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Le soutien international en faveur de la Russie augmente (étude britannique)

09.03.2023

Depuis le lancement de l’opération militaire spéciale, le soutien plus ou moins affiché à la Russie à divers endroits du monde grandit. Cela concerne également les pays adoptant une position neutre et qui refusent eux-aussi à se joindre à l’axe anti-russe promu par l’Occident. C’est ce qu’il ressort de l’analyse d’un célèbre cabinet britannique.

L’analyse de l’équipe globale de prévision de l’Economist Intelligence Unit (EIU), cabinet britannique appartenant à The Economist Group, qui offre des prévisions et des services de conseil à ses clients au niveau international, montre qu’un nombre croissant de pays se rangent aujourd’hui du côté de la Russie.

Ce que note ladite analyste occidentale, c’est que depuis l’année dernière la situation n’a pas beaucoup changé pour les pays occidentaux et pro-occidentaux. Un bloc qui selon EIU représente environ 36% de la population mondiale. Le nombre de pays neutres est quant à lui passé de 26 à 35 (représentant désormais près de 31% de la population mondiale). Les analystes du cabinet britannique indiquent que certains pays qui étaient précédemment alignés sur l’Occident, dont la Colombie, la Turquie et le Qatar – sont ainsi entrés dans cette catégorie de pays neutres, au moment où leurs gouvernements cherchent à tirer des avantages économiques dans le cadre de l’engagement avec les deux parties. Cependant, la Russie et la Chine font monter les enchères en «recrutant» selon les termes employés par l’étude occidentale les pays non-alignés et neutres, en leur faveur.

Ainsi, pour Agathe Demarais, directrice générale de la prévision chez EIU, «la Russie et la Chine courtisent les pays neutres non-alignés dans le but de semer le doute sur les effets des sanctions visant la Russie et de tirer parti du ressentiment contre les anciennes puissances coloniales. Nous pensons que les deux pays intensifieront ces efforts dans les années à venir, posant des défis croissants aux démocraties et à la diplomatie occidentales, qui n’ont pas encore saisi toute l’ampleur de ce défi».

Aussi, ladite étude mentionne que le plus grand changement de position a été parmi les pays qui penchent vers la Russie: leur nombre est passé de 25 à 36. La Chine reste le pays le plus important dans cette catégorie, mais d’autres pays en développement (notamment l’Afrique du Sud, le Mali et le Burkina Faso) ont également évolué dans ce groupe, qui représente 33% de la population mondiale. Ces tendances mettant en évidence l’influence croissante de la Russie en Afrique, indique EIU.

Maintenant intéressons-nous encore de plus près à cette étude. En effet, EIU a divisé les pays du monde en cinq groupes: ceux qui condamnent la Russie, ceux qui penchent vers l’Occident, les pays neutres, ceux qui penchent vers la Russie, et ceux qui apportent un soutien officiel et déclaré à la Russie. A notre niveau, rappelons également que nombre de régimes occidentaux avaient plusieurs fois martelé que ceux qui adoptent une position neutre sur le dossier ukrainien, apportent également un soutien à la Russie, car ne la condamnent pas et ne se joignent pas aux sanctions occidentales à l’encontre de Moscou.

En termes donc de poids économique sur le PIB mondial, les régimes qui condamnent la Russie représentent 60,1%, les pays penchant vers l’Occident – 7,8%, les pays neutres – 12%, les pays penchant vers la Russie – 16,8%, et ceux soutenant très ouvertement Moscou – 3,3%. Si l’on doit donc faire la somme des trois groupes qui ne font pas partie de la coalition occidentale anti-russe (soutiens déclarés à la Russie, penchant vers la Russie et neutres), nous obtenons un total de 32,1% du PIB mondial – correspondant plus ou moins au poids économique international actuel des puissances émergentes non-occidentales, notamment les BRICS.

Sur le plan démographique, EIU indique que les pays condamnant la Russie représentent 15,2% de la population mondiale, ceux penchant vers l’Occident – 20,7%, ceux adoptant la neutralité – 30,8%, ceux penchant vers la Russie – 27,8%, et ceux soutenant officiellement la Russie – 5,5%. Ce qui revient à dire que le pourcentage total de la population mondiale qui n’adhère pas à la coalition russophobe occidentale représente au total : 64,1% de la population terrestre.

Quant aux principales évolutions de positions des Etats depuis l’année dernière auxquelles fait également référence l’Economist Intelligence Unit, il s’agit des points suivants. La Colombie, la Turquie et le Qatar sont passés du statut penchant vers l’Occident à neutre. La Bolivie, l’Afrique du Sud et l’Ouganda – de la neutralité à penchant vers la Russie. L’Iran, le Mali et le Burkina Faso – de penchant vers la Russie à un soutien déclaré en faveur de Moscou. Le seul pays mentionné ayant évolué dans le sens contraire, en faveur donc des thèses occidentales, étant le Bangladesh – du statut neutre à penchant vers l’Occident.

Maintenant permettons-nous quelques commentaires. Tout d’abord, il est évident que le ton choisi par les analystes d’EIU est résolument amer. Constatant que cela représente un défi pour les prétendues démocraties occidentales. Comme si la notion même de démocratie était une propriété exclusive de l’Occident. Et comme si l’Occident, et plus particulièrement l’establishment otanesque, avait une quelconque légitimité à pouvoir ne serait-ce que mentionner le mot de démocratie.

D’autre part, ce qui est tout de même fort révélateur – c’est le fait qu’encore une fois le minimum d’objectivité et la constatation d’un certain nombre de faits ressortent plus souvent de l’axe anglo-étasunien, qui tout en étant de loin le principal adversaire à l’alliance sino-russe et plus généralement à l’axe de la multipolarité, possède une capacité d’analyse résolument meilleure que les régimes ayant totalement perdu leur indépendance en faveur justement de cet axe anglo-saxon, notamment l’Hexagone ou le régime allemand.

