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La nouvelle ligne de démarcation et le dilemme de l’Occident

18.05.2023

La ligne de séparation Est-Ouest, ou aussi celle du monde multipolaire d’un côté et de l’espace réunissant tous les nostalgiques de l’unipolarité de l’autre, apparait aujourd’hui de plus en plus comme la seule solution plausible. Surtout au regard que l’écrasante majorité planétaire ait fermement refusée à se joindre au discours et aux agissements de l’extrême minorité occidentale.

L’establishment otanesque se retrouve effectivement et de plus en plus devant un bien sérieux dilemme. Et selon nombre de sources – y compris au sein des forces parmi les plus russophobes de l’axe atlantiste. Celui d’accepter la ligne de démarcation courante entre l’Otan et la Russie dans le cadre de la réalité sur le terrain de l’opération militaire spéciale lancée par Moscou l’année dernière. A défaut de quoi de maintenir le discours quant à la nécessité d’assurer par tous les moyens une défaite stratégique à l’Etat russe.

Dans le cas de la première option de la ligne de démarcation – sujet qu’Observateur Continental avait de nouveau récemment traité – cela aura pour signification peut-être non pas une défaite complète de l’Otan dans sa guerre contre la Russie, mais représentera une défaite tout de même. Tout en tenant compte que dans cette option, personne ne peut garantir combien de temps tiendra le régime fantoche de Kiev installé par l’Occident. Surtout au vu des fort nombreux dossiers pour lesquels il faudra rendre des comptes.

L’autre option concerne quant à elle la poursuite de la politique d’anéantissement des citoyens d’Ukraine, en maintenant la politique occidentale du «jusqu’au dernier ukrainien», à l’heure où les pertes du régime kiévien sont déjà tout simplement colossales. Y compris au regard des fuites au sein de l’establishment étasunien sur cette question, comme d’autres.

Etant incapables de réaliser le fameux scénario d’infliger une défaite stratégique à la Russie, tout en se rendant compte que le nombre quasi-incalculable d’armes fournies au régime de Kiev, y compris les plus stratégiques et jugées tellement «efficaces» – ne permet pas de bouleverser la dynamique sur le terrain. Le tout récent exemple avec le système de défense aérienne étasunien Patriot, présenté comme l’un des meilleurs au monde par la propagande occidentale, touché et endommagé selon les sources mêmes washingtoniennes et détruit selon Moscou par une frappe du missile hypersonique russe Kinjal à Kiev, ne fait que renforcer cette réalité.

Et dans cette option – à l’heure où la Russie continue de faire preuve de patience et à ne pas se précipiter – tout en progressant chaque jour un peu plus non seulement sur le terrain, mais également dans l’étude et la riposte face aux technologies militaires occidentales, l’axe atlantiste risque de se retrouver à terme face à une ligne de démarcation qui sera au contact direct ou quasi-direct des frontières des régimes otanesques. Ce qui équivaudra non plus à une défaite limitée de l’establishment occidental, mais bel et bien à une défaite entière et stratégique de l’Otan.

Et là aussi ce n’est pas tout. Car comme prévu et suite à l’initiative de paix chinoise, qui représentait déjà à elle seule un énorme casse-tête pour l’Occident dans l’optique que les nations non-occidentales apportent leur soutien en se joignant à la direction en question – désormais cette réalité se confirme avec l’implication d’autres pays des BRICS, notamment du Brésil et désormais de l’Afrique du Sud. Dans le cas d’ailleurs de l’une des principales puissances d’Afrique – l’initiative est déjà soutenue par plusieurs autres pays africains, dont l’Ouganda, l’Egypte, la Zambie, le Congo et le Sénégal. En passant – des pays pour la plupart ayant des relations étroites et privilégiées avec Pékin et Moscou.

Et malgré le fait que les élites washingtoniennes et occidentales n’ont pas profité de l’occasion de se taire – en accusant le leadership brésilien de «faire le perroquet de la propagande sino-russe» ou encore d’aller jusqu’à affirmer que l’Afrique du Sud fournit des armes et munitions à la Russie, l’Occident se rend compte de plus en plus à être dans l’impossibilité à faire la sourde oreille face à l’écrasante majorité planétaire. Après tout – ni les menaces et intimidations, ni des promesses financières – n’ont été en mesure de faire basculer cette écrasante majorité mondiale dans le camp atlantiste de l’Occident.

