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Hydrocarbures russes et les nouveaux mauvais calculs de l’Occident

29.03.2023

Les dernières statistiques en matière d’exportations d’hydrocarbures par la Russie démontrent largement que les plans occidentaux à travers les sanctions unilatérales visant Moscou ne fonctionnent pas. Confirmant une fois encore que le monde dans sa globalité, c’est beaucoup plus qu’un espace représentant une évidente minorité mondiale.

« Hydrocarbures. La Russie dope ses chiffres en dehors de l’Europe », écrit le site marocain Infomédiaire, en indiquant que suite aux sanctions imposées par certains pays de l’UE, la Russie s’est tournée vers d’autres marchés pour écouler sa production d’hydrocarbures. Ainsi – le diesel et le gasoil russes ont trouvé preneurs en Afrique, Asie et au Moyen-Orient.

Selon les données de Refinitiv (entreprise américano-britannique, fournisseur de données et d’infrastructures sur les marchés financiers, ndlr), les exportations de diesel et gasoil russes à la destination de la Türkiye ont dépassé 1,2 million de tonnes en ce mois de mars. Représentant par la même occasion un record en comparaison au mois précédent (0,8 million de tonnes).

Par ailleurs et toujours selon les données pour la période concernée – près de 200 000 tonnes de diesel russe ont été expédiées vers la Libye, environ 165 000 tonnes vers l’Algérie et 100 000 tonnes vers la Tunisie. Cette dernière ayant déjà importé un volume record de gasoil russe au cours du mois de février. Les autres importateurs importants au niveau africain étant le Maroc, le Nigéria, le Ghana ou encore le Sénégal.

Du côté de l’Amérique latine – 300 000 tonnes de diesel ont transité en ce mois de mars par le Brésil depuis des ports maritimes russes (en février le volume était de 250 000 tonnes). Et du côté du Moyen-Orient : la Russie avait envoyé pas moins de 450 000 tonnes de diesel vers l’Arabie saoudite le mois dernier et environ 200 000 tonnes devraient arriver aux Emirats arabes unis ce mois-ci.

Les exportations russes sont en passe d’atteindre un record ce mois-ci (depuis 2016…), et ce malgré les sanctions de l’Union européenne privant le pays de son plus grand marché, écrit de son côté Bloomberg. Ajoutant que les expéditions d’hydrocarbures russes de mars ont atteint en moyenne environ 1,5 million de barils par jour et que des pays comme la Turquie, le Maroc, ainsi que d’autres ont effectivement intensifié leurs achats.

Le constat est une nouvelle fois relativement simple : le business international et plus généralement le monde tout simplement ne tournent pas autour de l’espace occidental, bien que ce dernier se pensait être irremplaçable. Les faits cités ne représentent que quelques exemples supplémentaires à ce qu’Observateur Continental affirmait depuis plusieurs années.

Pour autant les élites occidentales sont-elles à ce point incompétentes à ne pas avoir prévu que leurs fameuses sanctions unilatérales et illégales tomberaient rapidement ou dans certains cas progressivement à l’eau ? L’incompétence fait évidemment partie des caractéristiques qui devraient leur être attribuées. Néanmoins, l’arrogance extrême les caractérisant y est aussi pour beaucoup. Car l’Occident politique était au départ effectivement convaincu que le monde entier ou presque allait suivre ses ordres et se conformer à la ligne de l’axe russophobe otanesque stipulant l’isolation immédiate de la Russie.

Cela n’a pas marché. A dire vrai les Occidentaux ont vraisemblablement énormément sous-estimé la force de l’ère multipolaire, préférant se berner dans leurs illusions que ce n’est qu’un projet qui prendra du temps à se réaliser. Et n’ayant pas compris que l’ordre multipolaire est déjà une réalité depuis plusieurs années et qu’à travers leurs propres actes – n’ont fait qu’accélérer maintenant l’avènement d’un monde multipolaire post-occidental. Non pas que l’objectif des partisans de la multipolarité était d’exclure complètement le petit espace occidental du reste de l’humanité, mais c’est un chemin que l’establishment occidental s’est choisi soi-même.

