Archives mensuelles : décembre 2013

Intervention française en RCA : engagement humanitaire ou énième tentative de contrer la Chine ?

Intervention française en RCA : engagement humanitaire ou énième tentative de contrer la Chine ?

La récente intervention armée de la France en République centrafricaine a ouvert un certain nombre de questions. D’une part, sur les raisons de ce conflit interne qui paraissent encore assez obscurs. Et d’autre part, si le rôle joué par la France dans ce pays serait si « bénéfique » comme le prétend ardemment l’Elysée.

La plupart des médias nous annoncent que le conflit centrafricain s’enlise dans des affrontements inter-religieux avec comme résultat un véritable drame humain. Mais la question qui se pose, c’est le rôle de l’Etat français dans cette crise, présenté par certains comme étant le « sauveteur ». Pourtant, l’intervention actuelle des forces armées françaises ressemble plus à la nécessité de sécuriser une fois de plus ses intérêts que par la volonté « de mettre fin à une situation humanitaire catastrophique ». Sans oublier que l’instabilité que connait la Centrafrique, ainsi que d’autres pays d’Afrique francophone est bien souvent justement due au rôle peu pacifiste de l’élite hexagonale.

A la base, il faut quand même rappeler que la République centrafricaine est un pays ayant connu dans son histoire plus ou moins récente un bon nombre de coups d’Etat dans lesquels l’Elysée ne jouait pas le dernier rôle, bien au contraire. Il faudrait aussi se rappeler que le fameux Jean-Bedel Bokassa qui s’était autoproclamé empereur, était à la base un pur produit du système de la Françafrique.

Aujourd’hui, les principales sociétés françaises contrôlent l’économie du pays et c’est un fait également bien connu : Bolloré, Areva, Total, France Telecom, Castel, CFAO… Tous ont leur part du gâteau. Mais à l’instar des autres pays d’Afrique, y compris francophones, la Chine a commencé sérieusement à nuire aux intérêts français depuis les dernières années. Principalement dans le domaine du pétrole dans lequel l’Empire du milieu a fait une entrée impressionnante. Preuve de ce rapprochement de la RCA avec la Chine, l’entreprise pétrolière d’Etat chinoise CNPC (China National Petroleum Corporation) a obtenu la reprise du permis de recherche, de développement et d’exploitation du site pétrolier de Boromata, situé dans le nord-est du pays.

Ce rapprochement rapide et dans un secteur clé comme le pétrole, entre la RPC et la RCA n’a pas seulement accentué les inquiétudes de Paris, lassé de perdre de plus en plus son influence dans ses « anciennes » colonies, mais aussi de Washington, également peu ravi des positions de force de la Chine sur le continent africain. Les câbles diplomatiques étasuniens sur cette question en sont une preuve nette. D’ailleurs en mars 2013, le désormais déchu Francois Bozizé avait affirmé sur les ondes de Radio France International (RFI) qu’il a été renversé « à cause du pétrole ».Mis à part le pétrole, Bozizé avait également commencé un rapprochement avec Pékin dans le domaine militaire, notamment à travers des programmes grâce auxquels des officiers centrafricains allaient suivre des formations en Chine. Un autre secteur que Paris a l’habitude de contrôler dans ce qu’il considère encore ses possessions.

Selon plusieurs spécialistes, dont le journaliste camerounais Olivier Ndenkop, auteur de l’article « Les raisons cachées de l’intervention française en Centrafrique », les raisons de l’intervention armée française seraient purement d’ordre économique et politique, et aucunement humanitaire comme l’a martelé à plusieurs reprises François Hollande. Ce que l’on peut noter aussi, c’est qu’à part le désir de contrer à tout prix la colossale influence chinoise en Afrique, il s’agit également d’une volonté de limiter l’influence grandissante d’autres acteurs, parmi lesquels l’Inde ou le Brésil. Sans oublier l’Afrique du Sud qui à titre de leader du continent africain est de plus en plus appelée à avoir une participation active dans la résolution des conflits sur le continent. En effet et depuis plusieurs années on pouvait observer l’agacement de l’Elysée de voir Pretoria vouloir jouer un rôle de plus en plus important dans la résolution des conflits, y compris en Afrique francophone.

 Pour revenir à l’intervention française en Centrafrique, elle est loin de faire l’unanimité au sein de la population centrafricaine. Certains affirment même qu’elle ne fait qu’attiser les violences entre les différentes milices et groupes de population. D’ailleurs, une manifestation a eu lieu tout récemment dans la capitale Bangui pour protester contre la présence militaire française, accusée de « partialité » dans le conflit centrafricain. Les protestataires scandaient notamment « Non à la France » et « Hollande criminel ».

Le drame humain centrafricain serait donc vraisemblablement un exemple supplémentaire d’affrontements entre intérêts économiques et géopolitiques opposés. Et une fois de plus, derrière les interventions armées dites « humanitaires » se cache tant bien que mal la volonté de préserver ou d’arracher à tout prix ses dividendes plutôt que de sauver véritablement des vies humaines.

http://french.ruvr.ru/2013_12_24/Intervention-francaise-en-RCA-engagement-humanitaire-ou-enieme-tentative-de-contrer-la-Chine-9856/

Mikhail Gamandiy-Egorov

Hommage à Nelson Mandela : l’hypocrisie occidentale sans limites

Hommage à Nelson Mandela : l’hypocrisie occidentale sans limites

On a appris avec la plus grande tristesse la mort d’un héros. D’une icône de la lutte contre l’oppression, l’injustice, la peste brune du néocolonialisme, et du combattant pour les vraies valeurs que sont la liberté et la paix.

Malgré ses très longues années passées en prison, loin de sa famille et de ses proches, Madiba (le nom de son clan tribal) et comme l’appellent affectueusement toutes les personnes qui l’aiment, a eu l’énorme sagesse d’éviter une guerre civile à son pays qui paraissait alors inévitable. Et c’est grâce à cette sagesse que l’Afrique du Sud a su tourner la page sombre de son histoire pour ouvrir celle de la réconciliation et permettre au pays d’aller de l’avant.

Néanmoins, et ce qui choque, c’est l’hypocrisie « par excellence », si l’on peut dire ainsi, d’un bon nombre de politiciens occidentaux. Hypocrites car lui chantant toutes sortes de louanges alors qu’hier ces mêmes personnes le considéraient comme un « terroriste communiste ». Ces mêmes personnes qui ouvertement ou indirectement supportaient le système raciste et honteux de l’apartheid. Les mêmes qui faisaient tout pour que ce régime survive le plus longtemps possible. Et aujourd’hui ? Ils font en sorte de nous faire croire leur grande « appréciation » de l’œuvre de Mandela.

