de s’avérer peut-être même pires qu’en son temps en Somalie. Et ce pour plusieurs raisons. De un, la Libye est une puissance pétrolière et ses ressources naturelles ne manquent pas de susciter l’appétit des puissances extérieures. De deux, sa situation géographique, entre l’Afrique du Nord et le Sud de l’Europe, sans oublier les frontières communes avec les pays du Sahel, en fait une place stratégique pour divers intérêts géopolitiques. De trois, toujours cette proximité avec l’Europe, en fait un pont pour les nombreux migrants africains fuyant guerres et misère. Et compte tenu du chaos régnant aujourd’hui en Libye et du fait que de nombreux commandants de guerre (soutenus d’ailleurs en leur temps par l’Otan dans le but d’éliminer Mouammar Kadhafi) en ont fait un business très lucratif, le flux de migrants à destination des pays européens se poursuit sans cesse.

En parlant d’ailleurs de migration, il serait important de noter qu’à l’époque de la Jamahiriya de Kadhafi, la Libye pouvait non seulement se permettre d’accueillir un large nombre de migrants issus d’autres pays africains, mais également d’autres contrées, y compris européennes : de nombreux Roumains, Bulgares et d’autres représentants de cette partie d’Europe travaillaient avec joie dans ce pays. Les Libyens, eux, n’immigraient pas ou peu. A l’inverse d’aujourd’hui, où de nombreux citoyens du pays se voient pratiquement obligés de quitter leur terre, non seulement en raison de problèmes financiers et du manque d’opportunités (à moins de rejoindre les divers groupes armés qui sévissent dans le pays), mais aussi et surtout par manque pure et simple de sécurité. Et si à l’époque de Kadhafi, les autorités du pays réussissaient à gérer le flux migratoire en offrant aux migrants des opportunités de travail sur place, aujourd’hui le pays est devenu tout simplement une plaque tournante pour les migrants de différentes contrées à destination d’Europe. Beaucoup d’ailleurs ne réussissent pas la traversée : nombreux sont ceux qui décèdent en mer Méditerranée, d’autres tombent dans l’esclavage sur le sol libyen au profit de groupes armés, souvent d’obédience extrémiste, d’autres meurent tout simplement dans des conditions inhumaines avant même d’avoir eu l’occasion de tenter la traversée.

Maintenant, parlons un peu de responsabilité. Si dans le passé, au-delà d’avoir détruit l’Etat libyen et de l’avoir plongé dans le chaos, y compris terroriste – car faut-il le rappeler aussi la «Libye» actuelle devient un terrain privilégié d’implantation de sympathisants de Daech, surtout après leur défaite en Syrie, les Etats concernés ont non seulement rien fait pour ne serait-ce que tenter d’apporter une quelconque stabilisation dans ce pays, mais au contraire le chaos persistant rentre parfaitement dans l’agenda de certains d’entre eux.

Et dans la confrontation actuelle entre le Gouvernement d’union nationale, basé à Tripoli, et soutenu principalement par la Turquie et le Qatar – d’un côté. Et de l’autre la Chambre des représentants basée à Benghazi, dont est associée l’Armée nationale libyenne sous le commandement du maréchal Khalifa Haftar – soutenue principalement par les Emirats arabes unis et l’Egypte, rien ne présage une résolution rapide de la crise libyenne et d’un retour digne de ce nom à une vie normale pour la population du pays. Cela sans même parler des conséquences néfastes pour les pays de la région. Bien que l’Armée nationale libyenne contrôle une large partie du territoire libyen, la tentative de prendre la capitale nationale Tripoli n’a pas donné de résultat pratique jusqu’à maintenant. Le tout au moment où les groupes terroristes takfiristes s’activent et comme dit plus haut misent entre autres sur le territoire libyen pour leur implantation ultérieure.