Quant à l’échec de la politique des sanctions unilatérales et au fait que dans le commerce international contemporain – le monde ne tourne pas sur l’Occident – cela constitue les autres orientations qu’Observateur Continental avait abordé des mois auparavant.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Le format des BRICS+ en tant qu’une des priorités des Etats membres

19.06.2022

L’organisation des BRICS semble promouvoir de plus en plus une approche multilatérale permettant une intégration maximale dans le cadre du concept BRICS+, donnant la priorité à la diversité géographique aux pays concernés par cette interaction, et renforçant la thèse d’un ordre multipolaire post-occidental.

L’un des points principaux de la présidence chinoise des BRICS (composée du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud) a été le lancement d’une réunion BRICS+ élargie au niveau des ministres des Affaires étrangères, dans laquelle au-delà des pays membres de l’organisation internationale, ont été conviés les représentants de l’Egypte, du Nigéria, du Sénégal, de l’Argentine, du Kazakhstan, d’Indonésie, d’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de Thaïlande. Une perspective déjà abordée par Observateur Continental.

Mis à part cette initiative du leadership chinois, Pékin a également présenté un format de dialogue inclusif couvrant toutes les grandes parties du Sud global, réunissant des plateformes d’intégration régionale en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine.

Anil Sooklal, ambassadeur spécial d’Afrique du Sud pour les BRICS et les pays d’Asie, en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg auquel il participe, a déclaré «que le format actuel des BRICS permet aux Etats membres de répondre aux défis géopolitiques et financiers actuels».

Toujours selon lui, l’ignorance par les pays occidentaux de l’architecture multilatérale des affaires internationales en matière de sécurité, ainsi que l’imposition des sanctions contre la Russie – entraînent des problèmes dans les domaines de l’alimentation et de l’énergie. Tout en ajoutant «que nous avons été très souvent privés d’accès aux vaccins. Nous avons également vu l’impact dévastateur des changements climatiques et nous constatons que de nombreux pays dits développés ne partagent par les technologies avec les autres pour surmonter les problèmes existants. Notre président (le président sud-africain Cyril Ramaphosa, ndlr) avait expliqué que nous étions déjà confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire et nous nous sommes tournés vers la Russie pour résoudre ce problème».

En termes de perspectives et au-delà d’un élargissement en cours du format de partenariat avec le BRICS+, un point très important concerne effectivement non seulement le maintien des relations stratégiques entre les Etats membres, mais également un renforcement encore plus notable de ces relations.

Ainsi, malgré les multiples tentatives occidentales de saper le développement des relations sino-russes, cela non seulement n’a pas abouti, mais au contraire suit le cours absolument inverse de celui souhaité par les nostalgiques de l’ère unipolaire. La toute récente discussion téléphonique entre les présidents russe et chinois n’a fait d’ailleurs que le confirmer. 

Une discussion durant laquelle le leader chinois a réitéré que la Chine est prête à travailler avec la Russie pour continuer à se soutenir mutuellement sur leurs intérêts fondamentaux respectifs concernant la souveraineté et la sécurité, ainsi que sur leurs préoccupations majeures, en approfondissant leur coordination stratégique et en renforçant la communication et la coordination dans des organisations internationales et régionales importantes telles que l’ONU, les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Autre point très important: la Chine est également disposée à travailler avec la Russie pour promouvoir la solidarité et la coopération entre les marchés émergents et les pays en développement, et pour faire avancer l’ordre international et la gouvernance mondiale vers une direction plus juste et plus raisonnable.

La réalité est devenue parfaitement évidente. Même nombre d’experts intervenant sur les plateaux des chaines occidentales le reconnaissent: la Chine et la Russie se trouvent sur la même longueur d’onde. Une réalité qui a au moins le mérite d’être honnête et comme résultat largement plus appréciée par les téléspectateurs.

De manière générale, il devient évident que les BRICS tout en représentant une large partie de l’humanité, aussi bien du point de vue démographique, économique qu’industriel – misent désormais sur une intégration encore plus large pour définitivement tourner la page d’une fausse communauté internationale, et mettre pleinement en pratique la seule et véritable.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Magaye Gaye : « L’Afrique recherche des partenaires fiables » (Partie 2)

Magaye Gaye : « L’Afrique recherche des partenaires fiables » (Partie 2)

Suite de la première partie de l’entretien

 

LVdlR : Quelle vision avez-vous des rapports russo-sénégalais et plus généralement russo-africains ? Quelle image la Russie contemporaine donne-t-elle d’elle-même auprès de vos compatriotes et des Africains francophones avec lesquels vous collaborez ?