On se souvient encore des positions des leaders occidentaux tels que Ronald Reagan ou Margaret Thatcher, la fameuse « dame de fer » britannique. Cette dernière soutenait ouvertement le système d’apartheid en Afrique du Sud, refusant d’appliquer des sanctions internationales à l’égard de ce régime, et avait déclaré : « Quiconque pense que l’ANC (Congrès national africain, le parti de Mandela – ndlr), gouvernera en Afrique du Sud n’a pas les pieds sur terre »…Visiblement la dame de fer, peu appréciée par la majorité de son propre peuple britannique, n’avait pas elle les pieds sur terre au moment de cette déclaration puisque son apartheid bien aimé est bel et bien tombé, et que l’ANC a bien pris le pouvoir depuis les toutes premières élections démocratiques en Afrique du Sud, en 1994.

D’autre part, les Occidentaux connaissent parfaitement les vrais amis de Nelson Mandela. Peut-être plus que des amis : des frères. Ceux qui l’ont toujours soutenu, y compris lors des moments les plus difficiles, et que lui aussi n’a jamais cessé de soutenir. En premier lieu il s’agit de Fidel Castro, Mouammar Kadhafi et Yasser Arafat. Aux yeux de l’Occident politique, des leaders certainement pas « tout à fait fréquentables »…Néanmoins, Mandela n’a jamais caché son amitié sincère avec ses amis et en parlant de son amitié avec Mouammar Kadhafi, il avait dit la chose suivante : « tous ceux qui n’apprécient pas notre amitié avec le frère Kadhafi peuvent sauter dans la piscine ! ».En gros, aller voir ailleurs.

En 1997, Nelson Mandela décerne à Kadhafi l’ordre de Bonne Espérance, la plus haute distinction sud-africaine. Aux critiques du département d’Etat étasunien, bien mécontent de cette grande amitié entre deux grands hommes, Mandela réplique « qu’ils n’ont aucune morale et que c’est bien Mouammar Kadhafi qui nous a aidé en un temps où nous étions seuls, quand ceux qui disent que nous ne devrions pas être ici, aidaient notre ennemi ».Une allusion ouverte au soutien que les USA et plus particulièrement la CIA avaient offert au régime d’apartheid. C’est d’ailleurs au colonel Kadhafi que Mandela accordera sa première visite à l’étranger, en 1990, après avoir été libéré à la suite de ses 27 années d’emprisonnement. Il en sera de même en 1994 lorsqu’il sera élu président de la République d’Afrique du Sud. En 1998, Nelson Mandela déclarera, en présence de Bill Clinton, alors président des USA, qu’à l’époque « où les Etats-Unis soutenaient l’apartheid, d’autres pays aidaient la lutte contre la ségrégation raciale. C’est pourquoi l’un des premiers chefs d’Etat que j’ai invité dans ce pays a été Fidel Castro… et j’ai également invité le frère Mouammar Kadhafi ».On ne peut non plus oublier la phrase de Madiba qui vise ouvertement les USA et leurs crimes contre l’humanité :« Si il y a bien un pays dans le monde qui a commis des atrocités indescriptibles, ce sont bien les Etats-Unis d’Amérique. Ils n’ont rien à faire des êtres humains ».

Pour ses amis cubains, Mandela dira : « Nous admirons les sacrifices du peuple cubain pour maintenir sa propre indépendance et sa souveraineté face à la sinistre campagne impérialiste orchestrée dans le but de détruire les avancées impressionnantes réalisées au cours de la révolution cubaine… Vive la révolution cubaine ! Longue vie au camarade Fidel Castro ! ».Quant à la Palestine et la lutte du peuple palestinien, Nelson Mandela déclarera : « Nous savons bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».

Les leaders occidentaux ne peuvent ignorer toutes ces citations et les prises de positions courageuses du héros national sud-africain. D’ailleurs le courage a toujours été le fer de lance de toute la vie de Mandela. Néanmoins et cela est tout à fait clair aussi, les louanges occidentales ne sont pas plus qu’une campagne de relations publiques bien organisée, sachant que sans cela, leurs propres citoyens ne les comprendraient pas, en cas d’absence d’hommage à l’icône de la planète toute entière.

 Seul petit bémol, c’est que cette hypocrisie n’a été que peu voilée, de même que le manque de sincérité. Le fameux « selfie » d’Obama, Cameron et de la première ministre danoise Thorning-Schmidt en pleine cérémonie d’adieu à Mandela, au stade de Soweto n’a été qu’un signe supplémentaire. Un geste complètement déplacé compte du lieu et du moment, alors que toute l’Afrique du Sud, le continent africain et le monde entier étaient en deuil, ces trois braves personnages eux visiblement étaient là pour autre chose. En tout cas, cela a montré une fois de plus la vraie « raison » de la présence de certains chefs d’Etats occidentaux à cette cérémonie et de leurs paroles si « émotionnelles ». Après tout, pour certains, se faire de la pub supplémentaire, cela n’a pas de prix. Surtout lorsqu’il s’agit de venir « rendre hommage » à l’une des plus grandes personnalités de tous les temps.

De toutes les manières, Madiba restera à jamais dans le cœur des Sud-Africains et des habitants du continent africain. De même que dans le cœur et la mémoire de la grande majorité des habitants de notre planète. Reste quand même à ne pas oublier qui était véritablement ce grand héros Nelson Mandela, ainsi que toujours se rappeler de son œuvre et de son exemple. Nous connaissons ses vrais amis. Les faux amis, eux, se découvrent et se reconnaissent bien vite.

http://french.ruvr.ru/2013_12_19/Hommage-a-Nelson-Mandela-l-hypocrisie-occidentale-sans-limites-6911/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

La « nouvelle » Libye. Entretien avec Luc Michel (Partie 2)

La « nouvelle » Libye. Entretien avec Luc Michel (Partie 2)

Suite de la première partie.

Entretien avec Luc Michel, grand spécialiste de la géopolitique et notamment de la Libye (on lui doit notamment une « Géopolitique de la Jamahiriya libyenne »).

LVdlR : Autre point. Depuis l’assassinat de Kadhafi, un véritable racisme à l’encontre des Africains sub-sahariens est devenu pratique courante dans ce pays. On a notamment vu plusieurs vidéos très choquantes et barbares où l’on voit des exécutions des Africains noirs par les « rebelles », amis de l’Occident. Qu’en est-il ?

Luc Michel : Le racisme anti-noir, contre ce qu’ils appellent les « abid » ou les « esclaves », est une des constantes de l’islamisme. Qui rappelons-le, est une idéologie réactionnaire, un fascisme islamiste. Il s’est développé avec le CNT et a surfé sur un sentiment anti-africain chez une partie de la population libyenne, mécontente du panafricanisme sincère de Kadhafi et qui avait ouvert la Jamahiriya à de nombreux Africains. Ajoutons que les libéraux libyens comme les islamistes avaient déjà utilisé le racisme anti-noir dans la dernière décennie de la Jamahiriya comme moyen de déstabilisation. Le coup d’état de Benghazi n’a fait qu’amplifier, à hauteur de crimes de guerre, ce racisme.