Pendant ce temps l’opération militaire spéciale se poursuit. La retenue russe vis-à-vis des civils tout en maintenant la destruction progressive du potentiel armé ennemi et du laboratoire d’expérimentation otanesque en Ukraine, y compris les meilleurs types d’armements occidentaux, confirme une fois de plus toute la rage de l’Occident à ce sujet. Du moins des régimes occidentaux nostalgiques de l’ère unipolaire définitivement révolue.

Quant au fait laquelle des options sera finalement appliquée dans le cadre de la nouvelle ligne de démarcation Est-Ouest, entre le monde multipolaire et l’extrême minorité planétaire, cette question reste encore ouverte. Le principal étant que la ligne de démarcation sera bel et bien tracée.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Zambie: l’ambassadeur étasunien forcé de partir, ou le courage de tout un pays

Daniel Foote, ambassadeur des USA en Zambie, après s’être permis plusieurs déclarations propres à la mentalité des élites occidentales, notamment en lien avec la loi de ce pays africain vis-à-vis de l’homosexualité, a été déclaré indésirable par le président zambien Edgar Lungu, et s’est vu obligé de quitter le territoire.

Si cette affaire ait atteint le summum avec la déclaration du diplomate US – qui s’est dit être «horrifié» de la décision de justice zambienne ayant condamné à la prison un couple homosexuel, il faut néanmoins noter que l’arrogance du représentant washingtonien avait commencé bien avant, qui n’a pas manqué à plusieurs reprises de critiquer la gestion du pays et de remettre en question les lois nationales. Oubliant par la même occasion qu’il ne se trouvait pas en terre appartenant aux USA, ni dans une colonie étasunienne.

La réponse du président de la Zambie ne n’est pas faite attendre longtemps: «Nous ne voulons plus de personnes comme ça parmi nous». En outre, une large mobilisation avait eu lieu au niveau du pays, y compris dans les réseaux sociaux, pour dénoncer l’attitude du représentant de Washington et le sommer de partir. Désormais, c’est chose faite: les Etats-Unis ont rappelé leur ambassadeur, tout en déclarant à travers des sources diplomatiques «qu’ils ne s’attendent pas à ce qu’il soit remplacé bientôt».

Dans toute cette situation, plusieurs caractéristiques évidentes ressortent du comportement du diplomate américain, et de façon générale de l’establishment mondialiste pro-unipolaire occidental. D’une part, cette attitude hautaine, arrogante et bien souvent méprisante vis-à-vis des pays non-occidentaux et tous ceux qui ne reconnaissent pas les valeurs prétendument universelles, promues par les élites atlantistes. De l’autre, un manque de respect total vis-à-vis des lois du pays de présence – car on a beau aimer ou ne pas aimer les lois nationales de tel ou tel pays, c’est notre droit personnel à chacun, néanmoins si on se trouve dans un pays étranger en qualité d’hôte, y compris en tant que diplomate, la moindre des choses serait de respecter le droit souverain du pays en question. Imaginons ne serait-ce qu’une seconde qu’un diplomate africain – comme d’ailleurs chinois, russe, turc ou iranien, ait par exemple vivement critiqué les lois libertines des Pays-Bas ou le fameux «mariage pour tous» en France, les médias mainstream auraient immédiatement crié au complot et à la violation de la souveraineté. Une souveraineté qu’eux-mêmes ont vraisemblablement constamment le droit de bafouer. Et dernier point, toujours ce même chantage de la part de l’élite occidentale: l’ambassadeur US avait précédemment rappelé que les Etats-Unis accordent chaque année une aide de 500 millions de dollars à la Zambie. Tout en ajoutant qu’en retour les USA attendaient plus de flexibilité de la part de Lusaka.