Enfin, il faut tout de même rappeler que ladite étude reste une étude occidentale, qui tout en admettant un certain nombre de faits devenus impossibles à faire voiler – «oublie» de prendre en compte le poids du soutien de nombreuses sociétés civiles en faveur de la Russie et de l’ordre multipolaire international, à divers endroits de la planète – y compris dans des pays qui restent sous la coupe occidentale. Et là, il est très fort probable que le soutien en faveur de la Russie, et donc de tous les partisans de la multipolarité, sera bien au-dessus des 64,1% de la population mondiale, comme le prétend l’EIU.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Le saut stratégique vu de Turquie

13.01.2023

Les principaux analystes turcs considèrent que tous les empires ayant tenté de faire asseoir une domination sans partage sur les affaires internationales ont au final toujours subi des échecs, faisant le parallèle direct avec le cas contemporain des Etats-Unis. Cette analyse confirme une fois de plus une vision géopolitique particulière de la Turquie, ainsi que le rôle qu’elle entrevoit pour elle-même dans les relations mondiales.

Bercan Tutar, analyste turc dans son récent article Stratejik sıçrama (Le saut stratégique) pour le quotidien Sabah (l’un des trois principaux en Turquie) décrit les bouleversements stratégiques internationaux, en mettant l’accent sur la position des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine et de la Turquie.

L’auteur de l’article rappelle que toutes les tentatives des Etats impériaux, anciens ou nouveaux, ayant cherché à devenir les seuls maîtres du monde – se sont toujours soldées par des échecs. Pour Bercan Tutar, le dernier exemple étant la défaite de la politique de «la Nouvelle Rome», que les Etats-Unis ont tenté à mettre en œuvre sous prétexte de « guerre contre le terrorisme » après les attentats du 11 septembre 2001. L’échec des USA à devenir le seul hégémon mondial a d’ailleurs selon lui paradoxalement conduit vers une fin progressive du chaos dans de nombreuses régions du monde, en particulier au Moyen-Orient, où un certain équilibre a été rétabli.

Ces processus ont ainsi permis à des pays comme la Russie, la Chine et la Turquie – à maximiser leur influence respective dans différentes parties du monde. Et après que Washington ait défini son objectif principal de stratégie de sécurité nationale dans les nouveaux processus en cours à combattre des acteurs mondiaux comme la Russie et la Chine, à la place de la guerre contre le terrorisme, le visage du Moyen-Orient a commencé rapidement à se transformer.

L’un des pays qui a le plus profité de cette nouvelle transformation et qui a élargi sa sphère d’influence a été la Turquie. L’Etat turc ayant été capable de lire le cours des processus mondiaux, a ainsi pu devenir un important acteur régional et même international. Un peu plus loin dans le même article, l’auteur décrit le rôle central de la Turquie aussi bien vis-à-vis de l’Occident, avec lequel Ankara partage l’appartenance à l’Otan, mais également avec la Russie avec laquelle la Turquie possède de nombreux projets et orientations stratégiques.

Bercan Tutar fait notamment référence au projet conjoint avec Moscou de faire de la Turquie le principal hub pour l’énergie russe, ainsi qu’aux contacts bilatéraux étroits sur les questions du Moyen-Orient et de nombreux autres sujets stratégiques. L’auteur parle également de la Chine et rappelle que son pays représente un corridor sûr aux yeux de Pékin, dans le cadre du grand projet international chinois de la Ceinture et la Route.

Maintenant et en termes de perspectives suite à cet article, il serait juste de rappeler plusieurs faits que nous avons déjà abordé dans le passé. La Turquie se positionne effectivement comme un Etat ayant la particularité d’être un membre du bloc otanesque (dont pour rappel elle représente la deuxième force en termes d’effectif armé), tout en refusant obstinément à suivre aveuglement l’hystérie anti-russe et anti-chinoise de l’establishment occidental. Tirant ainsi profit de cette capacité assez unique à défendre et promouvoir ses intérêts avec toutes les parties.

A ce titre, et étant probablement le seul pays réellement souverain du bloc atlantiste vis-à-vis de Washington, la Turquie est effectivement devenue un acteur incontournable non plus seulement dans de nombreuses affaires régionales, mais de plus en plus à l’international. Ses relations stratégiques dans de nombreux domaines avec la Russie, la Chine, l’Iran et d’autres grandes puissances non-occidentales y ont d’ailleurs beaucoup contribué. En faisant la sourde oreille à la colère de ses partenaires occidentaux.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que de plus en plus de voix étasuniennes et plus généralement occidentales s’élèvent contre Ankara et appellent ouvertement à remettre en question l’appartenance turque à l’Otan, du fait justement des liens étroits de la Turquie avec les principaux adversaires des nostalgiques otanesques de l’unipolarité, dont bien évidemment les liens avec la Russie. L’Etat turc ayant été jusqu’à présent le seul membre de l’Otan à avoir fermement refusé à se joindre aux sanctions occidentales contre Moscou. Et même plus que cela – ayant au contraire fort largement élargi l’interaction économico-commerciale avec la Russie.

Dans ce paradigme, la Turquie joue parfaitement son jeu. Comprenant que l’Otan ne peut se permettre de perdre dans un avenir proche un membre aussi important, du point de vue aussi bien stratégique qu’idéologique, Ankara enfonce le clou en continuant à renforcer son orientation eurasienne et de plus en plus pro-multipolaire. D’autant plus lorsqu’on observe actuellement le processus probable de normalisation des relations avec le leadership syrien, le tout avec la médiation russe.