Il faut savoir que celui-ci n’a pas seulement frappé les ressortissants d’autres pays africains résidant en Libye mais aussi les Libyens noirs. La Libye a une population mêlée, il y a des Libyens à peau claire, de type maghrébin, voire sud-européen. Et il y a des Libyens noirs de peau, venus du Fezzan et du Sud saharien (notamment d’origine Toubou). Mais qui avec le développement et la prospérité de la Libye sous Kadhafi sont aussi allés habiter les régions côtières. Des fiefs islamistes – Al-Baida, Derna, Misrata ou Zinten – sont parties de véritables expéditions punitives. Des déportations, des massacres de masse, des crimes de guerre sans nom ont été commis. Des villes ont même été vidées et pillées, comme Tarawoua (ville à population libyenne noire). Dans le silence coupable des spécialistes auto-proclamés des droits de l’homme (occidental) alimentaires. BHL en tête.

A cela s’est ajoutée la sinistre résonance des articles irresponsables des médias de l’OTAN, évoquant sans arrêt de fantomatiques « mercenaires africains de Kadhafi ». Information provenant souvent d’officines de désinformation israéliennes, comme DEBKA, liées à Tsahal ou au Mossad. Tout cela a conduit à une chasse permanente aux noirs. Qui a culminé avec des massacres de masses lors de la prise de Tripoli en août 2011, tortures et exécutions sommaires, charniers et prisons secrètes à l’appui. On estime qu’il reste encore plus de 10.000 Africains dans les geôles des milices.

A cela s’ajoute aujourd’hui, comme l’a révélé le drame de Lampedusa, l’exploitation des Africains noirs par les filières mafieuses de traite d’humains vers l’Europe, aux mains des islamistes en Libye et au Sahel. Des camps existent en Libye, où viols, pillages et exécutions sommaires sont la règle. L’enquête sur le drame de Lampedusa a aussi révélé que les nouveaux « boat people » africains ont été victimes de tirs criminels venant de corvettes « libyennes », bâtiments de guerre tombés aux mains de gangs ou milices, nouvelle piraterie aux portes de l’Italie.

LVdlR : Selon vous, au moment où il était clair que l’OTAN ferait tout son possible pour éliminer le leader de la Jamahiriya vu les moyens déployés, n’était-ce pas une erreur stratégique de la part du colonel Kadhafi d’être resté en Libye, alors que plusieurs chefs d’Etats africains et d’Amérique latine lui avaient proposé refuge dans leurs pays ? Un refuge provisoire qui aurait notamment pu servir à organiser une résistance à moyen ou long terme aux bandits-rebelles, amis de BHL ?

Luc Michel : Kadhafi a choisi selon moi la seule solution valable. Comme il l’a dit « vivre, combattre et mourir au pays ». Ce sera aussi le choix du président Assad en Syrie. Un départ du pays aurait conduit à un effondrement immédiat. Comme l’a d’ailleurs démontré le médiamensonge lancé par le britannique Cameron sur « la fuite de Kadhafi au Venezuela » qui a produit un immense flottement à Tripoli même.

LVdlR : Qu’est ce qui n’a pas marché ? Pourquoi la Jamahiriya est-elle tombée selon vous ?

Luc Michel : Tripoli a commis des erreurs dans l’organisation de la résistance, a dispersé ses maigres forces et n’a su mobiliser ni les masses libyennes (largement pro-Kadhafi) ni ses soutiens extérieurs. Il fallait mobiliser à l’intérieur et à l’extérieur pour la guerre totale.

Par maigres forces, j’entends les moyens financiers. Dès février 2011, la Jamahiriya a été prise dans un piège financier : comptes saisis ou bloqués, fonds souverains libyens confisqués (ils le sont toujours), devises fortes indisponibles.

A l’intérieur, la direction libyenne, réorganisée en mars 2011, a été affaiblie par ceux – encore les libéraux restés avec Kadhafi – qui voulaient négocier avec l’OTAN ou avec les pseudos modérés du CNT.

LVdlR : Les partisans de Mouammar Kadhafi sont-ils toujours présents en Libye ? Y-a-t-il une résistance qui s’organise via les forces en place et ceux en exil ?

Luc Michel : Pendant que la Libye s’enfonce dans le chaos et la somalisation, et que pro-américains du gouvernement fantoche de Tripoli installé par l’OTAN et milices et islamistes radicaux s’affrontent, une troisième force agit dans l’ombre. C’est la résistance verte kadhafiste qui combat pour la restauration de la Jamahiriya. Impitoyable, radicale, armée, elle frappe depuis l’automne 2011 les collabos de l’OTAN de tous bords. Sa caractéristique est de ne jamais revendiquer exécutions de traîtres et frappes contre leurs bases et locaux. Les médias de l’OTAN n’en parlent jamais, sur ordres sans aucun doute !

LVdlR : En tant que fin connaisseur de la Libye, comment voyez-vous l’avenir à moyen et long terme de ce pays qui encore récemment était l’un des plus prospères du continent africain mais qui est en train de devenir l’un des plus instables et dangereux du monde ?

Luc Michel : J’ai décrit dès août 2012 la somalisation de la Libye post-CNT, sa longue descente vers le chaos. Il y a la belle histoire, le storytelling des « spin doctors » de l’OTAN ou d’un BHL. Et il y a la réalité d’une Libye en plein chaos derrière les médiamensonges et la propagande, une nouvelle Somalie sur la Méditerranée …

Voici maintenant les médias de l’OTAN qui sont contraints de dévoiler la réalité de cette Libye somalisée. Non seulement les affrontements entre gangs, milices, armées privées. Mais aussi entre tribus et groupe ethniques ! Il faut noter que la grille de lecture tribale n’explique pas la situation libyenne. Contrairement à ce qu’avancent ad nauseam les analystes occidentaux. Ce n’est pas seulement le leadership de Kadhafi qui unissait les composantes de la société libyenne. Mais aussi les institutions de la Jamahiriya et sa Démocratie directe. Et encore la prospérité économique, le bien-être social, la paix civile. La guerre d’agression de l’OTAN a mis un terme à tout cela. La misère, le désastre économique, l’effondrement total des institutions jamahiriyennes et de l’Etat central, armée comprise, l’insécurité et la violence, tout cela a conduit à la violence et à la justice privée. La Libye aujourd’hui c’est un Far West chaotique sans shérif.

LVdlR : Merci de nous avoir accordé cet entretien. On aura certainement l’occasion de rediscuter ensemble des perspectives pour la Libye qui nous promettent pas mal de bouleversements encore…

Luc Michel : J’en ai bien peur ! La Libye est devenue, après la Somalie, un laboratoire en Afrique pour Washington.

La Somalie est un Etat disparu qui a servi de laboratoire à l’impérialisme américain pour concevoir son projet de Nouvel Ordre en Afrique et au « Grand Moyen-Orient ». Qui se souvient aujourd’hui de l’Etat somalien en développement, la puissance régionale des années 80, et du régime socialiste de Siyaad Barre ?