Magaye Gaye : Cette question concerne au premier plan les autorités gouvernementales du Sénégal qui ont en charge la responsabilité de conduire les destinées du pays. En ma qualité de simple citoyen, j’estime, au regard des informations à ma disposition que les relations de coopération entre la Russie et le Sénégal sont normales et au beau fixe. La visite effectuée au Sénégal en 2007 par le ministre des Affaires étrangères russe Monsieur Sergueï Lavrov ainsi que celle effectuée en Russie par le ministre sénégalais des Affaires étrangères sortant, Monsieur Madické Niang, s’inscrivaient sans doute dans une dynamique de renforcement des relations diplomatiques et économiques entre les deux pays. Au plan économique, les liens de coopération sont encore timides et beaucoup de choses restent à faire.

S’agissant de l’image que la Russie donne d’elle-même auprès des Africains, c’est d’abord celle d’un grand pays, héritier d’une grande puissance militaire, l’URSS qui, à la différence des grandes puissances occidentales, n’a pas de passé colonial. Un pays qui a soutenu les mouvements anticolonialistes et accompagné les indépendances africaines. Par ailleurs, j’ai l’impression que beaucoup d’Africains ignorent encore que l’aïeul du plus grand poète de la Russie, le génie même de la langue russe, Alexandre Pouchkine, était un Africain. En outre le Russie est perçue comme une nation qui a beaucoup contribué à la formation de nombreuses générations d’Africains. Il convient de rappeler que quelques 70.000 Africains ont été diplômés des écoles supérieures de l’ex-URSS.

Hélas aussi, les Africains ont le sentiment que la Russie ne s’intéresse pas beaucoup à leur continent comme l’attestent du reste les rares déplacements du Président Poutine et de son Premier Ministre Medvedev sur le continent. Cette situation est peut être liée au fait que le pays dispose de ressources naturelles variées, et n’éprouve pas pour cette raison le besoin de competir avec des puissances comme l’Inde, la Chine ou l’Europe. Cette lecture devrait être revue à mon avis par la Russie dans la mesure où les enjeux du 21ème siècle ne sont pas seulement économiques mais aussi culturels, géopolitiques et géostratégiques.

LVdlR : Que faudrait-il faire selon vous pour l’accélération de la mise en place d’une collaboration russo-africaine privilégiée ? Quelle stratégie devrait adopter la Russie par rapport à l’Afrique ?

Magaye Gaye : Je pense que la Russie gagnerait à réaliser que nous sommes dans un monde globalisé avec une interdépendance économique réelle. La Russie, à l’instar de la Chine, de l’Inde, du Brésil ou de l’Union Européenne, devrait être plus visible sur le continent, à un niveau politique et stratégique très élevé. Le continent africain recherche des partenaires fiables, soucieux de son développement à long terme et disposés à coopérer dans le cadre d’une coopération gagnant gagnant.

Les opérateurs économiques russes devraient aussi multiplier les missions de prospection s’ils veulent accroître leur part de marché en Afrique. A cet effet, ils pourraient gagner en temps et en efficacité en passant par des structures bien implantées et connaissant parfaitement le marché comme notre cabinet. L’autre axe pourrait consister à augmenter son volume d’investissements qui est encore dérisoire notamment en direction de l’Afrique subsaharienne. En ce qui concerne les enjeux relatifs au maintien de la paix, les actions de la Russie devraient être renforcées et faire l’objet d’une meilleure communication.

Enfin, la Russie devrait travailler à l’amélioration des dessertes aériennes et maritimes avec le continent africain et renforcer ses canaux diplomatiques et culturels par l’ouverture d’ambassades et de centre culturels complémentaires.

LVdlR : Dernièrement, on a assisté à un incident peu agréable, lorsque un navire de pêche russe a été arrêté au large du Sénégal en raison d’une supposée pêche illégale. Que pensez-vous de cette situation ? Ledit bateau était-il véritablement en violation selon vous ou y a-t-il eu un travail fait par des acteurs externes qui apprécient peu le retour de la Russie en Afrique, bien qu’encore assez timide ?