Et lorsque viendra le moment pour la Turquie de quitter effectivement l’Otan, au-delà du fait que ce sera une énorme défaite stratégique pour l’Occident, l’Etat turc d’ici là aura pu profiter au maximum de tout ce dont il a besoin actuellement. Avec par ailleurs à la clé – l’intégration dans le Top 10 des principales économies mondiales en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat, pendant que des France et Royaume-Uni quitteront vraisemblablement ce même Top 10.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4561

BRICS: l’alliance pro-multipolaire face à l’élargissement

10.11.2022

L’élargissement de l’alliance des BRICS semble aller de plus en plus vers la voie de la concrétisation, avec la possibilité d’adhésion de nouveaux membres au sein du bloc pro-multipolaire. Le concept des BRICS+ prend une tournure de plus en plus intéressante.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) devront certainement bientôt se concerter quant à l’adhésion de nouveaux membres au sein du bloc représentant déjà près de la moitié de la population du monde et plus d’un quart du PIB mondial. Après l’Iran, l’Argentine, l’Egypte, l’Arabie saoudite ou encore la Turquie, ayant exprimé leur souhait à se joindre aux BRICS, désormais c’est également l’Algérie qui a officialisé sa demande d’adhésion.  

S’il est encore tôt de connaitre les étapes d’adhésion pour chacun des dossiers, ainsi que le timing nécessaire, le fait est que cela confirme largement le désir de nombreux pays à se joindre au bloc des grandes puissances internationales, n’adhérant pas à la vision occidentale du monde.

L’autre point important à souligner c’est que tout semble indiquer la bienveillance vis-à-vis des nouvelles adhésions non seulement de la part de la Chine et de la Russie, mais également des trois autres membres composant l’alliance.

Par ailleurs, et ce qui devient également intéressant, c’est que le bloc des BRICS – conçu au départ comme une alliance économique et qu’il est toujours d’ailleurs, poursuit le renforcement de l’interaction dans d’autres domaines importants. Ainsi, l’annonce de nouveaux exercices militaires navals conjoints entre l’Afrique du Sud, la Russie et la Chine, prévus normalement pour février prochain, inquiète déjà de nombreux représentants occidentaux, ainsi que leurs proxys. Ce seront les seconds exercices du genre depuis 2019.  

A ce titre, l’opposition pro-occidentale n’a pas manqué de critiquer cette décision du leadership politique et militaire sud-africain. Mais fort probablement ne pourra pas y faire grand-chose. Après tout, l’expression du «chien aboie, la caravane passe» y trouve tout son sens. Le déroulement des dits exercices conforte l’idée que les BRICS ne se limitent plus uniquement à collaborer dans l’orientation économique, en qualité d’alternative majeure au système occidental, mais s’ouvrent à de nombreux autres domaines d’intérêt stratégique.

Un point important concerne le fait que les divers analystes occidentaux avaient prédit durant de longues années que cette alliance n’allait pas durer, tellement les cultures de chacun des membres sont différentes et que tôt ou tard l’alliance implosera. Nombreux étaient également ceux qui avaient espéré un rôle néfaste du Brésil lors de l’arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro. Cela n’est pas arrivé, Brasilia ayant pleinement respecté ses engagements au sein du bloc et ayant continué à accroitre son interaction économico-commerciale avec les autres membres, dont la Chine et la Russie.

A ce titre, l’augmentation plus que conséquente des échanges entre le Brésil et la Russie depuis le 24 février dernier ne fait que le confirmer. Pour rappel, une augmentation de 106% sur la base du volume mensuel moyen par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le retour du président Lula da Silva devrait maintenir le cap, voire le renforcer encore plus, sachant qu’il était l’un des principaux partisans et architectes de l’intégration du Brésil au sein des BRICS. Le tout au grand dam des espoirs occidentaux.

Quant aux autres pays membres, aucune force interne ne semble être en mesure de pouvoir faire basculer les projets du bloc. Pas même l’opposition sud-africaine, qui malgré toute sa rhétorique hostile ne peut défaire le parti historique de Nelson Mandela et de ses camarades – l’ANC. Une chose est sûre: les prochains mois et années seront intenses en termes de travail pour l’alliance des BRICS, et certainement maintenant bientôt des BRICS+.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4401

Commerce international & sanctions: le monde ne tourne pas sur l’Occident

07.11.2022

Depuis le début de l’opération militaire spéciale de la Russie, l’Occident avait espéré mettre rapidement Moscou à genoux en créant une large coalition internationale anti-russe. Huit mois plus tard, le constat est sans appel. Non seulement l’écrasante majorité du monde ne n’est pas jointe aux sanctions contre l’Etat russe, mais au contraire de nombreux pays ont tiré profit et ont considérablement accru leurs échanges avec Moscou.

Dans un récent article, le quotidien étasunien The New York Times revient sur la question des échanges économico-commerciaux de la Russie depuis le lancement de l’opération militaire spéciale, en notant que le commerce international avec la Russie a explosé cette année, alors même que des pays (occidentaux) ont imposé des sanctions à son encontre.

L’un des principaux porte-voix médiatiques US affirme également que bien qu’un certain nombre de pays avaient juré de rompre leurs liens économiques avec l’Etat russe et imposé des sanctions destinées à paralyser son économie depuis le début de l’opération militaire spéciale, cela n’a pas abouti. En qualité d’un des plus importants producteurs mondiaux de pétrole, de gaz et d’autres matières premières stratégiques, la Russie continue d’entretenir depuis longtemps des partenariats commerciaux lucratifs. Le journal étasunien précise également que faire rompre ces liens n’est pas chose facile.

Parlons maintenant des chiffres et statistiques. En effet, et se basant comme l’indique NYT sur le volume mensuel moyen des échanges depuis le lancement de l’opération militaire spéciale par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, les pays dont les volumes des échanges avec la Russie ont considérablement augmenté depuis le 24 février dernier sont les suivants: l’Inde (augmentation des échanges de 310%), la Turquie (+198%), le Brésil (+106%) et la Chine (+64%).

Précisons à ce titre de notre part que la République populaire de Chine reste le principal partenaire économico-commercial de la Fédération de Russie, avec un volume total des échanges qui devrait à l’issue de cette année dépasser le chiffre des 170 milliards d’équivalent de dollars (record historique). Et l’année prochaine, l’objectif étant de nouveau de battre le record, pour atteindre les 200 milliards d’équivalent de dollars.