 Comme dans l’Afghanistan socialiste, allié à l’URSS, ou dans la Jamahiriya socialiste de Kadhafi, Siyaad Barre avait brisé la gangue du destin clanique et tribal. Le destin de la Somalie sera aussi similaire à celui de l’Afghanistan. Une descente aux enfers provoquée par l’impérialisme américain et ses manipulations des tribus, des ethnies, des clans et des islamistes. Sans oublier le feu attisé des querelles entre la Somalie et ses voisins.

Depuis 2011, avec les mêmes méthodes, le même scénario et les mêmes acteurs, c’est aussi le destin tragique de la Libye …

http://french.ruvr.ru/2013_12_16/La-nouvelle-Libye-Entretien-avec-Luc-Michel-Partie-2-7268/

Mikhail Gamandiy-Egorov

La « nouvelle » Libye : entretien avec Luc Michel (Partie 1)

La « nouvelle » Libye : entretien avec Luc Michel (Partie 1)

Plus de deux années se sont écoulées depuis l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi en Libye. Depuis la chute de la Jamahiriya, on est très loin des promesses faites par certains grands amateurs des interventions « humanitaires » armées quant à l’avenir de ce pays.

La « nouvelle » Libye sombre de jour en jour dans le chaos et visiblement est en train de devenir un non-Etat failli, intégriste, ainsi que le théâtre de scénarios d’afghanisation et de somalisation. Un pays qui était pourtant encore récemment l’un des plus prospères d’Afrique.

Nous nous entretenons aujourd’hui sur ce vaste sujet avec Luc Michel, grand spécialiste de la géopolitique et notamment de la Libye (on lui doit notamment une « Géopolitique de la Jamahiriya libyenne »).

Organisateur et homme d’action, il est aussi le créateur dans toute l’Europe dès mi-février 2011 des Comités ELAC / Euro-Libyan Action Committees et en juin 2011 de leur pendant africain, les Comités ALAC / Afro-Libyan Action Committees (avec le tchadien Djim Ley-Ngardigal), organisation de soutien à la Jamahiriya qui continue toujours le combat. En avril 2011, il a organisé avec le ministère libyen des Affaires étrangères, la Libyan National Youth Organisation et ELAC la seule conférence internationale – euro-afro-arabe – de soutien à la Jamahiriya, « Hands off Libya », à Tripoli sous les bombes de l’OTAN.

La Voix de la Russie : Toutes les récentes nouvelles qui nous viennent de Libye annoncent tantôt des combats entre groupes armées ayant combattu Kadhafi, tantôt des kidnappings, y compris des haut gradés du nouveau gouvernement, des assassinats et crimes sans jugements, et la liste est non exhaustive. On a l’impression que c’est dorénavant monnaie courante dans cette « nouvelle Libye, démocratique et libre »… Selon vous, qu’en est-il ?

Luc Michel : Dans la Libye post CNT « made in OTAN », les puissantes milices islamistes, les gangs politico-militaires de type mafieux et les armées privées (notamment celles de Zintan et Misrata) font la loi. Y compris à Tripoli et à Benghazi, où le gouvernement fantoche installé par les USA ne contrôle que quelques zones …

La Libye est en voie de somalisation, une zone de non-droit, sans Etat, où ne règnent que la loi des armes et les appétits vénaux de criminels sans foi ni loi. Sans foi parce que les djihadistes, ceux de Benghazi comme ceux de Bruxelles ou Londres, ne sont le plus souvent que des trafiquants d’armes ou de drogue.

Les affaires libyennes : guerre en plein Tripoli, enlèvement du Premier ministre fantoche, blocage des installations pétrolières, tentations « fédéralistes » … en disent long sur les limites étroites de l’autorité réelle du gouvernement pro-occidental de Tripoli, issu du pseudo CNT, et sur le chaos qui règne en Libye. Il n’y a plus d’Etat, de gouvernement, d’autorité. Et les forces du gouvernement fantoche ne sont qu’une des nombreuses factions, dont les puissants gangs islamistes, lourdement armées qui organisent le chaos en Libye. Sans oublier les anciennes « méga » municipalités de la Jamahiriya de Kadhafi où tribus et anciens cadres jamahiriyens, après 33 ans de démocratie directe municipale, ont organisé une autonomie de fait qui ne reconnaît pas l’autorité de Tripoli. C’est le cas à Bani Walid ou Sebah, où les milices d’auto-défense municipales ont chassé à plusieurs reprises les gangs islamistes armés…

C’est ce chaos que les médias de l’OTAN ou l’ineffable BHL appellent un « pays libéré » (sic) et une « démocratie émergente » !

LVdlR : On parlait beaucoup du risque d’afghanisation et de somalisation de la Libye. Récemment, le scénario de somalisation a vraisemblablement atteint un stade de non-retour, avec la région de la Cyrénaïque qui s’est dotée de son « propre gouvernement ». Les groupes armés aux quatre coins du pays dictent désormais ouvertement leurs lois et le risque d’éclatement de l’Etat libyen en plusieurs morceaux est plus proche que jamais. Que pouvez-vous dire là-dessus ?

Luc Michel : Le 25 octobre 2013, la Cyrénaïque s’est dotée de son propre gouvernement et de son drapeau. Noir avec croissant et étoile blanche, d’une inspiration islamiste nette (les drapeaux d’Al-Qaida ou des salafistes sont du même type) …

Il faut savoir que dès le début, la soi-disant « révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi », en fait un coup d’état insurrectionnel organisé par les USA et l’OTAN avec des complicités dans l’aile islamo-libérale apparue en Jamahiriya dès 2003, avait commencé précisément en Cyrénaïque par la mise en place d’un Conseil national de transition à Benghazi. L’Est de la Cyrénaique (Benghazi, Derah, al-Baida) était depuis les Années 80 une zone rebelle où les islamistes organisaient une subversion alimentée par les MI6 et MI5 depuis Londres, capitale du « Londonistan » islamiste. En 1996 avait éclaté une grande insurrection armée, pilotée depuis Londres, difficilement écrasée.

Après la prise de Tripoli et le martyr de Syrte, la Cyrénaïque avait déjà proclamé son autonomie qui n’a pas été reconnue par le CNT.

Quant au leader du CNT, Mustapha Abdeljalil (aujourd’hui en fuite en Tunisie car inculpé pour le meurtre fin juillet 2011 du général félon Younès, chef des katibas du CNT), c’était un islamiste radical, imprudemment placé au gouvernement comme ministre de la Justice de la Jamahiriya par Saïf al-Islam, et … l’un des chefs de ces Confréries Senoussi, interdites sous Kadhafi. La Jamahiriya a été trahie de l’intérieur par son aile islamo-libérale bien avant que l’OTAN porte le coup de grâce. Aujourd’hui, le prix de cette trahison c’est la somalisation de la Libye !