Magaye Gaye : Sur cette question, les autorités sénégalaises ont déjà beaucoup communiqué. L’opinion que j’exprime n’engage que moi. Il convient de rappeler que le bateau de pêche Oleg Naydenov a été arraisonné le 4 janvier 2014 à 46 milles nautiques (85 km) du littoral de la Guinée-Bissau par les militaires sénégalais qui l’ont escorté jusqu’au port de Dakar. Ce navire a été pris en flagrant délit de pêche illicite dans les eaux contrôlées par le Sénégal. La question est de savoir si le gouvernement sénégalais a agi selon la légalité internationale. Ma réponse est oui. En effet, selon les dispositions du droit international, notamment celles de la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer qui est encore appelée Convention de Montego Bay, sauf dans les cas où l’intervention procède de pouvoirs conférés par traité, un navire de guerre qui croise en haute mer un navire étranger, autre qu’un navire jouissant de l’immunité prévue aux articles 95 et 96, ne peut l’arraisonner que s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire se livre à la piraterie. Ce que le gouvernement sénégalais a fait, en toute légalité sur la base d’informations fondées résultant de prises de vues et de cartes prouvant que le navire était bien dans les eaux sénégalaises. Il est à rappeler que selon certaines sources, ce bateau n’en est pas à sa première opération illégale du genre.

J’ai personnellement déjà écrit par le passé des communications sur la nécessité de protéger nos intérêts économiques, notamment nos ressources halieutiques contre toute forme de piraterie. Dès lors, j’interprète l’action du gouvernement du Sénégal sur ce dossier comme un acte de bonne gouvernance d’un pays souverain qui vise à protéger ses ressources halieutiques. Je demeure persuadé que la Russie, qui durant toute son histoire, a défendu les intérêts des pays en développement ne peut soutenir des comportements allant dans le sens d’un appauvrissement d’un pays partenaire.

Je me félicite de noter qu’à la faveur des négociations menées, le navire russe Oleg Naydenova été libéré suite au paiement d’une amende de 400 millions de francs CFA (environ 610 000 euros).

Il convient de noter que ce genre d’incidents est parfois constaté dans les relations entre Etats. Ce sont des affaires ordinaires qui ne peuvent en aucune manière déteindre, à mon avis, sur les relations solides de coopération existantes entre la Russie et le Sénégal.
LVdlR : M. Magaye Gaye, merci pour cet entretien. Je pense que nous aurons l’occasion de rediscuter encore dans le futur sur les perspectives du partenariat russo-sénégalais. Bonne continuation à vous !

Magaye Gaye : Merci !

http://french.ruvr.ru/2014_01_31/Magaye-Gaye-L-Afrique-recherche-des-partenaires-fiables-Partie-2-9610/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

« Afrique, abandonner les solutions occidentales et repenser le développement autrement ». Entretien avec Magaye Gaye (Partie 1)

Magaye Gaye : « Afrique, abandonner les solutions occidentales et repenser le développement autrement » (Partie 1)

Aujourd’hui, nous avons le plaisir de nous entretenir avec M. Magaye Gaye, directeur général du Cabinet de recherche de financement GMCCONSEILS, basé à Dakar, la capitale sénégalaise. Titulaire d’un DESS en économie appliquée à la Gestion de l’Université de Rennes 1 en France, il a exercé pendant une quinzaine d’années dans les organisations sous-régionales africaines de financement du développement. Le Cabinet GMCCONSEILS rédige mensuellement des articles très engagés sur le développement de l’Afrique.

La Voix de la Russie : Monsieur Gaye, bonjour ! Merci d’être avec nous aujourd’hui. Pourriez-vous vous présenter plus en détail et parler plus amplement de vos activités ?

Magaye Gaye : Bonjour. Permettez- moi tout d’abord d’exprimer à La Voix de la Russie ma profonde gratitude pour avoir bien voulu me convier à cette interview. Effectivement, la présentation que vous avez faite en préambule sur nous, résume bien notre parcours académique et professionnel. Je voudrais juste ajouter que j’ai eu l’avantage au cours de ma carrière internationale de visiter de très nombreux pays dans le monde. Cependant, hélas, je n’ai pas eu l’occasion de venir dans votre beau pays la Russie. Je suis un panafricaniste convaincu et je milite à cet effet pour un renouveau du continent africain. Dans cette perspective, fort du constat que l’Afrique a raté ses 50 premières années post indépendances, je suis entrain de finaliser un ouvrage qui va sortir au mois de mars prochain intitulé Afrique, abandonner les solutions occidentales et repenser le développement autrement. Cette publication prépare un vaste mouvement fédérateur des cadres africains et non africains que notre cabinet est entrain de lancer. L’initiative vise à rassembler les meilleures compétences aptes à proposer des alternatives crédibles à la pensée dominante qui n’a pas donné les résultats escomptés depuis plus d’une cinquantaine d’années.