Si sur les quatre pays cités – trois (Inde, Brésil, Chine) sont membres du bloc des BRICS, le cas de la Turquie est encore une fois fort révélateur. Membre de l’Otan dont elle constitue la deuxième force armée en termes d’effectifs, la Turquie non seulement ne s’est pas jointe aux sanctions occidentales contre la Russie, et a non seulement préservé ses relations économico-commerciales stratégiques avec Moscou, mais de plus a largement tiré profit des nouvelles opportunités qui s’étaient ouvertes à elle. A noter à ce titre que cette année sera également celle du record historique des échanges russo-turcs, avec un volume annuel qui devrait atteindre l’équivalent de 60 milliards de dollars.

En poursuivant avec les statistiques, on notera également une augmentation considérable des échanges de la Russie avec l’Arabie saoudite (+36%) et avec l’Afrique du Sud (+10%), cette dernière étant également membre des BRICS avec Moscou, Pékin, New Delhi et Brasilia. En se basant donc sur ces données, si l’Occident souhaiterait sanctionner les acteurs étatiques et privés des pays mentionnés, tout en gardant à l’esprit que l’écrasante majorité des membres de la communauté internationale ont refusé d’adhérer aux sanctions occidentales contre Moscou, cela reviendrait à vouloir sanctionner une population totale de… pas moins de 3,2 milliards de personnes. Cela en prenant uniquement en compte la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie, l’Afrique du Sud et l’Arabie saoudite. Soit seulement six pays…

Mais le fait le plus paradoxal dans cette situation pour les autoproclamés « exceptionnels », c’est que nombre de régimes occidentaux, tout en adhérant officiellement aux sanctions contre la Russie, ont eux aussi accru leurs échanges avec Moscou durant cette période: Belgique (+81%), Espagne (+57%), Pays-Bas (+32%), Norvège (+16%), sans oublier le régime pro-occidental du Japon (+13%). A noter que dans les cinq cas cités – tous ont augmenté considérablement leurs importations depuis la Russie… Faut bien le préciser.

Dans cette situation, Washington et Bruxelles penseraient-ils à sanctionner leurs propres régimes assujettis? Dans le cas de la Belgique (pour rappel augmentation des échanges de 81% avec la Russie), ce serait particulièrement paradoxal, Bruxelles étant non seulement le siège de l’UE et de l’Otan, mais également la capitale de l’Etat belge…

Mais le plus important dans cette situation étant qu’elle aura largement démontré une fois de plus que dans le cadre du monde multipolaire, le monde justement ne tourne pas pour l’Occident, ni autour de l’Occident. Une extrême minorité planétaire, en chute d’influence non seulement au niveau géopolitique, mais également en termes de puissance économique, d’autant plus dont les régimes concernés sont loin d’être largement approuvés par leurs citoyens respectifs, ne peut et ne pourra jamais réimposer son diktat à l’écrasante majorité de la planète. En premier lieu à des Etats pleinement souverains, et même dans une certaine mesure à ceux qui font preuve d’un minimum de pragmatisme et d’intelligence.

Pour le reste, l’hystérie atlantiste peut se poursuivre. Mais elle ne sera aucunement en mesure de bousculer la voie choisie par le monde et la véritable communauté internationale. A un moment ou un autre, l’establishment occidental n’aura d’autre choix que de faire profil bas.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Turquie: prochain hub gazier de toute l’Europe?

14.10.2022

Les relations économiques et énergétiques entre Moscou et Ankara sont au beau fixe. Et dans la conjoncture actuelle, avec une UE complètement vassalisée à Washington, la Turquie a l’occasion de devenir le grand hub du gaz russe, y compris si besoin sera – à destination de l’Europe.

Les présidents russe et turc, qui sont à leur quatrième rencontre en trois mois, cette fois-ci dans le cadre du 6ème Sommet de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), dans la ville d’Astana, au Kazakhstan, ont abordé la possibilité de faire passer le partenariat énergétique à un stade supérieur, voire même largement supérieur.

En effet, Vladimir Poutine a proposé à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan la création d’un hub gazier pour des livraisons vers d’autres pays, notamment vers l’Europe. En rappelant que la Turquie s’est avérée être actuellement l’itinéraire le plus sûr pour les livraisons de gaz russe.

Le président russe a par ailleurs indiqué que cette plateforme gazière servira non seulement pour assurer les approvisionnements, mais également dans la détermination des prix. Si ce projet se concrétise, et selon de nombreuses sources turques, il devrait probablement se concrétiser, le rôle de l’Etat turc deviendra crucial dans un domaine aussi stratégique que les fournitures énergétiques internationales. Tout en permettant à Ankara d’avoir un levier supplémentaire face à une Europe bruxelloise, qui ne manque toujours pas d’arrogance.

Pour la Russie, l’intérêt est évidemment d’avoir un partenaire énergétique fiable. Et en ce sens – la Turquie a amplement prouvé cette capacité. Etant le seul pays membre de l’Otan à ne pas avoir adhéré aux sanctions occidentales contre la Russie, développant activement ses relations avec Moscou, sachant d’autant plus que cette année sera certainement celle du plus haut niveau historique des relations économico-commerciales entre les deux pays, ainsi que disposant d’une capacité à mener une politique souveraine et pragmatique.

Ce n’est pas tout. A l’inverse des représentants masochistes européens, notamment allemands, qui assistent devant leurs yeux à des actes terroristes visant leurs propres intérêts économiques et énergétiques sans aucune réaction digne de ce nom, les autorités turques ont jusqu’à maintenant toujours assuré une sécurité de haut niveau pour le gazoduc Turk Stream, en coordination avec leurs homologues russes. Tout comme dans le processus des livraisons gazières.