LVdlR : La Libye est devenue aujourd’hui un terrain de prédilection pour des organisations extrémistes, notamment Al-Qaïda. La charia est devenue la nouvelle loi dans tout le pays alors qu’on se souvient encore des idées progressistes (notamment envers les femmes) de l’ancien gouvernement. Les salafistes ont gangrené le pays. A votre avis, cela se poursuivra de la sorte ?

Luc Michel : Les USA se sont emparés de la Libye avec l’aide et par les gangs armés djihadistes.

Ce sont des islamistes employés par la CIA, possédant un passeport US, depuis le début des années 80, qui dirigent la Libye sous occupation de l’OTAN : ainsi le « général » Hifter présidait le premier parlement post CNT, le Premier ministre Zeidan est aussi un employé de la CIA, libéral en économie mais islamiste en politique.

La Libye est déchirée par la violence des milices et des gangs islamistes rivaux. La destruction en juin 2012 de monuments islamiques et de bibliothèques était un combat entre factions islamistes : salafistes soutenus par le Qatar contre les confréries soufi, les fameuses « confréries Senoussi » qui dominaient l’ex CNT d’Abdeljalil avec l’appui de l’AKP turc (qui en est proche idéologiquement) et des MI5 et MI6. Il y a aussi « en embuscade » les Frères Musulmans (protégé des USA depuis 1945 et Plan B du Département d’Etat étasunien), ainsi que les katibas djihadistes d’Al-Qaida, à Tripoli et Zliten. Qui ont même leur parti, Al Watan.

Et la leçon n’a pas servi. Puisque la collaboration USA-OTAN-djihadistes a continué ensuite sur le dossier syrien ! Des opérations de transfert d’armes illégales de la Libye vers la Syrie ont eu lieu en violation de l’embargo de l’ONU sur l’entrée ou la sortie d’armes de Libye. L’homme-clé de l’islamisme libyen et des filières djihadistes Libye-Syrie s’appelle Abdelhakim Belhadj, cadre libyen d’Al-Qaida et ex de Guantanamo, devenu commandant militaire du CNT et appointé « gouverneur militaire de Tripoli » fin août 2011 par les généraux français de l’OTAN. Il a été ensuite envoyé en mission dès l’hiver 2011 pour les services spéciaux de l’OTAN en Syrie, en charge d’organiser les katibas de la pseudo ASL et d’y intégrer les djihadistes. Belhadj était un des hommes liges de l’ancien émir du Qatar, mis à la retraite par Washington il y a quelques semaines. Pour avoir soutenu Al-Qaida et AQMI notamment en Libye, au Mali et en Syrie, ligne rouge pour le Département d’Etat américain, dépassée par les Qataris.

LVdlR : Vous développez une thèse particulière. Selon vous le coup d’Etat de février 2011 ne serait que le résultat d’un processus entamé en Libye dès 2003.

Luc Michel : En effet. C’est un processus similaire à celui qui a détruit la Yougoslavie de 1985 à 2001 qui a déstabilisé, puis détruit la Jamahiriya. Détruite sur un scénario, un « processus de transition » – le nom du CNT s’en inspire directement – qui rappelle étroitement la Yougoslavie et ce n’est pas un hasard. La transition c’est évidemment vers le parlementarisme occidental, le libéralisme, l’économie globalisée et l’alignement sur les USA et l’OTAN !

Comme en Yougoslavie, la Libye aussi, depuis 2003, avait une aile libérale, opposée à celle des socialistes patriotes. Celle rassemblée derrière Saïf Al Islam, le fils aîné de Kadhafi, qui a amené libéraux et islamistes au pouvoir. Il faut lire les pages révélatrices de Bernard-Henry Levy sur Saïf dans son livre d’auto-propagande personnelle sur la Libye « La guerre sans l’aimer », où il pose la question qui choque : « comment celui qui était des nôtres (l’expression est de lui) a-t-il pu rejoindre son père ? »…

Le régime libyen a été déstabilisé et attaqué de l’intérieur. Avant que les bombes, les armées et les mercenaires de l’OTAN et des USA ne viennent finir le travail. J’ai vécu de l’intérieur cette prise de la Libye, aux côtés de nos camarades socialistes du MCR. J’ai vu comment les illusions de Tripoli sur la coexistence pacifique et l’économie globalisée ont permis aux libéraux libyens de se constituer en Cheval de Troie et de préparer l’assaut extérieur.

http://french.ruvr.ru/2013_12_13/La-nouvelle-Libye-entretien-avec-Luc-Michel-Partie-1-6496/

Suite dans la seconde partie de l’entretien.

Mikhail Gamandiy-Egorov

Ukraine : Occident vs Russie, la gifle se retourne contre le gifleur

Ukraine : Occident vs Russie, la gifle se retourne contre le gifleur

Les derniers événements en Ukraine nous montrent une nouvelle fois l’opposition d’intérêts géopolitiques diamétralement opposés. D’un côté le projet atlantiste de Washington via Bruxelles, de l’autre le projet eurasiatique qui regrouperait la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie et d’autres Etats issus de l’ex-URSS, un projet si gênant pour les intérêts occidentaux.

L’Ukraine est donc de nouveau et plus que jamais divisée en deux, à l’image des événements de 2004. Si les médias occidentaux bombardent avec des images des « Ukrainiens désireux d’intégration avec l’UE », les autres citoyens, n’étant pourtant pas minoritaires bien au contraire, aux yeux du mainstream médiatique ne méritent pas (ou très peu) l’attention… Pourtant, fait récent qui a été mis sous silence à l’Ouest, c’est la pétition (organisée par le Parti communiste d’Ukraine KPU) signée déjà par 3,5 millions de citoyens ukrainiens contre l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et réclamant un référendum sur cette question.

Parallèlement, ces citoyens ukrainiens qui s’opposent à l’intégration de l’Ukraine à l’UE, l’OTAN (la suite logique) et compagnie, expriment ouvertement leur volonté d’une intégration à l’Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan, que rejoindront également courant 2014-2015 l’Arménie, le Kirghizistan et le Tadjikistan notamment. Ils dénoncent également les agissements de l’Union européenne qui vise à « détruire l’Ukraine en tant que pays uni ». A noter par ailleurs que cette mobilisation à l’opposé des nouveaux « orangistes » se fait au cœur des régions leaders économiques du pays et des grands centres industriels.

Quant au gouvernement ukrainien, qui a compris le danger pour le pays d’être tout simplement avalé par Bruxelles et comprenant le danger de perdre la Russie, son problème c’est qu’il a trop longtemps voulu avoir le beurre et l’argent du beurre. En l’occurrence l’argent du beurre étant la Russie (de loin le principal partenaire économique du pays) et le beurre dans la tête d’un certain nombre de partisans pro-occidentaux étant l’UE. Bien que et vu l’état actuel des choses, notamment du point de vue économique, il faut dire que ce beurre est de moins en moins bio…

Parlons maintenant du respect de la souveraineté de l’Ukraine. Bien que et globalement parlant, les liens entre les peuples ukrainien et russe soient beaucoup plus forts qu’avec qui que ce soit, que Kiev soit le berceau de la Russie, que des millions de citoyens ukrainiens soient d’origine russe de même que des millions de citoyens de Russie aient des origines ukrainiennes, malgré tout cela, la Russie a montré beaucoup plus de respect vis-à-vis de la souveraineté ukrainienne que les technocrates de Bruxelles. D’ailleurs, a-t-on vu ne serait-ce qu’un représentant du pouvoir russe au centre des manifestations anti-UE à Kiev et dans d’autres villes ukrainiennes ? Aucun. A l’inverse des « démocrates » de l’UE, venus « soutenir » les partisans pro-UE et ainsi mettre de l’huile sur le feu et contribuer à accroitre la division du pays.