En d’autres termes: nous vous donnons une certaine somme. En retour, légalisez l’homosexualité et de façon générale acceptez qu’on vous dicte les lois à adopter. Une option que l’écrasante majorité de Zambiens, d’Africains et probablement des peuples du monde refusent. Ceci étant dit, les pseudo-démocrates occidentaux oublient une autre chose, fort importante: depuis un bon moment déjà, les USA ne représentent pas un partenaire économique stratégique pour la Zambie – si ce n’est que dans le cadre de l’interférence dans les affaires nationales. Lorsqu’on connait le nombre de projets de la Chine dans ce pays et les montants investis, les 500 millions de dollars «d’aide» étasunienne paraissent assez ridicules. Et malgré ces énormes investissements, Pékin ne s’est jamais permis jusqu’à maintenant de donner des leçons de vie à la Zambie. Respect de la souveraineté oblige. En dehors de la Chine, la Zambie entretient également des relations économiques intenses avec les pays de la région, notamment l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo ou encore le Kenya. L’Inde et la Corée du Sud sont également des partenaires économico-commerciaux importants. Enfin, la Russie devient de plus en plus active en Zambie. Le dernier Sommet Russie-Afrique à Sotchi d’octobre dernier ayant donné un souffle supplémentaire aux relations entre les deux pays. Une nouvelle réalité vivement saluée aussi bien par le leadership zambien, que russe.

Tout cela pour dire que la Zambie peut se passer des financements américains – des financements presque toujours alloués dans le simple but d’interférer dans les affaires souveraines des Etats. Ainsi que pour justifier les appétits pour les ressources naturelles des compagnies étasuniennes, qui à l’instar d’autres pays occidentaux, y compris européens, se donnent un vif plaisir à parler des objectifs «prédateurs» de Pékin et Moscou vis-à-vis des pays africains en oubliant de 1) de se regarder objectivement dans le miroir et de 2) se rappeler que jusqu’à l’heure d’aujourd’hui les empires coloniaux et pilleurs confirmés n’ont été qu’eux-mêmes, à savoir les puissances occidentales.

De façon plus générale, la réaction responsable et souveraine du leadership zambien, ainsi que la courageuse mobilisation de la population du pays, sont sans aucun doute à saluer. Tout cela confirme par ailleurs plusieurs choses: que l’esprit de résistance au néocolonialisme vit toujours dans les pays de la partie sud du continent africain, que le sentiment de dignité nationale est plus fort que la peur d’éventuelles représailles de la part du dictateur mondial autoproclamé, et enfin que le monde multipolaire est bel et bien une réalité. Que les élites occidentales continuent, puisqu’elles le souhaitent, à vivre dans leur petite réalité prétendument «universelle», l’écrasante majorité des peuples du monde ne la souhaite pas.

Mikhail Gamandiy-Egorov

http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1303

La Russie en Afrique : le grand retour?

La Russie en Afrique : le grand retour ?

Après une période relativement faible en relations, l’heure pour Moscou est au retour sur le continent africain. Alors que la Russie ne cesse de diversifier largement ses relations extérieures, l’Afrique fait désormais partie des priorités.

Relations intenses durant la période soviétique, notamment dans le cadre de la guerre froide, puis perte de vitesse dans les relations russo-africaines à la chute de l’URSS. Il serait d’ailleurs juste de rappeler que les élites libérales russes de l’époque de Boris Eltsine avait fait en sorte de diffuser une sorte de propagande affirmant que l’URSS ne faisait que nourrir d’autres nations, notamment africaines, en lieu de se focaliser sur ses propres problèmes. Ce qui était très généralement faux.

Certes, l’Union soviétique accordait un soutien important à plusieurs nations africaines, notamment durant la période ayant suivi la décolonisation de ces pays. Il y avait bien sûr aussi une conjoncture idéologique derrière, sachant que dans le cadre de la guerre froide deux systèmes, deux visions opposées, s’affrontaient. Mais il était totalement faux de dire que ce soutien, y compris en direction de l’Afrique, n’était pas dans l’intérêt de la Russie. Au contraire, ces relations d’alliance avaient fortement permis d’accroitre l’influence politique, culturelle, militaire et aussi commerciale de l’URSS à destination de ces pays. Et les nombreux spécialistes russes, militaires comme civils, ayant travaillé en Afrique à cette période pourront le confirmer.