Evidemment il est plus que probable que si ce projet se concrétise, il déplaira énormément à Washington, comme à Bruxelles et d’autres capitales occidentales. Si dans le deuxième cas et les suivants, il n’y a même pas besoin de faire des commentaires lorsqu’il s’agit de nains géopolitiques et de vassaux purs et simples, dans le cas étasunien il est tout à fait possible de s’attendre à des attaques économiques, notamment à travers des sanctions, ou tout simplement à de nouveaux actes terroristes, qui font partie intégrante du « savoir-faire » et du « savoir-vivre » des cow-boys washingtoniens.

Sauf que ce qui marche si facilement avec les élites européistes, dont le masochisme est peut-être également lié aux quartiers de mauvaise réputation de Bruxelles, ne marche pas forcément avec la Turquie, qui possède suffisamment de volonté, mais également de leviers à pouvoir riposter là où cela fera mal à l’establishment occidental. Surtout lorsqu’il s’agit d’intérêts nationaux, y compris économiques.

Dans tous les cas et malgré les désaccords qui existent entre Moscou et Ankara dans un certain nombre de dossiers, lorsqu’il s’agit d’une relation entre deux Etats souverains, pensant chacun à leurs propres intérêts pragmatiques nationaux, il est toujours beaucoup plus facile à arriver à des résultats positifs. Tellement plus simple que de faire affaire avec des enfants obligés d’aller automatiquement demander la permission à un grand-père saluant des ombres inconnues. Ou peut-être connues que pour lui-même.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Le grand rendez-vous du Sommet de l’OCS

13.09.2022

Au moment des bouleversements internationaux et d’un affrontement de plus en plus visible entre les partisans de l’ordre multipolaire et les nostalgiques de l’ère unipolaire, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai arrive à point pour poursuivre la coordination dans grand nombre d’orientations stratégiques.

Le Premier ministre indien Narendra Modi participera à un sommet régional qui, selon Moscou, donnera lieu à des discussions en tête-à-tête entre les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, comme l’a annoncé dimanche 11 septembre le gouvernement indien, écrit Le Figaro.

Fait tout de même toujours marquant dans la rhétorique occidentale: «sommet régional». S’il est vrai que les pays membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) – en l’occurrence la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Inde, le Pakistan et bientôt l’Iran, appartiennent tous au grand espace eurasiatique, il serait tout de même bon de rappeler que la population totale représentée est de pratiquement la moitié de la population mondiale. Cela évidemment sans compter les pays-observateurs: la Biélorussie, la Mongolie et l’Afghanistan. Ainsi que les partenaires de dialogue: Arménie, Azerbaïdjan, Cambodge, Népal, Turquie, Sri Lanka. Et ceux qui sont en cours d’obtention de ce dernier statut, en l’occurrence l’Egypte, l’Arabie saoudite ou encore le Qatar.

En d’autres termes – l’OCS représente une large partie de l’humanité. Et de simples calculs mathématiques permettent strictement à démontrer qui est beaucoup plus apte à faire référence à la communauté internationale. Evidemment, du côté occidental, la prétendue «communauté internationale» reste dans le cadre des 10-15% de la population terrestre, et qui prétendument dépasserait un cadre strictement «régional».

Passons. Il y a tout de même effectivement des points importants à soulever dans ce sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai en Ouzbékistan et qui aura lieu fort symboliquement dans la grande ville historique de Samarkand, l’une des plus anciennes villes habitées d’Asie centrale et ayant été l’une des principales cités de la Route de la soie.

La rencontre attendue entre les chefs d’Etat chinois et russe représente également un grand moment de ce sommet, sachant que ce sera de-facto l’un des deux premiers voyages du leader chinois à l’étranger depuis le début de la pandémie – il se rendra dans un premier temps au Kazakhstan, puis en Ouzbékistan pour le Sommet de l’OCS.

Il apparait aujourd’hui clairement que le rôle de la grande organisation eurasiatique et internationale sera appelé à monter, et ce dans plusieurs dossiers. Parmi lesquels : le renforcement de l’interaction politique, économique et sécuritaire des Etats membres, la poursuite de la défense et de la promotion de l’ordre multipolaire international dont l’OCS est l’un des principaux fers de lance, l’opposition à l’unilatéralisme d’une minorité mondiale extrême, et sans oublier les efforts conjoints dans l’objectif notamment de modifier le travail des différents secrétariats onusiens.

En effet, il est aujourd’hui révoltant qu’une structure comme l’ONU – censée être la base de l’entière communauté internationale – reste dominée, du moins dans les différents groupes de travail et d’analyse, soit par des représentants occidentaux, soit par des représentants assez ouvertement affiliés à l’Occident collectif. Peut-être que ce modèle avait sa «place» dans les années 1990 et le début des années 2000, lorsque les affaires internationales étaient de-facto dominées par l’establishment occidental, malgré l’infime minorité qu’il représentait. Aujourd’hui, cette page est largement dépassée, même si la bête à l’agonie s’accroche jusqu’au bout, il faut bien le reconnaitre.

Car à défaut de réformer en profondeur les diverses structures onusiennes, des organisations comme l’OCS seront appelées dans un avenir assez proche – à prendre leurs propres responsabilités, et si nécessaire devenir des alternatives aux bureaux onusiens existants. Il faut bien le reconnaitre aussi – les divers salariés onusiens issus du petit monde occidental et leurs proxys ne souhaiteront évidemment pas perdre lesdites places, pas plus que les élites atlantistes qui comptent sur eux.