De même, la réaction de Moscou a été exprimée sans hystérie, à l’inverse là aussi des représentants du « rêve européen » bruxellois. Quant au désir de la Russie de défendre ses intérêts, ainsi que ceux de ses amis et partenaires, il n’y a absolument rien de quoi être étonné. Il est évident que toute union d’Etats ne pourrait accepter en son sein un Etat qui s’allie parallèlement à une autre union ayant des intérêts politiques, économiques et géopolitiques très différents. Concernant l’hystérie de Bruxelles alimentée par Washington, là aussi pas de quoi s’étonner. Lorsque des Etats vendent leurs indépendances et leurs souverainetés au profit d’intérêts outre-Atlantique, comment peut-on attendre d’eux le respect de la souveraineté des autres ?

Pour finir, il faut noter que la situation actuelle en Ukraine n’est que suite des événements des derniers mois, et ce au niveau mondial. Le bloc atlantiste occidental a toujours du mal à accepter le fait qu’il ne constitue plus (au niveau global) un pôle d’attractivité majeur dans un monde dorénavant multipolaire. Ils ont également toujours autant de mal à accepter le fait qu’un Etat libre, indépendant et souverain puisse choisir le bloc qui l’intéresse et que ce bloc ne soit pas occidental.

 En ce qui concerne le projet eurasiatique qui se crée autour de la Russie et de ses alliés, et pour se rappeler de la position occidentale sur la question, reprenons la citation de décembre 2012 de la désormais ex-Secrétaire d’Etat étasunienne Hillary Clinton : « Cela ne portera pas le nom d’URSS. Cela portera le nom d’Union douanière, d’Union eurasiatique, etc… mais ne nous y trompons pas. Nous en connaissons les buts et nous essayons de trouver le meilleur moyen de ralentir ou d’empêcher son établissement »… Une déclaration qui veut tout dire, surtout venant d’un représentant politique aussi haut placé qu’Hillary Clinton.

Après cela, cela étonne-t-il encore quelqu’un qu’après les affaires de Julian Assange et d’Edward Snowden, le rejet et la résistance à la domination étasunienne sur pratiquement tout le territoire d’Amérique latine, la débâcle en Syrie, la remise en question du modèle occidental (USA-OTAN-UE) dans le monde entier et la gifle que les occidentaux comptaient donner à la Russie en Ukraine et se retrouver ainsi aux portes des frontières russes, mais qui s’est retournée contre eux, que la réaction soit aussi hystérique à Washington comme à Bruxelles ?

http://french.ruvr.ru/2013_12_09/Ukraine-Occident-vs-Russie-la-gifle-se-retourne-contre-le-gifleur-2685/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

 

Rencontre entre le pape François et Poutine : une visite à haute valeur symbolique

Rencontre entre le pape François et Poutine : une visite à haute valeur symbolique

Le président russe Vladimir Poutine a été reçu le 25 novembre au Vatican par le pape François. Une rencontre importante et bien plus qu’une simple visite de courtoisie. A noter que Vladimir Poutine est le troisième chef d’Etat d’un pays membre du G8 à rendre visite au pape François, élu à la tête de l’Eglise catholique depuis le 13 mars de cette année.

Pour le président russe, il s’agit de la quatrième visite au Vatican. Déjà au cours de son premier mandat présidentiel, Vladimir Poutine a rencontré à deux reprises le pape Jean-Paul II, béatifié par l’Eglise catholique le 1er mai 2011 et dont la canonisation est prévue pour fin avril 2014. Le président Poutine rencontrera par la suite en 2007 Benoît XVI, aujourd’hui pape émérite.

Plusieurs thèmes importants ont été abordés lors de cette rencontre, comme les relations entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe russe, la vie de la communauté catholique en Russie, et un grand accent a été mis sur la situation en Syrie et au Moyen-Orient. Le pape François et Vladimir Poutine ont tous deux préconisé « des initiatives concrètes pour une solution pacifique du conflit », ainsi « qu’une solution qui privilégie la voie de la négociation et qui implique les différentes composantes ethniques et religieuses, en reconnaissant leur rôle indispensable dans la société ».

Le président de la Russie n’a pas manqué de remercier le pape pour la lettre qu’il lui a envoyé début septembre à la veille du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg, et dans laquelle le souverain pontife exprimait clairement son opposition à toute intervention armée en Syrie : « Les leaders du G20 ne peuvent pas rester indifférents à la situation dramatique du bien aimé peuple syrien, qui dure depuis bien trop longtemps et qui risque d’apporter une plus grande souffrance à une région amèrement touchée par des conflits et en quête de paix. Aux leaders présents, à chacun, je lance un appel sincère pour permettre de trouver des moyens de surmonter ces conflits et de mettre de côté la poursuite futile d’une solution militaire »… Une position très courageuse et en nette opposition donc au projet franco-étasunien d’intervenir militairement dans le pays-martyr qu’est la Syrie. L’appel de paix lancé par le pape a fait écho à travers plus d’un milliard et 200 millions de fidèles à travers le monde et a montré la plus que visible différence de position entre l’Eglise catholique et les « élites politiques » de certains pays occidentaux.

Le chef d’Etat russe a également noté « la contribution fondamentale du christianisme dans la société russe ».En outre, il a transmis au pape les salutations du patriarche de l’Eglise orthodoxe russe, Cyrille. A noter que plus tôt ce mois-ci, le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, a lui aussi rencontré le pape François dans une atmosphère très cordiale. Après l’entretien, lors du traditionnel échange de cadeaux, le pape François a offert à Vladimir Poutine une mosaïque représentant les Jardins du Vatican. Le président russe quant à lui a remis au pape une icône de la Vierge de Vladimir. Tous deux ont embrassé par la suite l’image de la Vierge Marie.

Une visite donc à connotation très forte. Le président russe n’a jamais caché son appartenance chrétienne et cette visite a souligné la similitude d’approches et de positions du Vatican et de Moscou sur bon nombres de questions, y compris de portée mondiale. Aussi, et c’est un point très important, nous avons toutes les chances d’être optimistes quant à un rapprochement encore plus important entre chrétiens catholiques et orthodoxes, ce qui ne ferait que renforcer définitivement toute la grande famille chrétienne.

http://french.ruvr.ru/2013_11_28/Rencontre-entre-le-pape-Francois-et-Poutine-une-visite-a-haute-valeur-symbolique-6230/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

 

Au Congo, toujours pas d’accord de paix entre le gouvernement et le M23

Au Congo, toujours pas d’accord de paix entre le gouvernement et le M23

Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) n’ont toujours pas signé d’accord de paix après la récente débâcle des rebelles face à l’armée congolaise.