Compte tenu de la multitude d’acteurs intérieurs comme extérieurs, ces derniers dépassant la liste des pays cités ci-haut, de l’implantation d’un nombre important d’éléments terroristes liés à Al-Qaida et Daech sur le sol libyen – un processus accéléré après leur débâcle en Syrie, sans oublier le fait que le gouvernement tripolitain est lié lui-même à plusieurs groupes armés d’obédience salafiste, l’optimisme sur l’avenir de la Libye est loin d’être au rendez-vous. Dans cette situation, beaucoup parlent de la nécessité d’un rôle accru de la Russie, surtout après le succès de son opération militaire, mais aussi politico-diplomatique sur le front syrien. Plusieurs experts parlent d’un soutien russe au maréchal Haftar, notamment grâce à l’efficacité de son armée contre les éléments terroristes. Mais du côté de la position officielle de Moscou, l’objectif est surtout de permettre à la Libye d’en finir avec la guerre civile et d’éliminer les groupes terroristes présents sur son sol – conditions inévitables pour que la Libye puisse un jour sortir du chaos dans lequel elle a été plongée depuis 2011, suite à l’intervention otanesque. D’autant plus que selon nombre d’experts, Haftar aura du mal à représenter les intérêts de l’ensemble des Libyens.

Dans ces conditions, le retour à l’ère kadhafiste serait peut-être la solution. En effet, le fils de Mouammar Kadhafi – Saïf al-Islam, a annoncé ses ambitions de prendre le pouvoir dans le pays dans le cadre d’élections présidentielles qui devraient avoir lieu prochainement, bien qu’il soit très difficile de parler d’élections dans un pays déchiré et se trouvant en guerre civile. Néanmoins, grand nombre de Libyens regrettent en effet aujourd’hui avec nostalgie le temps de la Jamahiriya. Et au vu des sondages d’opinion menés en Libye, Saïf al-Islam fait figure de personnalité politique favorite aux yeux d’un large nombre de citoyens libyens.

Au vu de la réalité actuelle, il est très difficile de pouvoir faire des prévisions sur l’avenir libyen. Tout dépendra de la suite des événements, au moins des prochains mois. Une chose reste néanmoins sûre : les responsables du chaos libyen devraient un jour répondre au vu de leur responsabilité directe dans ce chaos.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1188

Saïf al-Islam Kadhafi pourra-t-il sortir la Libye de l’ornière?

Saïf al-Islam Kadhafi

Après des années de ruine, de violence et de marasme, la Libye pourrait-elle entrevoir le bout du tunnel avec le retour de l’un des fils de Kadhafi au pouvoir ? Un retour sur le devant de la scène libyenne qui symboliserait en tout cas l’échec de la stratégie du chaos menée par l’Occident dans ce pays et ailleurs. Essayons d’y voir plus clair.

Une chose est certaine. Après l’intervention dans la tradition purement néocoloniale de l’Otan contre la Jamahiriya de Kadhafi — qui fut un temps l’un des pays les plus prospères d’Afrique — la désillusion des Libyens, y compris de ceux qui auraient pensé que la chute du colonel Kadhafi serait bénéfique, est totale. Terrorisme, insécurité, crise économique, instabilité, racisme et la liste est bien loin d’être exhaustive — telles sont les résultats de la énième intervention occidentale contre un pays souverain.

La désillusion est d’ailleurs telle qu’aujourd’hui les mêmes Libyens, qui pouvaient sous Kadhafi accueillir un large nombre de migrants, issus aussi bien de pays africains qu’au-delà, se retrouvent eux-mêmes obligés de fuir leur pays par manque de sécurité, mais aussi d’opportunités — à moins d’appartenir à un groupe armé salafiste. Telle est la bien triste réalité de la « nouvelle » Libye, ou du moins de ce qu’il en reste.