Dans tous les cas, le monde multipolaire et quoiqu’on en dise fort vraisemblablement post-occidental, continuera à monter en puissance dans les mois et années à venir. Les tentatives, y compris radicales, de l’Occident à tenter de stopper ce processus ne mèneront finalement à rien. Et ne feront qu’impacter sérieusement la vie des citoyens ordinaires des pays dirigés par cette extrême minorité planétaire. Et en ce sens, l’Organisation de coopération de Shanghai sera bel et bien la structure clé du nouveau monde qui émerge.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=4237

Venezuela: l’économie repart à la croissance

30.08.2022

A l’heure des événements contemporains, les pays ayant démontré leur capacité à faire face aux sanctions unilatérales occidentales constituent des exemples fortement intéressants, y compris pour des Etats qui ont débuté ou pensent sérieusement à le faire – le processus d’éloignement vis-à-vis de l’Occident collectif. En ce sens et à l’instar d’autres nations, le Venezuela fait partie de ces exemples.

L’économie vénézuélienne a progressé de 17,04% en termes de glissement annuel au premier trimestre 2022, a déclaré récemment le président de la banque centrale du pays et repris par Reuters.Représentant à l’heure actuelle la croissance la plus élevée parmi les pays d’Amérique latine.

Le président de la banque centrale vénézuélienne, Calixto Ortega, avait également indiqué que l’économie de la République bolivarienne avait connu une hausse de 19,07% au quatrième trimestre 2021 par rapport à la même période en 2020. Pour rappel, le pays était plongé dans une grave récession depuis 2014, ainsi que faisant face à une inflation élevée, dues notamment aux sanctions US qui visaient à asphyxier l’économie du Venezuela, des sanctions se comptabilisant en plusieurs centaines de positions et visant notamment son secteur pétrolier, stratégique pour l’économie et le budget de Caracas.

S’il est vrai que le manque de diversification des secteurs de l’économie vénézuélienne avait accentué les problèmes, il n’en demeure pas moins que l’agression économique US avait joué un rôle crucial dans les défis auxquels ont dû faire face les autorités et la population. A cela s’ajoutent les multiples tentatives de coup d’Etat à l’encontre du leadership vénézuélien, et les actions néfastes des sous-traitants washingtoniens, parmi lesquels le régime britannique ou ceux issus de l’Europe bruxelloise. Le vol de plusieurs dizaines de tonnes d’or du Venezuela par la Banque d’Angleterre ne fait d’ailleurs que largement le confirmer

Il est vrai que durant cette période difficile, le Venezuela a pu compter sur le soutien de nombreux pays alliés et partenaires stratégiques avec lesquels les relations ont été renforcées dans plusieurs domaines: Cuba, Russie, Iran, Chine, Turquie, entre autres. Et au final une résistance qui a payé: mettant le principal déstabilisateur du pays en position de faiblesse

Car au-delà des nouvelles opportunités qui se sont ouvertes à Caracas dans la flambée actuelle des prix des hydrocarbures, le fait est que c’est désormais l’establishment occidental qui cherche une sortie la moins humiliante possible de sa posture vis-à-vis de la République bolivarienne, à l’heure de la crise énergétique sans précédent que l’Occident subit déjà, et qui l’attend encore à l’avenir.

Pour conclure, il serait bon de rappeler que les innombrables tentatives de Washington et de ses suiveurs de faire tomber le pouvoir bolivarien à travers l’implication d’éléments extrémistes ou encore l’asphyxie de l’économie vénézuélienne, avaient un objectif encore plus global: stopper le renforcement de l’axe progressiste latino-américain hostile à la politique atlantiste étasunienne. Les récents événements dans la région et fort certainement à venir démontrent parfaitement l’énième échec de cette politique de l’extrême minorité mondiale, qui refuse obstinément de s’adapter à la multipolarité. Et en ce sens, si même des erreurs avaient été commises dans le passé par le leadership vénézuélien, notamment dans le manque de diversification des secteurs économiques nationaux, les principaux choix stratégiques du Venezuela auront largement démontré quant à eux toute leur justesse.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Normalisation turco-syrienne: perspective réelle?

24.08.2022

Après des années de tensions, Damas et Ankara semblent être sur la voie d’une possible normalisation de leurs relations. Si cela se réalisait, ce serait non seulement une victoire pour les deux pays, mais également une grande réussite pour le monde multipolaire dans son ensemble.

Si peu de spécialistes croyaient en une telle éventualité, les processus en cours du moment confirment une fois de plus la justesse de la vision eurasiatique, et certainement pas occidentale, quant à l’avenir mondial. En effet et si les services de renseignement des deux pays sont déjà en contact depuis ces quelques dernières années, les signaux récents permettent d’entrevoir l’éventualité d’une réconciliation politico-diplomatique à venir.

Suite au récent voyage du président turc Recep Tayyip Erdogan en Russie, cette question d’ailleurs a vraisemblablement été abordée. Et selon les déclarations, également récentes, de plusieurs hauts responsables turcs, la possibilité pour une telle normalisation semble n’avoir jamais été aussi proche.

Evidemment et dans cette optique, un tel événement sera une victoire pour la République arabe syrienne et son leadership, à l’encontre desquels Ankara a maintenu une animosité ouverte durant plusieurs années passées. D’un autre côté, un tel résultat sera également un point positif pour la Turquie, qui cherche à démontrer vouloir contribuer à une région pacifique et prospère.

Après maintenant plus de dix années de résistance à succès de la Syrie – au terrorisme international et aux interférences néocoloniales occidentales – et au-delà du soutien de ses principaux alliés en la qualité d’Etats comme la Russie, l’Iran et la Chine – un large processus de normalisation a déjà été engagé avec plusieurs pays, notamment arabes, qui étaient dans un premier temps hostiles à Damas et longtemps considérés comme des alliés indéfectibles de l’Occident, mais qui au final ont opté pour une vision pragmatique et juste.

Ce processus a évidemment été fort mal perçu par les régimes occidentaux qui avaient pourtant juré de pouvoir isoler la République arabe syrienne de la scène internationale. Comme résultat – un énième échec retentissant. En ce sens, si la Turquie – deuxième force armée de l’Otan en termes d’effectifs, mais privilégiant une approche pragmatique et souveraine lorsqu’il s’agit de défendre ses intérêts nationaux – ira d’une manière sincère vers une nouvelle page relationnelle avec Damas, ce sera inévitablement une grande nouvelle victoire pour tout l’espace eurasiatique et le monde multipolaire dans son ensemble.