Sur un autre plan, je suis titulaire de deux distinctions honorifiques : la médaille de la reconnaissance centrafricaine et la carte compétence et talents délivrée par les autorités françaises, pour me permettre entre autres d’appuyer les universités françaises. Mon parcours professionnel m’a conduit en 2010 à créer un cabinet spécialisé dans la recherche de financement et l’appui aux entreprises africaines. Comme vous le savez, notre continent est dans une bonne dynamique de croissance. Cependant, nos entreprises peinent à trouver les ressources nécessaires à leur développement. Au niveau des bailleurs de fonds et des investisseurs internationaux, une faible connaissance des opportunités existantes empêchent de prendre des risques sur le continent. Le Cabinet GMCCONSEILS entend jouer un rôle d’intermédiation et de lobbying afin d’accompagner les investisseurs internationaux qui veulent percer le marché africain et faciliter la mobilisation de financements d’envergure sur le continent. A ce jour, de grosses entreprises internationales et fonds d’investissement nous font confiance. Nous espérons que les entreprises et investisseurs russes vont à court terme saisir cette opportunité.

LVdlR : Vous faites partie de cette élite sénégalaise et plus généralement africaine, très orientée sur votre continent. Quelle est votre vision de l’Afrique actuelle ?

Magaye Gaye : Effectivement, en tant que panafricain, je milite en faveur d’une Afrique décomplexée, responsable et respectueuse des symboles. Je ne trouve toujours pas normal que des questions stratégiques de sécurité concernant notre continent se règlent à Paris et non à Addis Abeba, la capitale abritant le siège de l’Union africaine. Je ne comprendrai jamais assez aussi pourquoi près d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement francophones, anglophones, lusophones et arabophones de notre continent acceptent au plan symbolique un forum France-Afrique réunissant la France, un pays de 66 millions d’habitants, à un continent de plus de 700 millions d’âmes ? Je nourris l’ambition de voir mon continent prendre en charge sa propre destinée, accorder plus d’importance aux symboles. Le problème actuel de l’Afrique est la qualité insuffisante de son leadership. Figurez-vous que plus de 50 ans après les indépendances, notre continent n’arrive toujours pas à décoller. Le Japon et l’Allemagne, fortement détruits après la seconde guerre mondiale, ont réussi à se redresser moins d’une dizaine d’années plus tard, devenant même respectivement la deuxième et la troisième économie au monde. Le cas de la Corée du Sud est tout aussi édifiant. En 1960, certains pays africains avaient quasiment le même niveau de développement économique que ce pays. Cinquante ans plus tard, ces pays africains font toujours partie des pays les moins avancés alors que la Corée du Sud a assuré son décollage économique : quinzième puissance économique mondiale en 2010. 

LVdlR : L’Afrique est un continent qui offre d’énormes opportunités et le Sénégal ne fait pas exception, notamment grâce à de nombreux domaines forts intéressants. Quelles sont selon vous les perspectives pour le Sénégal et le continent africain dans les cinq-dix prochaines années ? Quelles sont les axes prioritaires ?

Magaye Gaye : L’Afrique est un continent très riche à tous les niveaux. Son potentiel économique est extraordinaire : réserves d’or, de diamant, de pétrole, d’uranium de cobalte etc… Au plan agricole, de nombreuses réserves foncières inexploitées existent. Tout ceci pour dire que les perspectives pourraient être bonnes à la faveur de la mise en œuvre de politiques publiques vertueuses. Les besoins de financement du continent africain sont immenses. Pour le seul secteur des infrastructures, la Banque Africaine de Développement les estime à 390 milliards de dollars. Compte tenu des nombreuses réalisations à opérer sur le continent, dans quasiment tous les secteurs économiques (agriculture, élevage, pêche, industrie, télécommunications, énergie, transport, éducation et formation, etc….), on peut sans risque de se tromper affirmer, en l’absence de statistiques fiables agrégeant l’ensemble des besoins du continent, que la demande de financement est très forte.