L’accord qui devait être signé à Kampala (capitale de l’Ouganda) le 11 novembre dernier est finalement reporté sine die. L’une des raisons évoquées de l’échec de la signature serait d’ordre « terminologique ». En effet, le mot « accord » aurait été complètement refusé par les représentants du gouvernement de Kinshasa.

Pour le gouvernement de la RDC, il s’agit bel et bien de signer un document entre « un vainqueur et un vaincu » : Kinshasa et les rebelles respectivement. Les envoyés spéciaux de la communauté internationale présents à Kampala ont pour leur part regretté que les deux parties n’aient pas conclu d’accord qui devrait officialiser l’arrêt des hostilités.

Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RDC, a affirmé de son côté : « Comment appeler le document sur la table ? Déclaration, conclusion ou accord ? La différence était à ce niveau et non au niveau de la substance. Je crois que l’accord, ou le papier ou encore le document était conçu pour finir une guerre. Maintenant que la guerre a pris fin, il faut trouver une solution pour réintégrer les combattants du M23 ».

La question est d’autant plus importante que l’option de reprise des affrontements reste malgré tout toujours d’actualité. Après un an et demi de violences, principalement dans la riche province minière du Nord-Kivu, et depuis leur mise en déroute par l’armée congolaise, bon nombre de combattants du M23 se sont réfugiés dans les pays voisins, en Ouganda et au Rwanda principalement. D’autre part, un certain nombre d’autres groupes armés restent toujours sur le territoire congolais et continuent de terroriser les populations locales.

La RDC, second plus grand pays d’Afrique et extrêmement riche en ressources minières, est en proie depuis des décennies à des conflits violents qui l’empêchent d’aller véritablement de l’avant, des conflits dus notamment aux appétits des pays voisins. Le problème avec le M23 est qu’à la base, c’est un groupe armé créé suite à la guerre du Kivu, composé d’ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Suite à cette guerre du Kivu, s’en est suivi un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec le gouvernement de Kinshasa. Considérant que le gouvernement congolais n’avait pas respecté ledit accord, les « nouveaux » rebelles ont alors créé le fameux « Mouvement du 23 mars » en allusion à l’accord signé précédemment.

Qu’en sera-t-il demain ? Même si le gouvernement congolais et le M23 parviennent à signer l’accord de paix tant espéré, quelle serait la garantie que cet accord serait véritablement durable ? A vrai dire : aucune. Car tant que le pays ne parviendra pas à contrôler entièrement son grand territoire et à bâtir une politique d’union nationale, comme l’a toujours souhaité son grand héros Patrice Emery Lumumba, le pays sera toujours exposé aux risques de nouvelles guerres et à des situations d’instabilité. Tout le problème est là.

Reste seulement à souhaiter que la République démocratique du Congo réussira à moyen ou à long terme à régler les problèmes auxquels elle fait face et que le rêve tant espéré de son héros national Patrice Lumumba sera enfin réalisé. A la jeunesse congolaise d’en avoir pleinement conscience, de prendre les choses en mains, et d’assurer à leur pays l’avenir qu’il mérite. A savoir un avenir prospère, proportionnel aux ressources du pays et que la RDC puisse s’assurer une paix durable.

http://french.ruvr.ru/2013_11_22/Au-Congo-toujours-pas-d-accord-de-paix-entre-le-gouvernement-et-le-M23-0938/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

 

La politisation des institutions juridiques « internationales » dénoncée à la Douma

La politisation des institutions juridiques « internationales » dénoncée à la Douma

Le 11 novembre dernier, la Douma (chambre basse du Parlement russe) a organisé en son sein une table ronde sur le thème « Les aspects principaux des institutions pénales internationales sur l’exemple du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et de la Cour pénale internationale (CPI) ».

L’objectif de cette table ronde était en outre de discuter des principaux résultats à l’heure actuelle de ces organismes, ainsi que d’aborder les perspectives de ces institutions dans le cadre du développement du droit international. Parmi les personnalités qui ont pris part à cet événement, on peut citer, les députés de la Douma Viatcheslav Tetekine, Pavel Dorokhine, Tamara Pletneva, Mikhail Emelyanov, le professeur et Docteur en droit international Alexandre Mezyaev, la spécialiste des Balkans Anna Filimonova, le directeur de l’Institut des pays de la CEI Konstantin Zatouline, le directeur de l’Institut russe des recherches stratégiques Leonid Rechetnikov et d’autres imminents représentants de la classe politique, diplomatique et universitaire russe, dont des représentants du Ministère russe des affaires étrangères. Darko Mladic, le fils du général Ratko Mladic, commandant en chef de la République serbe de Bosnie, détenu aujourd’hui au TPIY, a également pris part aux discussions.

Le premier intervenant fut le Docteur Alexandre Mezyaev. Il a rappelé les principaux procès se déroulant depuis plusieurs années et jusqu’à aujourd’hui au TPIY et la CPI. Il a également rappelé les cas de Serbes emprisonnés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie : le général Ratko Mladic, Radovan Karadzic, Goran Hadzic et notamment l’universitaire serbe Vojislav Seselj, ce dernier n’ayant jamais pris part au conflit armée en Ex-Yougoslavie et pourtant emprisonné depuis bientôt 11 ans par la « justice internationale », constituant un énième exemple flagrant des contradictions de ce tribunal. Un chapitre spécial sera dédié au cas du président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, emprisonné depuis le 30 novembre 2011 dans les geôles de la Cour pénale internationale, ainsi qu’à Charles Blé Goudé, ministre ivoirien de la Jeunesse sous le gouvernement de Laurent Gbagbo, visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis le 1er octobre 2013.

En parlant du cas de Laurent Gbagbo, le professeur Mezyaev le caractérise ainsi : « Un président légitime déchu par des forces de l’extérieur et jugé sans aucun élément fiable ».En ajoutant que : « La CPI ne possède aucun élément de preuve pour détenir ne serait-ce qu’un jour de plus M. Laurent Gbagbo. Mais il est toujours en détention… ». Les autres intervenants ne manqueront pas de rappeler eux aussi toutes les contradictions inexpliquées de ces institutions juridiques internationales, censées défendre le droit international et la justice dans le monde entier, sans exception. Au lieu de cela, la CPI et le TPIY, ainsi que les autres institutions de ce type sont devenus des instruments politiques aux mains de groupes d’intérêts limités.

Effectivement, la politisation et l’instrumentalisation des dits organismes ont été les mots-clefs des discussions. Tous les spécialistes étaient unanimes sur le fait que des institutions censées lutter contre l’injustice aux quatre coins du monde devenaient en réalité des instruments qui ne font qu’accroitre cette injustice, de même que l’incompréhension générale et un manque de confiance totale en ces institutions dans le monde entier.