Et bien évidemment une nouvelle défaite pour l’Occident collectif, nostalgique de l’unipolarité, dont l’intérêt a toujours été de créer et maintenir des conflits et des tensions artificielles entre peuples voisins, non-occidentaux. Bien sûr, une telle normalisation nécessitera aussi la résolution de plusieurs dossiers conflictuels entre Damas et Ankara, comme celui de la région d’Idleb où restent encore présents nombres d’éléments terroristes et dont la Syrie devra reprendre le plein contrôle. En ce qui concerne les inquiétudes sécuritaires de la Turquie, notamment en zones frontalières, ces questions pourront elles aussi être résolues de manière franche et honnête.

Enfin, il serait bon de souligner que si certains prétendus experts (occidentaux ou affiliés aux intérêts atlantistes) ont le culot aujourd’hui de parler de «désordre mondial» – suite à la fin de leur petit monde unipolaire révolu et devant se rendre à l’évidence que leur pauvre existence n’est que celle d’une extrême minorité planétaire – les événements actuels démontrent au contraire que nous avançons à grands pas vers un ordre beaucoup plus juste et rassembleur.

Le monde qui sera non plus seulement multipolaire, mais également post-occidental, sera certainement celui où les faux conflits entre «frères ennemis» devront être dépassés, afin que le vampirisme occidental ne puisse plus se maintenir sous perfusion du sang des peuples de la planète. Et en ce sens, la désormais possible normalisation des relations entre la Syrie et la Turquie ne sera certainement pas le dernier exemple notable.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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L’Egypte, l’Arabie saoudite et la Turquie s’intéressent aux BRICS

15.07.2022

Les prévisions quant au fait que de nombreux pays, y compris longtemps liés à l’Occident, regardent de plus en plus en direction des grandes puissances non-occidentales et des organisations d’intégration correspondantes, avancent dans la voie de la concrétisation. Le concept des BRICS+ semble inévitablement prendre son envol.

Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’attendent à ce que l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Turquie puissent rejoindre le groupe dans un avenir proche, écrit Middle East Monitor. Cette information est rapportée via Purnima Anand, présidente du Forum international des BRICS.

Cela alors même que tout récemment l’Iran et l’Argentine avaient déjà exprimé le désir d’intégrer la grande organisation internationale, représentant pratiquement la moitié de la population mondiale, plus d’un quart du PIB du monde, et 4 des 10 principales économies mondiales en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat. Le tout également au moment où l’Occident ne cache désormais plus son inquiétude quant à la montée en puissance de ladite alliance et son orientation de plus en plus anti-occidentale.

Purnima Anand a par ailleurs déclaré que la Chine, la Russie et l’Inde avaient déjà abordé la question de l’élargissement des BRICS en lien avec les pays mentionnés lors du 14ème Sommet de l’organisation, qui s’est tenu le mois dernier. «Tous ces pays ont manifesté leur intérêt à adhérer et se préparent à postuler pour l’adhésion. Je pense que c’est une bonne étape, car l’élargissement est toujours perçu positivement. Cela augmentera clairement l’influence des BRICS dans le monde».

Elle a également ajouté que l’adhésion de l’Egypte, de l’Arabie saoudite et de la Turquie pourrait ne pas avoir lieu au même temps pour les trois concernés. De son côté Li Kexin, directeur général du Département des affaires économiques internationales du ministère chinois des Affaires étrangères, avait précédemment indiqué que plusieurs pays «frappaient aux portes» de l’organisation, dont l’Indonésie, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Egypte et l’Argentine, notamment.

En parlant maintenant des perspectives de l’élargissement des BRICS et du concept BRICS+, il est à noter qu’Observateur Continental avait déjà abordé récemment cette question. En ce qui concerne plus précisément les cas de l’Egypte, de la Turquie et de l’Arabie saoudite – il serait correct de les analyser brièvement au cas par cas.

L’Egypte est actuellement la 22ème économie mondiale (juste derrière l’Iran) et la première en Afrique en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat. Sur le plan du PIB nominal, le pays des pharaons est classé 35ème à l’échelle mondiale et deuxième sur le continent africain (derrière le Nigéria). Le pays est par la même occasion la 12ème puissance militaire du monde en 2022 – première d’Afrique et du monde arabe. Le Caire peut également se vanter d’avoir des relations développées avec la Chine et la Russie, notamment, confirmant le fait d’être un membre potentiel intéressant pour les BRICS.

En ce qui concerne l’Arabie saoudite et la Turquie – ce sont des cas effectivement particuliers et également intéressants. La première étant la 17ème économie mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (18ème en termes de PIB nominal). Longtemps considérée comme l’un des deux principaux alliés de Washington au Moyen-Orient (avec Israël), Riyad a engagé néanmoins récemment une orientation stratégique intéressante et axée sur la multipolarité. A l’instar des Emirats arabes unis, autre pays de la région longtemps considéré comme un allié de l’Occident, l’Arabie saoudite a souhaité préserver la coopération avec Moscou sur les questions énergétiques et géopolitiques, malgré les pressions washingtoniennes.

Quant à ses relations avec la Chine, l’Etat saoudien, au-delà d’être l’un des deux principaux (avec la Russie) fournisseurs de pétrole à Pékin, étudiait par la même occasion la possibilité de recevoir les paiements chinois pour le brut saoudien – en yuans. Une réalité fort déplaisante pour Washington. La suite dépendra bien évidemment de la capacité de Riyad à poursuivre l’éloignement de l’axe anglo-saxon en privilégiant celui de la multipolarité. Quant aux relations avec l’Iran, ayant déjà débuté la procédure d’adhésion en qualité de membre de plein droit au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et souhaitant rejoindre également les BRICS, la plateforme internationale pro-multipolaire pourrait être d’ailleurs l’occasion de normaliser les relations. A suivre donc.