Le taux de croissance attendu au niveau continental (5,3 % en 2014 ) ressort intéressant, même s’il est en dessous du taux de 7 % estimé nécessaire pour éradiquer la pauvreté. S’agissant du cas du Sénégal, que je connais mieux, des efforts importants tendant à l’assainissement des finances publiques et à la lutte contre la corruption sont menés avec courage par le gouvernement du Président Macky Sall. Le Sénégal ambitionne d’être un pays émergent dans un avenir proche. Dans cette perspective, il vient de se doter d’un plan stratégique ambitieux dénommé « plan Sénégal émergent » qui vise à porter le taux de croissance à au moins 7 % et le maintenir à ce niveau sur une période de 10 ans. Ce plan comporte un portefeuille de 28 projets. Ses axes prioritaires sont entre autres l’agriculture, l’agroalimentaire, l’habitat, les mines, les chemins de fer et le tourisme. Le Sénégal est un pays africain stable qui n’a jamais connu de coup d’Etat depuis les indépendances. La solidité de ses institutions, sa position géographique et la qualité de ses ressources humaines constituent de gros atouts qui en font un pays respecté par la Communauté internationale.

http://french.ruvr.ru/2014_01_30/Magaye-Gaye-Afrique-abandonner-les-solutions-occidentales-et-repenser-le-developpement-autrement-Partie-1-6507/

Mikhail Gamandiy-Egorov

Arraisonnement d’un chalutier russe au Sénégal : guerre économique et géopolitique déclarée ?

Arraisonnement d’un chalutier russe au Sénégal : guerre économique et géopolitique déclarée ?

Le 4 janvier dernier, le navire de pêche russe Oleg Naydenov ainsi que tout son équipage ont été arraisonnés au port de Dakar, la capitale sénégalaise, par les forces armées de ce pays. A bord du navire, 62 citoyens russes et 23 ressortissants de la Guinée-Bissau.

Selon les autorités sénégalaises, le motif de cette arrestation serait lié au fait que le navire de pêche russe aurait pêché illégalement dans les eaux du Sénégal. La partie russe dément et affirme s’être trouvée au moment des faits dans les eaux territoriales de la Guinée-Bissau, avec laquelle elle possède un accord de pêche. Mais quelles sont les véritables raisons de ce désagrément ?

La situation demeure confuse et les autorités sénégalaises n’ont toujours pas fourni de preuves qui justifieraient la mise en accusation du navire russe en ce qui concerne la pêche illégale. A Moscou, le chargé d’affaires sénégalais Mamadou Diagne (l’ambassadeur du Sénégal en Russie se trouvant lui en congé dans son pays jusqu’à fin janvier) a été convoqué par le ministère russe des Affaires étrangères. Le vice-ministre Mikhail Bogdanov a transmis au diplomate sénégalais l’exigence par la Russie de la « libération sans délai du chalutier Oleg Naydenov et de tout son équipage ». Ce message a également été transmis au ministre sénégalais des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, via l’ambassadeur russe présent à Dakar.

Quant à l’Agence fédérale russe pour la pêche (Rosrybolovstvo), elle prépare plusieurs plaintes en justice contre l’action des autorités sénégalaises. D’autant plus qu’au moins quatre membres de l’équipage ont été blessés lors de l’attaque des forces sénégalaises, dont le capitaine du navire Vadim Mantorov. Jusqu’ici, aucun d’entre eux n’avait pu obtenir de soins médicaux. Aucun membre de l’équipage ne peut d’ailleurs quitter le navire.

Le tout est d’autant plus complexe que vraisemblablement, plusieurs forces externes jouent leurs jeux. En effet et mis à part les parties sénégalaise et russe, on entend beaucoup figurer le nom de l’organisation Greenpeace, qui ne serait pas étrangère à cet incident. L’organisation avait déjà tenté d’attaquer ledit navire auparavant et surtout Greenpeace ne peut vraisemblablement toujours pas pardonner à la Russie l’arrestation encore relativement récente de ses militants qui avaient alors attaqué une plate-forme pétrolière du géant gazier russe Gazprom dans l’Arctique. Bien que tous les activistes de Greenpeace aient été amnistiés le 25 décembre dernier et que toutes les poursuites ont abandonnées par la justice russe, ladite organisation a clairement gardé une dent contre la Russie, peut-être même au-delà des raisons purement « écologiques ». Dans tous les cas, Greenpeace aurait effectivement fait pression sur les autorités sénégalaises afin d’éviter une résolution rapide et diplomatique entre le Sénégal et la Russie.