La page des années libérales pro-occidentales étant, heureusement, en bonne partie tournée, l’heure est au renouveau des relations. Si l’espace eurasiatique, ainsi que celui du Proche-Orient, représentent indéniablement un intérêt de premier plan pour la Russie, il n’en reste pas moins que l’Afrique et l’Amérique latine font partie également des grands projets de Moscou à l’international. Et si jusqu’ici les relations les plus intenses étaient avec les pays du nord et du sud du continent africain, on arrive désormais à l’étape où la présence russe s’élargira certainement à toutes les parties de l’Afrique.

Moscou dispose de plusieurs avantages évidents: absence d’histoire coloniale vis-à-vis du continent africain. Plus que cela, l’URSS avait accordé un soutien de premier plan aux mouvements africains de libération nationale dans leur lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme. Cela sans oublier une importante participation dans la formation des cadres africains, soit via la venue de spécialistes russes en terre africaine, soit en invitant des milliers d’étudiants africains à venir se former dans les universités soviétiques. Beaucoup de ces anciens étudiants occupent aujourd’hui des postes de première responsabilité dans un certain nombre de pays du continent. Tout cela ne s’oublie pas jusqu’à ce jour.

D’autre part, la politique actuelle de la Russie attire nombre d’Africains. Sachant que Moscou axe sa politique extérieure sur trois piliers fondamentaux: attachement au droit international, respect de la souveraineté des nations, de même que de leurs valeurs et traditions historiques. Enfin, soutien au concept du monde multipolaire — le seul pouvant garantir des relations équitables et justes.

L’Afrique montre clairement qu’elle attend le plein retour de la Russie. La nouvelle Russie, qui le souhaitait aussi, passe désormais aux actes concrets.

Liens d’alliance stratégique historique qui se renforcent avec l’Algérie, aussi bien dans la coopération militaro-technique que civile, zone de libre-échange qui se prépare au lancement avec le Maroc, construction de centrales nucléaires dans une perspective proche en Afrique du Sud et en Egypte (avec laquelle une zone de libre-échange est également en discussion). Exportations des céréales russes à destination de plusieurs pays du continent au moment où la production nationale est en train de battre tous les records. Collaboration aussi dans le domaine minier, sans oublier le domaine éducatif sachant que la Russie continue d’attirer des étudiants de pratiquement tous les pays du continent. Enfin, lancement de nouveaux projets à participation russe en Guinée équatoriale, Ouganda, Burundi, Zambie, Zimbabwe.

En parlant justement des deux derniers cités, le président du conseil d’administration d’Uralchem et vice-président du conseil d’administration d’Uralkali — grande entreprise russe de production et d’exportation d’engrais potassiques, Dmitri Mazepine, s’y est rendu début février et a rencontré les présidents des deux pays Edgar Lungu et Emmerson Mnangagwa.

Lors de ces rencontres il a été décidé d’établir un hub russe pour la fourniture directe des engrais de l’entreprise russe à destination des acheteurs africains. Sachant que la demande pour ces produits en Afrique ne cesse d’augmenter, et est appelée à augmenter encore plus dans les prochaines années. A titre d’exemple donné par l’homme d’affaires russe, le volume actuel des livraisons d’Uralchem et d’Uralkali en Afrique du Sud-Est représente près de 100 000 tonnes par an. Mais sur le court terme, ce volume est appelé à augmenter jusqu’à 500-600 000 tonnes annuelles.

Cette coopération russo-zambienne et russo-zimbabwéenne (et avec d’autres pays africains certainement) permettra de réduire considérablement les prix des engrais pour les agriculteurs africains, en y éliminant les intermédiaires: le plus souvent ni russes, ni africains… Des intermédiaires qui revendaient ces engrais sur place au prix de 450-500 dollars la tonne. La création dudit hub russe sur place et des livraisons directes dans les ports africains permettront de le diminuer jusqu’à 250-300 dollars la tonne. Rien que cela.

Tout en sachant que ce que la première phase du retour véritable de la Russie en Afrique. L’intérêt réciproque n’a jamais été aussi important depuis la fin de l’URSS. Suivez donc l’actualité russo-africaine!

https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201802211035234492-russie-afrique-retour/

Mikhail Gamandiy-Egorov