Et alors que l’ex-Président français Nicolas Sarkozy vient d’être mis en examen dans le cadre d’une enquête sur le financement de sa campagne par des fonds libyens, Saïf al-Islam, second fils de Mouammar Kadhafi et survivant du massacre de sa famille, a annoncé par le biais de l’un de ses représentants basé à Tunis, son intention de présenter sa candidature à la présidentielle libyenne, prévue cette année. En outre, il n’a pas manqué de rappeler qu’il possède toujours des preuves « solides » contre Sarkozy et qu’il est prêt, de même qu’Abdallah Senoussi et Bachir Salah — respectivement ex-directeur des services de renseignements libyens et ex PDG de la Libya Investment (fonds souverain de Libye), à les diffuser.

L’avenir de Sarkozy m’intéressant peu, surtout qu’il est bien peu probable de le voir être jugé par une justice internationale digne de ce nom, à l’instar d’autres « leaders » occidentaux, il est donc plus intéressant de se focaliser sur l’éventuel avenir politique de Saïf al-Islam dans son pays. Ses chances d’un retour réussi dans la politique libyenne sont tout à fait réalistes, alors qu’il jouit d’une popularité réelle au sein d’une large partie de la population, surtout au regard des défis auxquels doit faire face le pays depuis l’intervention otanesque. Néanmoins, son éventuel retour sur la scène libyenne ne résout pas la question de fond: une Libye unie est-elle encore envisageable?

En effet, depuis la destruction de la Jamahiriya par les Occidentaux et leurs alliés salafistes locaux, ce pays a suivi la voie d’une somalisation et d’une division évidentes. Une chose qui ne serait évidemment jamais arrivée si les élites occidentales n’avaient pas décidé en mars 2011 d’anéantir la souveraineté et la prospérité de cette nation pour pouvoir ensuite piller impunément des ressources naturelles ne leur appartenant pas (un cas d’école). L’occasion de se débarrasser par la même occasion d’un leader panafricain, dont les projets, à bien des niveaux révolutionnaires aussi bien pour la Libye que pour toute l’Afrique, ne rentraient aucunement dans la vision des concepteurs de l’unipolarité (cas d’école aussi).

Le chemin sera long. Mais rien n’est impossible. Une chose est pour autant sûre: pour retrouver un minimum de stabilité et vaincre le terrorisme qui se développe telle une gangrène en terre libyenne, la Libye aura besoin d’assistance. Mais certainement pas celle de l’Occident, surtout que ce dernier sait tellement bien détruire, mais tellement moins bien réparer les dégâts créés.
D’ailleurs, au-delà de la triste réalité libyenne, relevons que la stratégie adoptée par l’establishment atlantiste, pensant pouvoir sauver son concept du monde unipolaire par ses instruments traditionnels de pression — interventions militaires, violations des souverainetés, sanctions économiques, campagnes diffamatoires médiatiques,… tombe de plus en plus clairement à l’eau.

Même la puissance médiatico-financière de cet establishment n’est aujourd’hui tout simplement plus en mesure de donner des justifications convaincantes à ces pratiques néocolonialistes. Lorsque l’on observe l’émergence de grandes puissances alternatives, dont la vision des relations internationales diffère radicalement de celle des atlantistes, et la volonté évidente d’un grand nombre de peuples à changer une bonne fois pour toute la donne, la chute des anciens maitres planétaires apparaît d’autant plus inévitable et brutale que le processus est déjà enclenché.

Rien ne sera plus comme avant. C’est un fait. Et dans le cas concret de Saïf al-Islam Kadhafi, il ne reste qu’à lui souhaiter bonne chance pour la suite. Mais aussi et surtout de ne plus faire confiance à ceux, qui ont détruit son pays, massacré des milliers de ses concitoyens, tué son père et plusieurs membres de sa famille. Après tout, l’erreur est humaine, mais l’essentiel est d’en tirer des leçons pour entreprendre les actions nécessaires à mettre fin, à terme, au chaos.

Et de porter un coup final à ceux qui l’ont amplement mérité.

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201803221035611713-kadhafi-libye/

Mikhail Gamandiy-Egorov