Parmi les autres acteurs mentionnés du côté russe et qui pourraient être impliqués dans le désagrément, on parle de l’Union européenne, dont particulièrement la France. D’ailleurs, un navire de guerre français est actuellement présent dans le port de Dakar. Coïncidence ? Ou politique logique du tristement célèbre système de la Françafrique ? A ce propos, le chef de l’Agence fédérale russe pour la pêche, Andreï Kraïniy, n’a pas manqué de mentionner les différents acteurs mécontents du début du retour de la Russie sur le continent africain : « Il s’agit d’une guerre économique. Nous sommes des concurrents aux forces en présence. Notre présence n’est pas très appréciée, aussi bien par nos collègues de l’Union européenne que par ceux de la Chine. Pour moi, il s’agit bel et bien d’une bataille économique pour l’accès aux ressources par tous les moyens et toutes les méthodes. Nos concurrents ne sont pas ravis du fait que la Russie revienne activement en Afrique après notre disparition du continent qui a suivi l’éclatement de l’URSS ».Andreï Kraïniy est néanmoins resté optimiste quant à la résolution de cet incident et sur l’avenir en général.

A noter que le gouvernement de la Guinée-Bissau n’a pas manqué lui aussi de faire pression sur les autorités sénégalaises. Pour rappel, 23 membres du navire russe (sur les 85 au total) sont citoyens de cette république voisine du Sénégal. A la suite d’un conseil extraordinaire des ministres présidé par le premier-ministre du pays Rui Duarte de Barros, le gouvernement bissau-guinéen a pris ouvertement et officiellement fait et cause pour la Russie et a en outre accusé le Sénégal d’avoir« attenté à l’intégrité physique de ses ressortissants » travaillant avec leurs collègues russes. Dans le communiqué du conseil, on peut lire que « la Guinée-Bissau regrette profondément le passage à tabac de ses marins par les autorités sénégalaises et demande des explications immédiates à ces dernières ».Les autorités bissau-guinéennes ont également affirmé que le navire Oleg Naydenovse trouvait dans les eaux territoriales de leur pays et non pas dans celles du Sénégal et que le navire possédait une autorisation de pêche à cet effet.

Pour revenir au Sénégal, plusieurs chiffres sont avancés en qualité de réclamation au propriétaire du navire. Initialement, les différents médias avançaient le chiffre de 600 000 euros en qualité d’amende au propriétaire du chalutier, ainsi que la confiscation de sa cargaison. Désormais, on entend de plus en plus le chiffre de trois millions de dollars. L’armateur quant à lui ne se reconnait aucunement coupable et compte poursuivre l’action en justice.

Malgré le fait que les motifs de l’arraisonnement du navire russe par les militaires sénégalais restent bien obscurs et que les preuves que prétendent posséder les autorités sénégalaises ne sont toujours pas fournies, une chose néanmoins reste claire. Le retour (bien qu’encore assez timide) de la Russie en Afrique en fait trembler déjà plus d’un, à savoir tous les acteurs externes qui veulent à tout prix sauvegarder leur mainmise sur les ressources du riche continent africain. Mais plus la Russie formera une véritable stratégie effective pour l’Afrique et plus elle passera à l’action, plus ces acteurs externes auront du mal à l’arrêter, elle, ainsi que tous ceux qui sur le continent africain désirent cette étroite collaboration avec la Russie.

http://french.ruvr.ru/2014_01_13/Arraisonnement-d-un-chalutier-russe-au-Senegal-guerre-economique-et-geopolitique-declaree-6791/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

 

Tournée africaine d’Obama : un fiasco évident

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La tournée du président étasunien Barack Obama en Afrique s’est achevée il y a quelques jours à peine. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la première grande tournée sur le continent africain du premier président afro-américain a été tout sauf une réussite.