Pour ce qui est de la Turquie, 11ème puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat et 13ème puissance militaire du monde, seul l’avenir pourra dire si l’orientation en faveur de l’axe de la multipolarité sera privilégiée par le leadership turc. Etant membre de l’Otan, et le deuxième effectif armé du bloc atlantiste, Ankara a néanmoins explicitement refusé à se joindre aux sanctions contre la Russie, partenaire économico-commercial stratégique du pays, malgré les innombrables pressions de l’establishment washingtonien et occidental.

Et plus que cela a clairement choisi la voie d’accroitre encore plus les échanges avec Moscou. Dans l’état actuel des choses, il est encore trop tôt de dire si la Turquie pourra intégrer pleinement les BRICS. Néanmoins et dans un avenir multipolaire post-occidental – rien ne sera impossible.

Mikhail Gamandiy-Egorov

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Ukraine-Turquie: les choses se corsent

08.07.2022

Bien que la Turquie soit en désaccord avec la Russie sur un certain nombre de dossiers, y compris ukrainien, Ankara confirme une fois de plus ne pas vouloir sacrifier ses relations stratégiques avec Moscou, et ce malgré les pressions occidentales et sa relative solidarité avec Kiev.

L’ambassadeur turc a été convoqué au ministère ukrainien des Affaires étrangères, écrit Bloomberg, après que les autorités de la Turquie aient décidé de ne pas arrêter le navire marchand russe que Kiev accusait de transporter des céréales «ukrainiennes volées par la Russie».

Le régime kiévien invoque par la même occasion «une situation inacceptable», en ajoutant avoir reçu l’information en question «avec une profonde déception». Kiev avec ses parrains occidentaux continue de marteler la fausse idée qu’elle serait un acteur majeur dans le domaine de l’exportation du blé à l’échelle internationale, en oubliant à chaque occasion de se référer aux statistiques et données qui sont d’actualité depuis déjà plusieurs années, à savoir que l’Ukraine n’est que le cinquième exportateur mondial de blé, tandis que la Russie est largement première.

Ce qui démontre parfaitement que le grenier mondial étant bien l’Etat russe, et certainement pas ukrainien. Tout comme le fait que le blocage des exportations maritimes ukrainiennes n’est pas l’œuvre de la Russie, mais bel et bien de l’Ukraine qui a installé une multitude de mines marines au niveau des principaux ports maritimes concernés, étant par la même occasion dans l’incapacité (ou peut-être n’ayant pas reçu le feu vert de ses chefs) de pouvoir les faire déminer.

Pour revenir à la Turquie, cette situation a une fois de plus démontré l’involonté du leadership turc à aller dans le sens des tensions avec le partenaire russe, et ce malgré l’appartenance à l’Otan dont elle est la deuxième force en termes d’effectif armé, et en dépit des pressions que l’Etat turc a subi et continue de subir de la part de l’Occident pour se joindre au camp des sanctions anti-russes. L’Etat turc est resté pourtant infaillible: il ne se joindra pas à ces sanctions et continue de développer ses relations économiques avec la Russie.

Ce n’est pas tout. Les entreprises turques pourraient être parmi les grands gagnants en Russie alors que plusieurs compagnies occidentales ont interrompu leurs activités ou décidé de quitter le marché russe suite aux pressions reçues de la part de leur establishment politique. Plusieurs compagnies turques mènent d’ailleurs à ce titre des négociations en vue de racheter les entités juridiques en question pour les rajouter à leur portefeuille de projets internationaux. Y compris dans les secteurs du prêt-à-porter ou encore de l’électroménager.

Là aussi ce n’est pas tout. Il y a de cela quelques jours, l’ambassadeur turc en poste en Russie, Mehmet Samsar, avait déclaré que le volume des échanges entre les deux pays pourrait atteindre 50 milliards d’équivalent de dollars à l’issue de cette année 2022.

Tout cela conforte la réalité que si Moscou et Ankara sont loin d’être toujours sur la même ligne sur le plan géopolitique, personne en Turquie ne souhaite sacrifier les intérêts économico-commerciaux avec le partenaire stratégique russe. Et aussi que le leadership turc reste constamment à l’écoute de ses opérateurs économiques. Il faut par ailleurs à ce titre reconnaitre, une fois de plus, le ferme capacité de ces derniers à être en mesure d’influer sur les décisions de leur leadership politique.

Le tout à l’énorme différence des opérateurs économiques européens, qui restent pour nombreux d’entre eux passifs face au diktat politique washingtonien sur leurs nations. D’un côté, on pourrait évidemment comprendre que certaines entreprises issues de l’Europe bruxelloise puissent être prêtes à sacrifier leurs intérêts sur le marché russe car possédant des intérêts plus importants aux USA.

Mais la réalité démontre bien souvent que pour nombreuses d’entre elles, la Russie était incomparablement plus importante en termes de revenus que ne le sont les Etats-Unis. Au point que pour certaines d’entre elles, leur chiffre d’affaires obtenu sur le marché russe représentait l’un des plus importants à l’échelle mondiale. Mais fort vraisemblablement, le masochisme subi par l’élite politique bruxelloise a largement contaminé un certain nombre d’opérateurs économiques européens. A l’énorme différence des acteurs turcs.

Une chose reste également sûre. Les actions de l’Occident collectif renforcent sa propre isolation à l’international. En ce sens, le Sommet du G20 à Bali, en Indonésie, aura une fois de plus démontré que les pressions occidentales n’impressionnent plus l’écrasante majorité de la planète. Et malgré toutes les tentatives de l’Occident + Japon à tenter de bloquer la participation de la Russie audit sommet, le résultat final n’est qu’un énième échec évident de la coalition des nostalgiques de l’unipolarité.

Mikhail Gamandiy-Egorov