Il est incompréhensible que dans le cas du TPIY, les seuls coupables soient des responsables serbes, dont le fait d’être Serbes est déjà passible de sanctions. Qu’en est-il des criminels albanais, croates et autres ? On se souvient encore des tristes cas d’Ante Gotovina, général croate (possédant également la citoyenneté française), accusé de crimes contre l’humanité et notamment de meurtres massifs de civils serbes, de déplacement forcé de population, destruction sans motif de villes et villages, et la liste n’est pas exhaustive et qui, à la grande surprise générale, sera libéré en novembre 2012 (alors qu’il était condamné à 24 ans d’emprisonnement). Ou encore de Ramush Haradinaj, chef militaire de la dite « Armée de libération du Kosovo » (UÇK), inculpé lui aussi pour crimes de guerre commis alors qu’il était justement commandant de l’UÇK et acquitté lui aussi quelques jours après Gotovina…. « Bravo » donc au TPIY.

Pour revenir à l’Afrique et à la CPI, et plus particulièrement au cas ivoirien, où sont les responsables des crimes commis à Duékoué ? Où sont les mandats d’arrêts à l’encontre de ceux qui ont véritablement commis et continuent de commettre encore des crimes contre l’humanité ? Une justice à deux vitesses ? Pratique de doubles standards ? A l’évidence, c’est le cas… Du moins les parlementaires russes et leurs invités étaient tous d’accord sur ce point. Ils ont également vivement salué la démarche entreprise par l’Union africaine (UA) qui entrevoit la possibilité d’une sortie massive des pays africains de la Cour pénale internationale. Toujours selon eux, tant qu’il n’y aura pas une réforme massive et en totalité de la CPI, du TPIY et autres institutions de cette « famille », alors ces juridictions ne retrouveront jamais la confiance qu’ils espèrent tant porter, et de cela dépendra leur survie… La Russie de son côté, de même que la Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, continuera de suivre avec la plus grande attention les événements liés aux institutions juridiques internationales et surtout si les critiques objectives dont elles font l’objet seront entendues ou non…

http://french.ruvr.ru/2013_11_18/La-politisation-des-institutions-juridiques-internationales-denoncee-a-la-Douma-2919/

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

 

La France à l’assaut de l’Angola ?

Laurent Fabius et Georges Chikoty

Laurent Fabius et Georges Chikoty                                                                              Photo : AFP

La très récente visite de Laurent Fabius, Ministre français des Affaires étrangères, en Angola, a clairement montré le désir de l’Hexagone d’étendre son influence au-delà de l’Afrique francophone et de jouer la concurrence dans un pays déjà très convoité par bon nombre d’autres partenaires.

« La France veut sa part du miracle angolais », tel était le titre d’un article paru le 1er novembre sur le site deFrance 24. En effet, la première visite en dix ans d’un Ministre français des Affaires étrangères dans ce pays n’a rien d’anodin, bien au contraire. L’Angola est effectivement pour beaucoup un eldorado à exploiter à tout prix. Ce pays lusophone du Sud-Ouest de l’Afrique vit un véritable boom économique depuis plusieurs années.

Plusieurs grands patrons des principales entreprises françaises ont accompagné M. Fabius à Luanda, la capitale angolaise. Parmi elles, on peut citer Total, Airbus, Air France, Alstom, Bolloré, Veolia, BNP Paribas… Du beau monde en gros. La France ne cache pas que l’arrivée d’une délégation aussi importante en Angola est liée ouvertement à ses intérêts économiques et commerciaux dans ce pays. D’ailleurs, comme le note si bien le site du ministère français de l’Economie et des Finances, « peu de pays dans le monde ont un potentiel aussi important que l’Angola, où, malgré la concurrence, il existe d’importantes possibilités pour les entreprises françaises en dépit des difficultés d’approche du marché ».

Le pétrole reste pour le moment le principal intérêt. L’Angola en est désormais le deuxième producteur du continent africain (derrière l’Algérie et devant le Nigeria). C’est donc sans surprise que dans le total de 10 milliards d’euros d’investissements directs français en Angola en 2012, plus de 90% sont représentés par Total. Mis à part l’or noir, l’Angola compte également d’autres ressources en quantités importantes : gaz, diamants, or, bauxite, uranium, industrie de la pêche, … Sans oublier d’autres domaines avec lesquels veut renouer le pays, comme l’agriculture, naguère prospère.

L’Angola est devenu en outre un eldorado pour les travailleurs étrangers, et point important, pour les travailleurs européens, Portugais en premier lieu. En effet, plus de 150 000 travailleurs portugais y travaillent officiellement, sans compter les citoyens portugais en situation irrégulière, reconduits de temps à autre à la frontière. L’Angola est par ailleurs devenu l’un des principaux pays investisseurs étrangers d’un Portugal en crise, faisant que celui-ci n’a jamais autant dépendu de son ancienne colonie.

En dehors des énormes opportunités d’affaires qu’offre l’Angola, pour la France il s’agit aussi vraisemblablement de tenter de jouer sur le terrain de la Chine. Car en effet, l’Empire du milieu est le premier partenaire économique et commercial de l’Angola. Forte de sa présence via ses milliards d’investissements, la Chine est également représentée à travers ses nombreux concitoyens présents dans le pays (plus de 250 000 selon les sources occidentales). Pour la France, dont la présence est de plus en plus contestée au sein de ses anciennes colonies francophones et avec le système de la Françafrique de plus en plus remis en cause, l’Angola représente une occasion d’étendre encore plus son influence.

 Qu’en sera-t-il en réalité ? Difficile à dire. Malgré les atouts que la France possède dans un certain nombre de domaines, l’approche adoptée sera probablement décisive. Car si la Chine, qui ne compte nullement lâcher ses intérêts en Afrique en général et en Angola en particulier, et qui a depuis longtemps fait du continent africain l’une de ses priorités en matière de politique extérieure, a très souvent su trouver la bonne approche avec ses partenaires africains, la France elle, habituée à bien souvent simplement dicter ses désirs dans ses anciennes possessions, aura beaucoup de mal à faire de même en Angola. Il faut quand même bien le rappeler, l’Angola fait partie de ces pays sur le continent africain ayant toujours su défendre avec ardeur leur souveraineté.

L’histoire relativement récente de l’Angola (longue guerre d’indépendance contre le Portugal, puis très longue et dévastatrice guerre civile) lui ont appris à défendre coûte que coûte ses intérêts, où que ce soit et avec qui que ce soit. La France saura-t-elle éviter avec l’Angola les erreurs commises (et qu’elle commet encore) avec bon nombre d’autres pays africains et s’y imposer ? Telle est la question. On en saura beaucoup plus dans un avenir proche.

http://french.ruvr.ru/2013_11_06/La-France-a-l-assaut-de-l-Angola-7258/

Mikhail Gamandiy-Egorov