             

 La première étape de sa tournée a amené Obama au Sénégal. Après un accueil plutôt chaleureux et la visite symbolique de l’île de Gorée, triste plaque tournante de la traite esclavagiste d’antan, Obama a vite rappelé son rôle de donneur de leçons, notamment sur la question de la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal et en Afrique en général. La réponse du président sénégalais ne s’est pas faite attendre et en pleine conférence de presse commune, M. Macky Sall a clairement rappelé au président étasunien la position sénégalaise sur la question. Il a notamment déclaré que lui-même, en qualité de président de la République du Sénégal, n’est nullement homophobe, et que les homosexuels ne subissaient aucune discrimination, notamment au niveau de l’emploi. Et d’ajouter : « Tout en respectant les droits des homosexuels, nous ne sommes pas disposés à lever cette disposition de la loi. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes homophobes mais c’est à la société sénégalaise de traiter cette question sans subir aucune pression ».

 Il a également souligné qu’il fallait respecter le choix de chaque pays sur des questions aussi complexes et contradictoires. M. Macky Sall a également rappelé que chaque pays a le droit de tenir compte de sa culture, de ses traditions et de ses valeurs, sans oublier que même dans les pays ayant autorisé le fameux « mariage pour tous », c’était bien loin de faire l’unanimité au sein de la population. Une allusion presque non voilée à la France, où l’adoption de ladite loi a vivement divisé la société française et où la voix de la majorité de la population a été tout simplement ignorée au nom d’intérêts de lobbies ultra-puissants. Une réponse claire et digne aux donneurs traditionnels de leçons qui ne se soucient guère des problèmes internes de leurs propres pays et qui font la sourde oreille aux revendications légitimes de leurs peuples.

 Après le Sénégal, Obama a fait escale en Afrique du Sud, où il aura passé la plus grande partie du temps de sa tournée. Pas surprenant compte tenu du poids politique et économique de la République Sud-africaine sur le continent et qui est par ailleurs membre depuis 2011 du club des grandes puissances émergentes, les BRICS, avec la Russie, la Chine, l’Inde et le Brésil. Pour souhaiter la « bienvenue » à M. Obama, des centaines de manifestants dans plusieurs grandes villes Sud-africaines ont manifesté contre sa venue. Sur les pancartes des manifestants, on pouvait lire plusieurs accusations en lien direct avec les violations et les crimes commis par les USA au cours de leur histoire récente : guerres en Irak, en Afghanistan et en Libye, soutien des USA à Israël dans sa violation des droits du peuple palestinien, pillage de l’Afrique … y compris à travers des accusations qui visaient personnellement l’intéressé : « Obama, l’Oncle Sam sioniste », « Représentant de l’administration satanique », « Bush, Blair, Netanyahou et Obama : criminels de guerre »pouvait-on lire entre autres.

 Pas assez pour Barack Obama, qui avait ferme intention de rendre visite à l’hôpital au père de la nation Sud-africaine et au principal héros national, Nelson Mandela. Certainement pour se faire encore plus de publicité aux yeux du monde, mais également de ses propres concitoyens américains, à l’heure où le pays de Madiba, l’Afrique et le monde entier prient pour la guérison du héros de la lutte contre le régime raciste d’Apartheid. Fort heureusement, cette visite n’aura pas lieu. Néanmoins, Obama rencontrera la famille de Nelson Mandela et visitera symboliquement l’île de Robben Island, où Mandela a été détenu durant 18 de ses 27 années d’emprisonnement, notamment « grâce » à la participation très active de la CIA…

 Après l’Afrique du Sud, Obama effectuera une brève visite en Tanzanie, évitant ainsi une visite au Kenya voisin, pays dont est originaire le père d’Obama, probablement en raison des poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de Uhuru Kenyatta et de William Ruto, respectivement président et vice-président actuels du Kenya.

 Cette tournée africaine d’Obama aura été tout sauf une visite de courtoisie mais bien le signe de la volonté étasunienne de contrer le poids et l’influence chinoise en Afrique. Une mission dont le bilan est visiblement un échec, car de moins en moins de gens ne se font d’illusions sur les « changements »promis par Obama au monde, ainsi que sur sa personnalité. La réponse du président du Sénégal aux leçons d’Obama et surtout les manifestations massives en Afrique du Sud ont clairement montré que l’Afrique préfère de loin avoir affaire à des partenaires respectant sa souveraineté et sa dignité.

http://french.ruvr.ru/2013_07_08/Tournee-africaine-d-Obama-un-fiasco-evident-4526/

Mikhail Gamandiy-Egorov